Des troupeaux mal gardés, une économie souterraine, le braconnage probable d’une centaine de loups sur lequel le ministère ferme les yeux, plus d’une centaine d’autorisations de tirs officiels, de sombres manœuvres politiques et la manipulation de l’opinion publique, ça fait beaucoup : l’État français aurait-il décidé la disparition de nos loups ?
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Par Marc Giraud, avec Marion Fargier et Rémi Collange
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Le loup, cette « force cosmique sur pattes », comme l’appelait le naturaliste François Terrasson (JNE), demeure une espèce protégée en France. Ce noble animal peut néanmoins faire l’objet d’une mesure « exceptionnelle » destinée à protéger des troupeaux pour lesquels les moyens de protection auraient été inefficaces.
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Or, dans la plupart des cas, les mesures de protection minimales (chien de protection, gardiennage, regroupement la nuit, parc de pâturage) ne sont pas ou mal mises en place. De plus en plus fréquemment, la décision d’abattre un loup est néanmoins ordonnée.
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Ces faits constituent non seulement une illégalité, mais également une grave atteinte à la biodiversité et en aucun cas une mesure de protection efficace. Pour preuve, quelques semaines après avoir fait abattre un loup à Combovin (26), le Préfet de la Drôme ordonnait un nouveau tir sur la commune voisine, à Ourches… À ces cas de tirs avérés et connus s’ajoutent les cas suspectés ou des disparitions « mystérieuses », bien plus nombreux.
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Selon une expertise scientifique s’appuyant sur la comparaison des taux de croissance des populations et des effectifs réels, une centaine de loups (au minimum) aurait été braconnée en une dizaine d’années ! (Source : FERUS) De son côté, l’Aspas a toujours contesté devant les tribunaux les arrêtés préfectoraux ou ministériels autorisant les tirs de loups qui ne sont pas légaux ou réglementaires, ou poursuivi les braconniers devant les juridictions répressives. Mais les affaires sont parfois audiencées après que le loup a été abattu, ainsi va la justice… Ces dernières années, nombre de plaintes ont également été déposées devant la Commission Européenne, pour dénoncer les manquements et le laxisme de l’État français vis-à-vis des textes de lois.
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À l’approche de l’élection présidentielle de 2012, les discours politiques anti-loups s’étaient multipliés. Le 6 octobre 2011, à Bonneville, la ministre de l’Écologie de l’époque, Nathalie Koskiusco-Morizet, déclarait (source : Dauphiné libéré) : « J’ai la volonté de faire baisser la pression sur les élevages. Je crois que l’on est parvenus cette saison à un meilleur équilibre. Tous les arrêtés préfectoraux de prélèvements ou de défense ont été réalisés. » Le quota officiel d’alors, qui était de six prélèvements, étant déjà atteint ou proche de l’être, elle a donc annoncé sa volonté d’aller plus loin avec le groupe loup. Ce qui a été largement réalisé juste avant les élections, avec un quota élargi et des autorisations de tirs pour protéger des troupeaux n’ayant pas été menacés directement ! Les associations restent donc très attentives aux positions du nouveau gouvernement, qui, pour l’instant, n’a pas eu de discours très audible sur la biodiversité.
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Le loup est une espèce naturellement présente en Europe. Comme tout élément naturel, il implique des contraintes. L’état en impose certaines brutalement lorsqu’il décide la création d’une autoroute, d’une LGV ou la pose de lignes à haute tension, au nom de la population mais en réalité souvent contre elle. Notre patrimoine naturel, et les générations futures, peuvent mériter quelques adaptations plus douces. Tuer quelques loups ne permettra pas de régler ce problème. Les éleveurs le savent, l’État le sait, les associations le savent. Tuer TOUS les loups de France, ne règlerait en rien le problème économique majeur que rencontre l’élevage français et la filière ovine plus particulièrement… Sans compter qu’à terme, comme il l’a fait dans les années 1990, il reviendra depuis l’Italie. Et puis peut-on accepter, en 2012, en France, l’extermination d’une espèce ? Quid de l’Europe ? Quid de la biodiversité ? Rappelons que le chacal doré (Canis aureus), arrivé en Italie depuis peu, est peut-être déjà entré naturellement en France, et qu’il conviendrait de se préparer à réagir de manière mieux organisée et mieux concertée que pour le loup…
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À moins de stériliser la nature, nous devons accepter de vivre avec nos prédateurs, puisque leur présence est inéluctable et bénéfique aux écosystèmes (le retour du loup à Yellowstone, aux Etats-Unis, a permis le retour de bien d’autres espèces, par exemple). Les mesures de protection existent, et si elle ne garantissent pas 0% de dégâts, elles sont efficaces et permettent de limiter les dommages à un seuil acceptable pour la société.
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Au même titre que la pluie, la grêle, le soleil, le loup est une contrainte environnementale contre laquelle il faut se prémunir, mais qu’on ne peut supprimer. Certes, le loup pose des problèmes à beaucoup de bergers et d’éleveurs en montagne, mais ceux qui sont d’accord pour la cohabitation ont du mal à se faire entendre des médias. Il est révélateur d’une situation ubuesque : trop de moutons surpâturent dans les Alpes, et font du parc du Mercantour un parc à bétail où la végétation est anéantie dans certains secteurs. Trop de moutons qui ne se vendent pas, compte tenu des accords passés avec la Nouvelle-Zélande. Trop de moutons sont laissés à l’abandon dans les alpages par refus des contraintes et des dépenses inhérentes à un élevage de qualité.
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Le loup entraîne des pertes infimes sur les cheptels, en comparaison de certaines maladies bien plus dévastatrices contractées par les ovins. Que dire des attaques des chiens divagants (plus d’un million d’individus en France), mystérieusement disparues depuis l’attribution d’indemnisations pour les attaques imputées au loup ? Que dire de la diabolisation permanente du loup dans les médias ? Heureusement, notre trappeur de cinéma Nicolas Vanier, pourtant anti-écolo notoire, est là pour nous rappeler l’existence des dégâts des chiens…
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