Les collectivités locales françaises sont peu nombreuses à avoir fait le déplacement au sommet des Nations Unies sur l’environnement qui se termine à Rio ce vendredi 22 juin 2012.
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par Sara Sampaio, à Rio de Janeiro
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Un peu moins de dix régions, un peu plus de dix villes étaient présentes. Presque aucun département n’est venu. Question de coût ? De calendrier, déjà bien rempli par la préparation des élections législatives ? Ou question d’engagement ? Car le développement durable dépend avant tout d’une volonté politique. Une chose est donc certaine : celles qui sont venues sont des convaincues du développement durable.
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Ainsi, le Nord-Pas de Calais a investi Rio+20 avec enthousiasme, emmenant chefs d’entreprise, chercheurs, associations. « Nous venons là pour faire poids, car nos solutions marchent et elles ne sont pas suffisamment prises en compte au niveau national », explique Emmanuel Cau, vice-président de la région à l’aménagement du territoire.
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« Nous venons nous conforter dans ce que nous mettons en place, sur le plan technique comme éthique », ajoute Myriam Cau, vice-présidente au développement durable. La délégation a ainsi observé avec intérêt le travail fourni par les autres pays sur les thèmes qui lui sont chers, tels que les indicateurs de richesse alternatifs au PIB ou les villes durables.
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Au-delà, le Nord-Pas de Calais est venu à Rio témoigner de son statut de « territoire en transition ». Car s’il a investi le champ du développement durable, c’est pour rompre avec un siècle de crises industrielles et sociales. « Nous avons fermé les mines, puis la sidérurgie s’est éteinte, de même que le textile. Aujourd’hui, l’activité de la vente par correspondance s’effondre avec la concurrence d’Internet », rappelle Myriam Cau. « Le développement durable est apparu comme une alternative », conclut Jean-Christophe Lipovac, du Cerdd (Centre de ressources sur le développement durable du Nord-Pas de Calais). Le territoire mise dorénavant sur de nouvelles logiques économiques, allant du recyclage des déchets sur ses sites industriels Seveso aux solutions de financement apportés aux ménages pour la réhabilitation thermique des logements.
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La région des Pays de la Loire, venue également en force à Rio, a mis les nouvelles générations à l’honneur. La délégation a intégré cinq jeunes de 18 à 25 ans, étudiant en BTS, lycéens ou apprentis. Tous ont en commun de venir de lycées labellisés « éco-responsables ». Tous ont un pied dans le développement durable, qu’il s’agisse de projets personnels ou de la formation professionnelle qu’ils ont choisie. Tous, par leurs préoccupations, expriment des problématiques discutées à Rio.
« En agriculture, il faut revenir vers les cultures anciennes, qui ont été bouleversées par l’introduction d’intrants. On doit pouvoir utiliser les intrants, mais à faible dose », explique Emmanuel, qui se forme en viticulture-œnologie. « Je n’ai trouvé qu’un seul DU [diplôme universtaire] formant à l’éco-construction, l’offre de formation est peu importante, c’est dommageable », souligne Clément, apprenti dans le BTP comme charpentier. Rosselin, en BTS aménagement paysager, reconnaît que ce déplacement au Brésil représente un coût et… une certaine pollution. D’où l’importance, pour que cela en vaille la peine, de « sensibiliser l’ensemble du lycée aux enjeux du sommet ».
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Loin de la Loire, en Guyane, les préoccupations sont très semblables à celles des pays du Sud, qui, à Rio+20, ont fait valoir leur droit à la croissance et à l’éradication de la pauvreté. La deuxième vice-présidente de la région, Hélène Sirder, est inquiète. « Parce que la Guyane appartient à l’Amazonie, le poumon vert de la planète, elle a fait l’objet d’une politique de protection intégrale. L’emploi et l’économie ont été mis de côté sur notre territoire. »
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Or, fait valoir l’élue, la Guyane connaît une explosion démographique. La population croît de presque 5 % par an, 8 % dans certaines zones. « Nous devons continuer à protéger la biodiversité, mais aussi remettre les populations au cœur de nos préoccupations et créer de l’activité. » Hélène Sirder défend ainsi à Rio l’idée d’un développement endogène pour la Guyane. Un développement qui permettrait par exemple de créer de nouveaux métiers – dans l’éco-tourisme, dans l’artisanat –pour les populations amérindiennes qui vivent encore en lien étroit avec la nature.
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Au final, les collectivités locales établissent des diagnostics, réfléchissent à des solutions, mettent en place des lieux de démonstration. Leur proximité avec la population leur donne une certaine capacité de concertation. En outre, elles ont un poids économique conséquent puisqu’elles réalisent en France 70 % de l’investissement. Pour Myriam Cau, « 80% de la force de frappe de l’action concrète du développement durable vient de la région ». Les villes ne sont pas en reste, notamment en raison de leurs compétences en matière d’urbanisme.
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Conséquence de cette capacité d’initiative, les régions sont parfois plus avant-gardistes en matière de développement durable que leurs Etats,comme la Californie aux Etats-Unis ; certaines régions du monde signent entre eux des accords de coopération alors que leurs exécutifs restent en désaccord,comme le Nord-Pas de Calais en France et le Minas Gerais au Brésil. Pourtant, malgré l’énergie déployée par ce réseau horizontal, les territoires ne peuvent avancer sans leurs Etats. « Nous ne pouvons pas atteindre l’objectif seuls car nous n’avons pas accès à la gouvernance économique », souligne Myriam Cau.
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Autre contradiction, bien qu’étant forces de proposition, bien que l’ONU ait reconnu leur rôle dans la mise en place du développement durable dès le Sommet de la terre de 1992, les pouvoirs locaux (dénomination onusienne, qui regroupe tous les statuts existants) ne sont pas partie prenante des négociations. « Les Nations Unies doivent désormais reconnaître que ces pouvoirs locaux ont une légitimité qui doit les positionner à un niveau de discussion qu’ils n’ont pas aujourd’hui », revendique Jacques Auxiette, président du Conseil régional des Pays de la Loire.
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Les résultats du sommet Rio+20, très en-deçà des attentes (au point que la presse brésilienne l’a déjà rebaptisé Rio-20) n’a pas abattu ces convaincus du développement durable. « L’échec conforte notre idée que ce ne sont pas les Etats qui mettent en œuvre le développement durable », affirme Annick Delhaye, vice-présidente de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.Un avis partagé au-delà du seul cercle des élus : pour François Loos, président de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) présent à Rio, « ce qu’il faut faire, ce sont les collectivités locales et les entreprises qui le feront ».
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Cet article est paru sur latribune.fr
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