François Damerval, Chef de cabinet de Corinne Lepage, nous adresse ce texte en réponse à l’article de Frédéric Denhez, Le CRIIGEN porte plainte contre… la liberté d’expression, mis en ligne sur notre site.
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Voici l’édito de Jean-Claude Jaillette :
« En exclusivité dans Marianne, des chercheurs du monde entier et de renommée internationale publient une tribune en réponse à la publication des résultats du Pr Gilles Eric-Séralini dans le Nouvel Observateur du 20 septembre dernier. Ils expriment leur scepticisme scientifique et leur colère envers l’utilisation que les mécènes font de l’étude. Les mots sont durs « opération de communication », « fraude scientifique où la méthodologie sert à conforter des résultats déjà écrits d’avance » , etc. »
Alors non, Monsieur Denhez, il ne s’agit pas d’une attaque à l’encontre de la liberté de la presse, mais bel et bien de la défense d’un travail qui a connu nombre d’entraves en amont et en aval de la communication de l’étude. Gilles Eric Séralini défend sa liberté quand il attaque Jean-Claude Jaillette et je reprends les propos de Nelson Mandela dans Un long chemin vers la liberté : « je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu’un d’autre de sa liberté. L’opprimé et l’oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité ». En l’occurrence Jean Claude Jaillette dans le choix de ses mots remet en cause l’intégrité de l’Homme.
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Will Hutton, dans The Observer, a signé un édito, le 25 novembre dernier, pour un encadrement de la presse intitulé « l’autorégulation ne suffit pas ». En France, le régulateur est un pouvoir indépendant. Ce pouvoir indépendant c’est le juge et je pense que l’ensemble des journalistes ne devrait pas avoir peur d’un juge de la République d’une démocratie. Dans le cadre de la diffamation, le juge va devoir dire certes si il y a vérité mais aussi s’il y a bonne foi de la part de Jean Claude Jaillette. Ce dernier ne peut ignorer la condamnation de Marc Fellous et de l’AFBV en diffamation 20 mois plus tôt. Alors, quand il publie sur la même page l’appel signé par une grande partie des membres de l’AFBV et des propos d’un scientifique américain sans citer les auteurs des mots incriminés par Gilles Eric Séralini, ni le contexte de la publication, ni les phrases ainsi coupées, ce qui induit que le journaliste les reprend à son compte.
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Et quand la plainte est déposée contre Jean Claude Jaillette, celui-ci signe une tribune erronée citant un plaignant qui ne l’est pas. Quand on le lui signale par mail, il ne daigne pas répondre pour prendre en compte le mail envoyé, dont je sais qu’il l’a reçu puisque je me suis fait confirmer par ses soins lors d’un appel téléphonique qu’il l’avait lu.
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Malheureusement, Monsieur Denhez dans votre texte vous en faites de même, et peut-être pire encore car, contrairement à Jean Claude Jaillette, vous n’êtes pas partie intéressée, cela aurait du vous conduire à la prudence et consulter la partie adverse.
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« L’imprescriptible liberté d’expression dont jouissent les individus, n’a pas grand–chose à voir avec la liberté d’expression d’un groupe de médias ayant les moyens de manipuler l’opinion de millions de personnes, et c’est pour cette raison que cette liberté doit être encadrée juridiquement et assortie d’une obligation de rendre des comptes », écrit Will Hunton dans l’article précédemment cité. Et il n’a pas tort. Le juge dira si dans tel cas, Gilles Eric Séralini pouvait prétendre à voir son honneur rétabli
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Non, ce ne sont pas Marc Mennessier ou Sylvestre Huet qui sont poursuivis. Pourtant on ne peut leur reprocher d’avoir été éminemment critiques. Non ce n’est pas l’esprit critique qui est reproché à Jean Claude Jaillette mais bel et bien des mots inacceptables et oui il devra prouver qu’il y a fraude. Non malheureusement, contrairement à ce que certains laissent entendre, les conclusions de l’étude n’ont pas été « balayées par l’ensemble de la communauté scientifique internationale » (site Alerte Environnement)..
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Que dit l’ANSES ? A ce jour, on dispose d’un « nombre limité de publications traitant des effets potentiels à long terme d’une consommation d’OGM associés à des pesticides » et l’étude est originale. Il n’y a point d’invalidation juste que les recherches du professeur Séralini « ne permettent pas de remettre en cause les évaluations réglementaires précédentes sur le maïs NK603 et le Round-up ». Cela tombe bien car les protocoles sont justement dans le collimateur des gestionnaires du risque.
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Ni Sylvestre Huet, ni Marc Mennessier n’ont par exemple couvert la révision de la directive 2001/18 du Parlement européen visant aux Etats la possibilité d’interdire la culture d’OGM dans leur pays alors que le premier parle de désastre pour le débat public. Je lui réponds en lui disant qu’il n’y avait pas de débat public avant cette étude permettant à 2 OGM d’être cultivés en Europe et 45 d’être importés.
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Cela nous conduit directement à évoquer la communication de cette étude. Les choix faits en fonction des antécédents sont plutôt assez logiques. Beaucoup les critiquent, pourtant ils sont bien moins vitupérants quand ils confrontent les budgets lobbying à la publicité et à la communication des producteurs. Où sont-ils quand Syngenta se paye des pages entières dans les quotidiens nationaux ? Hannen Swaffer pourrait vous dire : « La liberté de la presse c’est le droit de dire ce que ne pense pas le propriétaire du journal à condition que ca ne gêne pas les annonceurs ». Où sont donc les critiques quand l’UIPP finance les pages agriculture d’Euractiv ou RTE et ERDF celles de l’environnement ? De même, la célérité des critiques des défenseurs des OGM aurait probablement dû mettre la puce à l’oreille aux relayeurs de message sur la race des rats, l’absence d’effet dose, la contestation des protocoles, la traque du laboratoire ou les financements. La mauvaise foi faite sur les financeurs, notamment le CERES, alors que celui-ci n’a aucun intérêt direct contrairement aux demandeurs d’autorisation devrait être un signal précoce. Le financeur peut bénéficier tout au plus d’un avantage concurrentiel avec une filière sans OGM mais il remplit surtout ce qui devraient être une obligation légale : vérifier que l’on distribue des produits sains.
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Sur un dernier point, la comparaison avec Allégre et Courtillot est insultante. Et la demande du HCB pour qu’une « étude de long terme, indépendante et contradictoire soit entreprise sous l’égide des pouvoirs publics quant à la sécurité sanitaire du maïs NK603 » en est la meilleure preuve, Christine Noiville demandant même que le Pr Séralini fasse partie de la nouvelle étude. Le volet OGM de « Signaux précoces, leçons tardives », deuxième volet produit par l’Agence Européenne de l’Environnement, paru le 24 janvier dernier, en est un bon exemple et pour le coup cite en référence les travaux du Pr Séralini.
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Lisez ici la réponse de Frédéric Denhez à la réponse de François Damerval.
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