Une campagne présidentielle ratée

Les recommandations du pacte écologique signé par Nicolas Sarkozy pour son mandat de 2007 sont restées lettre morte, en particulier la taxe carbone. La présidentielle 2012 fait aujourd’hui comme si le pacte écologique n’avait jamais existé.

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par Michel Sourrouille

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Pourtant les menaces environnementales touchent tous les domaines, changement climatique, pic pétrolier, stress hydrique, 6ème extinction des espèces, désertification des sols, faim dans le monde, surpopulation, insécurité environnementale, etc. Les présidentiables considèrent que l’insécurité environnementale n’est pas la première des priorités et la candidate officielle de l’écologie, Eva Joly, n’est créditée que de 1 à 2 % des voix seulement, pas beaucoup mieux que René Dumont en 1974. Pourquoi ? Comment y remédier ?

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Le baril de pétrole à 150 dollars en 2008 a été aussitôt occulté par la crise financière qui a démarré quasiment au même moment. Personne ou presque n’a analysé que dette écologique et dette financière sont les deux facettes d’une même réalité. Les politiques en restent aux méthodes traditionnelles qui ont pourtant fait la preuve de leur inefficacité, la volonté de croissance et la politique de relance alors que le surendettement exigerait l’austérité budgétaire et la modération de la consommation. Les deux candidats privilégiés par les sondages n’ont rien compris au phénomène actuel de déplétion pétrolière, phénomène structurel et non passager. Le prix de l’essence augmente à nouveau aujourd’hui, mais Sarkozy dans sa campagne électorale fait confiance aux marchés et Hollande veut bloquer les prix du carburant !

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Le 6e sommet mondial de l’eau vient d’avoir lieu à Marseille, le candidat Mélenchon se contente de vouloir « prendre la Bastille ». La planification écologique qu’il recommande en reste à la toute puissance de l’Etat central. Et Marine le Pen confiait récemment à une revue* son dégoût de l’écologie : « Il n’y a aucune autre alternative crédible au nucléaire… Les éoliennes, c’est immonde… Le bio est une dictature… ».

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Un membre historique de notre association pose la question du déni écologique dans son dernier livre** : « Je m’interroge sur les motivations de ces sceptiques professionnels… Ces écolosceptiques sont peut-être d’abord poussés par la peur que les écologistes aient finalement raison. Et s’il nous fallait inéluctablement changer de vie et de modes de consommation ? » La présidentielle 2012 cherche à nous peindre les couleurs d’avenir en rouge, en rose, en bleu marine ou même en vert. Mais il ne s’agit que d’une façade.

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Aucun des candidats n’a le courage de nous dire que les temps à venir vont être extrêmement difficiles et que la population va devoir aussi se prendre en charge : sobriété énergétique au niveau individuel, participation à des communautés de résilience, partage équitable de la pénurie. Qui peut expliquer aux citoyens qu’il faut de l’enthousiasme pour changer de civilisation ?

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Devant l’incapacité des politiques en général et des présidentiables 2012 à affronter la réalité écologique, les journalistes doivent retrouver leur fondamentaux. C’est la presse qui constitue le quatrième pouvoir, qui peut servir de contre-pouvoir. Notre association a été fondée en 1969. Elle avait été à l’origine, avec d’autres associations, de la candidature écologiste de René Dumont à la présidentielle de 1974.

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Notre objectif est de contribuer à l’amélioration de l’environnement et de diffuser des connaissances sur l’atteinte aux ressources de la planète. L’essentiel des médias nationaux et des magazines spécialisés est représenté au sein de notre association. Nous proposons de mobiliser l’ensemble des journalistes de langue française pour que la présidentielle 2012 réintègre vraiment la contrainte écologique. Nous pouvons, nous devons veiller à ce que les médias délivrent une information rigoureuse sur l’urgence écologique.

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* Magazine Terraeco, mars 2012

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** L’écologie sinon rien (Chronique de ceux qui s’obstinent à ne pas y croire) de Claude-Marie Vadrot, aux éditions Delachaux et Niestlé.
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