Les journalistes ont eu la chance de passer plus de deux heures jeudi dernier avec Corinne Lepage, députée européenne, sur le salon Pollutec à Lyon. En partance pour Doha, elle a commencé par une « bonne nouvelle, c’est que Doha ne peut pas être pire que ce qu’on attend puisqu’on n’en attend rien ». Un entretien plus que pessimiste.
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par Christel Leca
« Je commence à être franchement pessimiste. Cette avidité aux hydrocarbures et aux énergies au meilleur marché sans prendre en compte leurs externalités ni le changement climatique » la rend bien sombre, au même titre, confie-t-elle, que « tous les gens de ma génération, qui ont plutôt une optique dynamique, que je croise depuis trois mois. Il n’y a dans l’humanité aucune force capable d’innover alors que tous les indicateurs sont au plus bas ». Et de citer les prévisions d’augmentation de la température moyenne de la Terre, qui étaient de 1 à 1,5° C pour 2050 à la sortie du 1er rapport du Giec et qui sont aujourd’hui de 4 à 5° C pour 2060. « Les décideurs s’en foutent. Sur le plan philosophique, c’est interpellant. On va sacrifier des centaines de milliers de personnes juste pour avoir une énergie à bon marché, faire repartir l’économie occidentale » et permettre aux pays émergents de faire les mêmes erreurs que nous.
« 2012 est l’année la plus grave en termes de cataclysmes : je ne veux plus parler de catastrophes naturelles, elles n’ont rien de naturel, l’homme y est bien pour quelque chose. Alors qu’on avait la chance de pouvoir faire coïncider il y a trois ans le peak oil avec le déploiement des énergies renouvelables, tout est remis en cause par les gaz de schistes aujourd’hui ». L’ancienne ministre de l’Environnement explique qu’aux États-Unis, ils sont vendus à perte : 2 $/BTI alors que leur prix de revient est de 8 $. « A ce prix là, les énergies renouvelables n’ont plus aucune chance ! »
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Pour Corinne Lepage, nous avons raté l’heure de la reconversion de l’économie, il y a trois ou quatre ans. « Les pétroliers ont trouvé de quoi suicider l’humanité ». D’énormes investissements se font actuellement sur des projets colossaux qui ne vont pas dans le sens de l’histoire (territorialisation de la production, efficacité énergétique…) :
– Iter : « un puits sans fond qui a déjà coûté 15 milliards d’euros » ;
– Desertec : une méga-installation solaire dans le Sahara pour alimenter l’Europe (qui financerait environ 1 milliard d’€) ;
– La capture du carbone, qui devrait s’accompagner de la réduction des émissions alors que l’esprit est plutôt à permettre de mieux et plus émettre encore.
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Voyant le débat sur la transition énergétique « mal parti » (aucun expert de l’efficacité énergétique face aux experts du nucléaire dans le comité de pilotage, le Syndicat des énergies renouvelables pas invité), Corinne Lepage aurait préféré que l’on débatte de « transition économique ». On y aurait inclus l’économie circulaire, la valorisation des déchets, la relocalisation de la production, les territoires à énergie positive, les réseaux… Elle regrette également l’absence dans les débats d’un sujet majeur pour elle : le stockage de l’énergie, sur lequel elle annonce qu’elle reviendra en janvier prochain. « Je suis effondrée des campagnes de presse qui entravent tout débat aujourd’hui ! »
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Corinne Lepage a publié en novembre aux éditions Charles Leopold Mayer un petit opuscule qui raconte la saga de l’expérience du Criigen et l’histoire dans laquelle elle s’inscrit : La vérité sur les OGM, c’est notre affaire !.
Objectif avoué : « convaincre nos concitoyens qu’ils peuvent incontestablement agir, avoir prise sur une situation qui leur semble insupportable ».
128 pages, novembre 2012, 8 euros
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Retrouvez le quotidien réalisé à Pollutec Lyon du 27 novembre au 3 décembre par Christel Leca et toute l’équipe d’Environnement Magazine :
http://www.environnement-magazine.fr/pollutec/quotidien/2012/1.html
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2 réflexions au sujet de “Corinne Lepage pessimiste à Pollutec Lyon”
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