L’accès à la nourriture constitue une prérogative inaliénable, gravée dans le marbre de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée le 10 décembre 1948 à Paris par l’Assemblée générale des Nations Unies où siégeaient les représentants de soixante-quatre pays. Pourtant 36 millions de personnes meurent de malnutrition chaque année dans le monde. Un enfant de moins de 10 ans s’éteint toutes les cinq secondes. Jean Ziegler, sociologue, rapporteur de l’ONU pour le droit à l’alimentation de 2000 à 2008, vice-président du comité consultatif du conseil des droits de l’homme des Nations unies, vitupère contre « le cartel des nouveaux seigneurs féodaux » et « les oligarques du capital globalisé ».
Le livre n’est pas seulement un cri de colère. Il est extrêmement bien documenté. Jean Ziegler, en homme qui ne mâche pas ses mots, nomment les principaux coupables : l’Organisation mondiale du Commerce, le Fonds monétaire international et, à un degré moindre, la Banque mondiale qui bénéficient de la complicité des états. Il accuse, exemples à l’appui, la pratique des « hedge funds », ces fonds d’investissement spéculatifs souvent implantés dans les paradis fiscaux, qui permettent les opérations les plus juteuses (notamment sur les terres et les céréales) ainsi que le « short selling », c’est à dire la vente de biens qu’on ne possède pas.
L’auteur sait aussi manipuler les images fortes. « Le réservoir d’une voiture de taille moyenne fonctionnant au bioéthanol contient 50 litres. Pour fabriquer 50 litres de bioéthanol, il faut détruire 358 kilogrammes de maïs. Au Mexique, en Zambie, le maïs est la nourriture de base. Avec 358 kilogrammes de maïs, un enfant zambien ou mexicain vit une année. »
Détail important, Jean Ziegler a emprunté le sous-titre de son livre à Josué de Castro : Géopolitique de la faim était son plus célèbre ouvrage. Il y analysait comme les nazis avaient affamés l’Europe pour parvenir à leurs fins mais l’histoire a montré que cette stratégie ne les a pas mené à la victoire. Le livre est désespérant mais pas noir. Comme le montre l’auteur, partout dans le monde, on commence à s’organiser et à gagner des batailles. Et, dans les dernières lignes, il cite Che Guevara qui aimait à citer ce proverbe chinois : « Les murs les plus puissants s’écroulent par leurs fissures ».
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Le seuil, 344 pages, 20 € – www.seuil.com
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(Danièle Boone)