Chroniques de Rio 1 : au secours des tamarins lions

A 150 km au nord de Rio, une petite équipe de 20 personnes s’attèle à la sauvegarde des tamarins lions. Un minuscule singe doré, endémique, dont il faut préserver l’habitat : une affaire loin d’être mince.

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par Christel Leca

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Tamarins Lions - photo ©CLeca

Myriam Goldminc et moi avons à peine le temps de profiter du magnifique lieu de travail dont les JNE vont disposer pendant 10 jours : direction le nord ! Luis Paulo Ferraz, secrétaire général de l’association Mico Leao Dourado (tamarin lion en portugais), a eu la gentillesse d’annoncer sa venue jusqu’à notre Rio Guest House à 7 h 30 le lendemain de notre atterrissage… L’occasion de nous mettre à l’heure brésilienne au plus vite : il arrive à 8 h 45 pétantes ! Les embrassades à peine achevées, nous voici en route pour les réserves de Poço Das Antas et Uniao, au nord de l’État de Rio de Janeiro.

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Nous traversons la mégapole, déjà bien encombrée, passant devant le Pain de Sucre embrumé, l’Aterro do Flamengo, où le Sommet des peuples bat son plein et le centre : un amalgame de bâtiments coloniaux et d’immeubles high tech étroitement imbriqués. Puis le port de commerce, envahi de containers et autres immenses pétroliers, les faubourgs et les favélas…

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La ville s’estompe, laissant la place à la forêt atlantique entrecoupée de pâturages. Morcelée, c’est le mot, et c’est bien la problématique des sauveteurs que nous allons rencontrer. Alors qu’elle occupait 15 % du territoire national, elle a été réduite à la portion congrue : il ne reste 7 % de l’aire d’origine de ce hot spot de la biodiversité mondiale.

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Ici survivait tant bien que mal un petit singe doré, à peine plus gros qu’un écureuil (60 cm, 600 grammes), le Tamarin Lion (Leontopithecus rosalia), dans des petits bouts de forêts atlantique fragmentés par l’urbanisation et l’agriculture. Dans les années 1980, il n’en restait que 200 spécimens : l’espèce, endémique, allait disparaître. Depuis, elle est devenue le symbole de la protection de la nature au Brésil, allant même jusqu’à être apposée sur les billets de 20 reals. Entre temps, un programme de sauvegarde a été lancé en 1983, puis l’Associaçao Mico-Leao-Dourado a été créée en 1992, que Luis Paulo Ferraz dirige depuis un an.

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La route est étonnamment propre : aucun détritus ne vient gâcher le paysage, tandis que Luis Paulo Ferraz nous raconte son parcours de géographe, de l’Équateur au Sénégal, où il a appris à parler le français. Je passerai les prochaines 24 heures à parler français, anglais, espagnol avec lui et son équipe.

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Pour sauver les tamarins lions, il faut leur réserver 25 000 hectares d’un seul tenant et atteindre les 2 000 individus. On est loin du compte en ce qui concerne les hectares. Aujourd’hui, 10 000 hectares sont protégés, mais coupés par de vastes pâturages piétinés par les vaches et scindés en deux par la route 101, où nous dépassent dangereusement des camions bien pressés. Par contre, le nombre de tamarins est en constante augmentation : ils sont aujourd’hui plus de 1 600.

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La stratégie de l’association repose sur un travail de longue haleine débuté il y a 20 ans avec les populations locales : agriculteurs, propriétaires, enseignants, enfants… C’est Maria Ines Bento qui chapeaute la sensibilisation à l’agroforesterie naturelle des petits maraîchers et éleveurs de la région. Ils vendent leurs maniocs, maïs, haricots rouges, cœurs de palmier, ignames, salades, fruits, poulets et fromages sur les marchés locaux ou au marché de gros de Rio. Traditionnellement naturelles, les cultures ont été encouragées à l’intensification par les pouvoirs publics et utilisent aujourd’hui de grandes quantités d’engrais et pesticides. Maria Ines, fille d’agriculteurs et proche du mouvement des paysans sans terre, visite chaque cultivateur, fait un diagnostic de leur production et leur propose un programme d’actions adapté pour qu’ils améliorent à la fois leur qualité de vie tout en produisant des denrées bio et respectueuses de l’environnement.

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Avec les propriétaires forestiers, il s’agit de les inciter à replanter ou protéger leur forêt, afin de créer des corridors biologiques entre les espaces protégés. « Nous ne souhaitons pas acheter les terrains, explique Luis Paulo, nous préférons inciter les propriétaires à préserver leur patrimoine forestier. Mais la spéculation foncière est importante, ici, car nous sommes dans un lieu de villégiature prisé des cariocas… Et la forêt, ça ne rapporte pas… » C’est ainsi que l’association achètera prochainement quelques hectares pour faire le lien entre la réserve d’Uniao et la montagne, au nord de l’État. Ce travail s’accompagne de la replantation, dans les réserves, d’espèces locales (ipé, palmiers…) que l’association produit dans des pépinières.

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Troisième cible, et non des moindres, les instituteurs et, par leur entremise, les générations futures locales. Depuis 5 ans, une vingtaine d’instituteurs se succède chaque année un samedi par mois pendant un an avec l’équipe de Luis Paulo pour apprendre l’éducation à l’environnement sur le terrain : replantation d’arbres, agriculture biologique et bien sûr, suivi des populations de tamarins lions…

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C’est Andrea, primatologue, qui est responsable de cette partie du travail de l’association. Chaque jour, elle se rend dans le forêt, appelle ses ouailles d’un petit sifflement tout en tachant de capter la balise qui a été fixée au cou des individus réintroduits. Ils sont venus de zoos du monde entier (Floride, Danemark, Allemagne…) pour augmenter les populations. Aujourd’hui, plus besoin de réintroduire, l’espèce profite bien.

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Ce dimanche matin, nous la suivons. Il nous suffit de nous enfoncer de quelques centaines de mètres dans la forêt, après avoir garé la voiture au bord de la route 101, pour nous retrouver cernés par des dizaines de tamarins, vociférant de leurs cris stridents, autant apeurés que curieux. Leur petite tête toute noire, leurs yeux aussi sombres, contrastent avec leur pelage roux doré, que les rayons du soleil magnifient parmi les branches. D’abord craintifs, ils s’approchent de plus en plus, appâtés sournoisement par Andrea d’un morceau de banane. « Il ne faut pas leur donner à manger », précise-t-elle, mais, pour la photo…

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Je mitraille les héros du jour, puis nous reprenons la route pour Rio… C’est pas tout ça, mais nous avons un sommet à suivre…

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Ecoutez le reportage de Myriam Goldminc sur les tamarins lions en cliquant d’abord ici et puis .

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