Rio+20 : le carnet de voyage de Bernard Desjeux (7). Presse pressée

La suite du carnet de voyage de l’un des journalistes des JNE présents à Rio.

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par Bernard Desjeux

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Dans cette magnifique guest house donnant sur la plage de Copacabana, tout le monde tape sur son ordinateur sur la terrasse, le salon, dans les chambres… Des frégates (les oiseaux, pas les bateaux ni la bagnole), tournent dans le ciel, montent au passage des hélicoptères et des sirènes de la police…

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La navette est pleine, il faut trouver deux taxis jusqu’au Rio Centro, ce n’est vraiment pas le parcours le plus marrant, mais heureusement les conversations vont bon train.

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Je ne m’y suis rendu que pour l’accréditation le premier jour. Cela rappelle un peu un hall d’aéroport avec les portails de sécurité et une population cosmopolite. L’entrée est bondée d’experts, de délégués, de journalistes. Les chiffres sont impressionnants : 10 288 délégations, 8038 ONG, 3671 médias, 1799 dialogues day pass (je ne sais ce que c’est), 4275 agents de sécurité. Des centaines d’ordinateurs, de caméras dans la salle de presse, un peu comme dans un film. Les gens cavalent dans tous les sens après l’information, la confirmation ou l’annulation d’une séance, envoient des centaines d’articles, de photos, d’interviews. J’ai l’impression d’être devant un immense rouleau compresseur qui, pendant quelques jours, va résonner dans tous les médias du monde, et un rouleau compresseur qui résonne, je vous laisse imaginer. Après ? Il y aura un autre sommet à Bogota, semble-t-il autour du climat, en espérant que toute cette agitation serve à quelque chose. Un nombre impressionnant de rencontre en tout genre, de rencontres bilatérales. « Sois court, tu me fais deux feuillets ! », « Il faudrait un papier où il y a de la chair sur l’os ! »

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Nous assistons à la conférence des ONG. Ils n’ont pas l’air content et débitent leur mécontentement en bons techniciens. « We don’t save the world with this document ». So what ! Au moins, c’est clair, ce n’est pas encore pour cette fois-ci. Je trouve qu’un responsable de Greenpeace est beaucoup plus clair et précis. Pour lui, me semble-t-il, le sommet est une étape, mais… (voir le livre de Pierre Gleizes, Rainbow Warrior mon amour, éditions Glénat).

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C’est promis, demain j’apprends la langue des sommets car après avoir dit qu’il faut protéger les forêts l’eau, que des millions de gens meurent de faim, ce que d’ailleurs personne ne conteste, il faut rentrer dans la jungle des négos ,des rapports de force, des parties de billards avec la presse, un peu comme dans la chanson de Gilbert Lafaille, Truc et ficelle troc et combine … Sur un grand écran de la salle de presse, une dame très bien, la représentante de la Gambie, fait le catalogue des catastrophes de la planète, le Président bulgare, je crois, illustre son propos de l’évolution de l’émission de CO2. Un vrai dessin de Plantu !

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Quand je vois cette ruche salle de presse, je me demande vraiment ce qu’ils racontent. Je ne vois pas où est l’urgence d’annoncer « que pt’ête ben qu’oui, pt-ête ben que non », que la planète n’est pas complètement sauvée, mais qu’on y va. Je me demande en fait qui fait exister le sommet et si le canard ne se met pas le bec où je pense…

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Il est 12 h 30, allons casser la croûte. Sur le chemin, je croise un prix Nobel, Marina Silva, l’ancienne ministre de l’environnement, un Hindou avec un beau turban, les Péruviens d’Eva Morales, un Nigérian que je salue chaudement comme un compatriote…

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La salle de restaurant est phénoménale : un immense espace, aux pourtours duquel se tiennent des restaurants des « quatre coins de la planète », avec toujours un immense écran sous-titré avec le défilé des chefs d’Etat faisant leurs discours… Ca parle dans toutes les langues, circule dans tous les sens des dossiers sous le bras. On pourrait être dans une séquence des Monty Python. Les gens mangent la tête dans leur ordinateur ou leur téléphone portables.

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Zut ! J’ai perdu mon badge, la fixation a cassé. Aie ! j’arrive à refaire le chemin à l’envers, trouver le bon guichet qui avait pourtant déménagé et c’est oublié, réparé, me voilà à nouveau à exister officiellement avec ma petite carte « P ». À chaque étape de mon séjour, je suis vraiment frappé par la gentillesse des Brésiliens, toutes catégories confondues. Même les services de sécurité sont charmants, même quand je fais sonner le portique avec ma clef ou mes lunettes.

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Je fais les « cent pas », rencontre des Béninois, un Dossou Yovo, mais il ne connaît pas mes amis qui habitent derrière le collège Auprès à Cotonou, un Togolais, un Sénégalais. Ils animent un site « flamme d’Afrique ». Une Afrique jeune qui a l’air bien active, cela fait plaisir à voir.

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Sur un mur du centre de presse ,une nouvelle affiche : Evo Morales today/aujourd’hui/hoy. Vous avez dit hoy, mais c’est donc bientôt. Je me rends en P3-8. Un peu en avance en fait, j’ai derrière la tête de donner mon catalogue des éditions Grandvaux au service communication del presidente car nous venons de sortir Potosi, les brûlures de l’argent de Guy Gouézel. J’attendrai longtemps avec les compañeros la venue du Président qui, finalement, ne viendra pas.

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Ça y est, j’ai vu le Rio Centro. Filons vers le Parc Athletico où se trouvent les espaces des pays et des sociétés. Je tombe au pavillon de France sur une table ronde passionnante sur le développement durable et l’espace. « Les forêts du Gabon sont considérées comme des biens publics ». L’Agence française de développement a investi 9 millions d’euros par le système de reconversion de dette. Ah bon, le Gabon, ce petit pays de moins d’un million d’habitants, a des dettes… « On ne peut prendre en compte sans le connaître le capital naturel qu’il faut mesurer et savoir gérer… Pour s’approprier les choses, il faut y avoir intérêt… » Elémentaire.

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Encore un petit tour au pavillon japonais, impressionnant. Les grosses sociétés investissent en masse dans les énergies douces. On me fait une démonstration sur une maquette animée de toute une ville marchant aux énergies douces…

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Il commence à se faire un peu tard. Ma chaussure gauche commence à se décoller. Il est temps de rentrer… Je monte dans une navette. Il fait noir, le bus démarre, je n’ai aucune idée où il va. La jeune femme qui est assise à côté de moi m’explique le trajet de ce bus, elle me propose de me déposer en voiture à une autre station qui me transportera jusqu’à Ipamena. Super. Avec son copain, nous parlons de foot et de l’estime réciproque des équipes de France et du Brésil…

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La soirée se terminera joyeusement dans un petit resto de Copacabana, niveau sonore joyeux ponctué, parfois par des cris de joie quand l’équipe de la télé marque un but…

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Bernard Desjeux Rio le 22 juin 2012

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