Incroyables, ces similitudes entre Les derniers lions et Félins (lire ici) : même authenticité des images, même découverte d’animaux révélés comme de véritables personnages, mêmes interactions entre espèces sans pitié les unes pour les autres. Mais il y a aussi quelques différences…
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par Marc Giraud
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Lorsque l’on a vu Félins, Les derniers lions peut paraître un chouïa au-dessous, un peu moins léché. Quelques procédés kitch pour le genre (zooms rapides, arrêt sur image…), un montage parfois plus visible entre espèces qui ne se sont en fait pas rencontrées (jamais ensemble à l’image), avec une musique moins présente, mais un commentaire un peu trop constant.
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Cependant, il y a aussi quelques plans, dans les brumes du petit matin, plus esthétiques que dans Félins. La vraie grande différence se lit au générique, au moins cinq fois plus court : l’équipe de tournage se résume aux deux réalisateurs : Dereck et Beverly Joubert, également naturalistes, auteurs, cadreurs, preneurs de son et bien d’autres choses.
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C’est donc un exploit que le couple a accompli, car la force des images et l’émotion sont sensiblement les mêmes que dans la grande entreprise Félins. La séquence de la petite lionne brisée après le passage des buffles est à pleurer, les rivalités entre fauves fracassantes, les scènes de chasse haletantes, avec quelques espaces de tendresse, quoiqu’un peu moins.
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La morale de l’histoire pourrait être la même : ce sont deux documentaires traités comme du cinéma, mais qui sont, au final, également de grands documentaires, car ils nous en apprennent sur le fonctionnement du vivant. Ces deux films (et bien d’autres !) semblent vouloir nous montrer la vie typique d’une ou plusieurs espèces animales, mais en réalité ils nous révèlent que chacun est un individu identifiable, ayant des comportements qui lui sont propres et souvent innovants pour son espèce.
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L’association d’un lion mâle et de ses fils, dans Félins, n’avait jamais été observée dans le Massaï Mara, car le père ne participe pas à la recherche de harem des mâles plus jeunes. Dans Les derniers lions, la femelle s’établit dans un territoire totalement atypique. Elle oublie la répulsion de l’eau caractéristique des lions, et chasse dans les marais de l’Okavango. De plus, elle poursuit seule des buffles pour nourrir ses petits, autre preuve de ce que les éthologistes appellent la « plasticité comportementale ».
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Mais un trait fondamental rend Les derniers lions plus chaleureux à mes yeux : nous ne sommes pas dans un monde irréel ou passé, d’où l’impact de l’homme serait absent. Ici aussi, on ne voit que des animaux, mais leur recherche désespérée de territoire a une cause identifiée : la poussée de l’invasion de l’espèce humaine, de ses troupeaux et de ses fusils. Au cours d’une conférence de presse à Paris, les auteurs ont tenu expressément à témoigner sur la raréfaction des félins, et à présenter le Projet Big Cats. Je suis un peu las parfois d’entendre certains artistes se donner bonne conscience en prétendant qu’ils sensibilisent à la nature par leurs œuvres, comme si ça suffisait à changer les choses, alors qu’ils ne font que se faire plaisir. Les Joubert s’investissent réellement, et cela donne à leur œuvre une valeur inestimable : elle s’inscrit dans le monde en marche.
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Les derniers lions ne sort pas en salles. Il sera diffusé le samedi 26 février 2012 à 20 h 35 sur la chaîne Nat Geo Wild.
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