La suite du carnet de voyage de l’un des journalistes des JNE présents à Rio.
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par Bernard Desjeux
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Il y a comme une ambiance de fin de partie, les derniers papiers ont été envoyés, chacun fait son programme pour découvrir Rio. Avec Joël, nous décidons de monter au Corcovado malgré une pluie menaçante, il y eut un gros orage cette nuit, c’est la saison. Le Corcovado, c’est, vous savez, cette célébrissime montagne surmonté d’une immense statue du Christ rédempteur.
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Nous passons par acquis de conscience jeter un coup œil au sommet des peuples à Flamengo. Les héros sont fatigués, le sol détrempé, les Indiens sont repartis dans leur forêt. Le lieu ressemble plus à un vide grenier du week-end qu’à un lieu militant. Reste quelques membres des sans terre, du campesimos qui somnolent sur leur chaise en attendant un communiqué final… J’ai demandé à Maxime, membre d’Attac, ce qu’il attendait de ce sommet, il m’a répondu : rien. En voilà au moins un qui ne risque pas d’être déçu.
Coup de chance, le ciel s’éclaircit et nous pouvons admirer le magnifique site de la baie de Rio à couper le souffle. On a beau l’avoir vu des milliers de fois en photos, au cinéma…
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J’arrive à identifier les quartiers, le jardin botanique, le parc national urbain de Tijuca, le lagoa rodrigo de freitas… Dans le funiculaire qui nous redescend, de joyeux musiciens nous accompagnent sur un air de samba… Quelle joie.
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Jouxtant le terminus se trouve le musée d’art naïf qui regroupe une belle collection autour de Rio et du reste du monde : Egypte, Ghana, Sénégal avec un fixé sous verre de Madou Fall représentant le départ de Sheikou Amadou Bamba vers le Gabon…
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Après l’effort, le réconfort Martha, Jean-Claude ont préparé une délicieuse caipirinha, citron vert et alcool de canne à sucre. Chacun, je pense, a le sentiment du travail accompli. Dans des registres différents, chacun a essayé de se dépatouiller de ce sommet et il est intéressant de voir la façon de travailler des uns et des autres.
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Je n’ai jamais fait aussi vite, j’ai envoyé les photos de la conférence de presse de François Hollande 10 minutes après la fin de celle-ci. Cela dit, je ne suis vraiment pas persuadé du bien-fondé de cette course de vitesse après l’actualité où l’on passe plus de temps le nez dans le guidon de son ordinateur qu’à écouter, voir ce qui se passe, vérifier, recouper… D’ailleurs, je n’ai pas du tout l’impression d’avoir assisté à la même chose que mes petits camarades. Comment peut-on écrire comme Claude Marie Vadrot « Pour tous, le bilan, version écologiquement et politiquement correcte, est très mitigé. » Ces raccourcis journalistiques et superficiels ne correspondent vraiment à rien, j’ai rencontré beaucoup de gens qui étaient contents et beaucoup insistaient plus sur la grande richesse de ce sommet avec l’impossibilité de profiter de tout : 60 tables rondes au seul Pavillon de France, des centaines de rencontres bilatérales, de déjeuners, sans parler des rencontres fortuites, j’ai un plein sac de cartes de visites et ma boîte mail remplie de messages d’amitié. J’ai assisté à de nombreux forums au sommet des peuples sur la forêt, l’eau, le logement… Retrouvés, les amis de ENDA Dakar, j’ai continué à échanger dans l’avion tard dans la nuit avec un délégué du ministère de l’environnement de Côte d’Ivoire. Alors parler d’échec d’un revers de clavier, cela me semble un peu coupable et très prétentieux. Voilà qui est dit.
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Il est temps d’aller entendre les choses sérieuses. Le scenarium dans le quartier de Lapa : dans un cadre incroyable, un orchestre chauffe la salle avec des sambas d’enfer. Jean-Claude, tout de blanc vêtu, se métamorphose doucement absorbé par la piste de danse. Je crois comprendre à cet instant pourquoi il aime tant ce pays et comment il a su nous le dévoiler avec sensibilité. Des rythmes nègres, des rythmes métisses non pas universels ou affadis, mais plutôt des rythmes essentiels qui vous bouleversent les tripes vous réchauffent les sens et le cœur, vous transportent ailleurs, c’est-à-dire au centre de tout, disons-le, je suis bouleversé d’émotion par cette musique qui me transporte dans le bonheur. Je retournerai à Lapa le lendemain une partie de la nuit, picorant de bar en bar des pépites de vie… Rio : Obligado (merci)
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