Qu’on se le dise : Rio+20 n’est pas vraiment au centre des préoccupations des Brésiliens.
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par Jean-Claude Gerez
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Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil aux titres, ce jeudi 14 juin, du journal télévisé de la Globo, premier réseau de presse (TV, radio, presse écrite) du pays. Ouverture du JT avec du football, suivi des derniers rebondissements d’une – énième – affaire de corruption impliquant le Gouverneur de l’état de Goias, situé au centre du pays.
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La première mention de la Conférence de l’ONU sur l’environnement vient en fait indirectement. L’ex président, Luiz Ignacio Lula da Siva, dit Lula, dont la visite à Rio+20 avait été un temps annoncée, restera finalement à São Paulo, afin d’y suivre une séance de chimiothérapie pour tenter d’enrayer le cancer du larynx dont il souffre. Les images montrent ensuite Dilma Rousseff, l’actuelle présidente du pays hôte, en train d’inaugurer, la veille, une exposition sur l’économie durable, avant de participer aux négociations menées entre les membres du G-77.
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Dans un Etat grand comme 17 fois la France, la Conférence de l’ONU qui va se tenir à Rio est en fait le plus souvent perçue par le grand public comme l’un des méga-événements, parmi quelques autres (JMJ 2013, Coupe du Monde 2014, Jeux Olympiques 2016) que va accueillir la « Cité Merveilleuse » ces prochaines années.
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Si les Brésiliens voient dans l’organisation de cette conférence de l’ONU une nouvelle preuve que le pays est définitivement rentré dans la cour des grandes nations, la nature même de Rio+20 demeure cependant un mystère pour une bonne partie de la population. La preuve ? Le baromètre de la Biodiversité, une étude menée par l’Union for Ethical BioTrade (UEBT), indique que si 59 % des Brésiliens ont déjà entendu parler de Rio+20, seuls 24 % sont parvenus à définir clairement l’événement.
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En attendant, Rio+20 ne fait pas que des heureux chez les cariocas, les habitants de la ville. Parmi eux, les automobilistes, dont l’accès aux avenues du bord de mer de la Zone Sud (Quartiers de Flamengo, où se tiendra l’essentiel du contre-sommet, Copacabana, Ipanema, Leblon, etc.) sera considérablement réduit.
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Pour des raisons de sécurité, le trafic aérien, lui aussi, risque d’être perturbé par la réduction de l’espace aérien autour du Rio Centro, où se tiendra le sommet officiel. Mais c’est sans doute les ramasseurs d’ordures de Gramacho qui sont le plus affectés par l’évènement. Pour tenter de sauver les apparences alors que les yeux du monde seront braqués sur la ville, les autorités ont en effet décidé de fermer, le 1er juin dernier, ce qui constituait la plus grande décharge à ciel ouvert d’Amérique latine, ouverte en 1976, au bord de la baie de Rio. Si la volonté de moderniser le traitement des 8000 tonnes d’ordures est louable, le (res)sentiment qui prédomine chez les 20 000 ramasseurs d’ordures désormais sans travail, est que, pour soigner son image aux yeux du monde, l’Etat brésilien « sacrifie » une nouvelle fois ses pauvres.
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