Après la conférence de Durban, en décembre 2011, et avant le sommet de Rio + 20, en juin 2012, les JNE ont reçu le 15 décembre 2011 à la mairie du 2e arrondissement de Paris Michel Prieur, professeur émérite de droit de l’environnement à l’université de Limoges et vice-président du Centre international de droit comparé de l’environnement (CIDCE), ainsi que Sandrine Bélier, députée européenne EELV, déléguée à Durban.
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par Roger Cans
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Pour Sandrine Bélier, juriste de la SFDE (Société française de droit de l’environnement), la conférence de Durban (Afrique du Sud) débouche sur « un verre à moitié vide et à moitié plein ». Il n’a rien été décidé sur le réchauffement climatique, de sorte que l’on ne mise plus sur une augmentation de 2° C mais de 4° à 6° C.
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La seule avancée a été le fait de l’Union européenne, mandatée comme à Nagoya pour la biodiversité. Seule la Pologne a rechigné. L’Europe considère que si rien n’est décidé après le protocole de Kyoto, qui arrive à échéance en 2012, ce sera un recul. L’Union européenne demande donc une feuille de route pour 2015, avec application au bout de 5 ans. C’est-à-dire une définition des objectifs en 2015, avec leur application en 2020.
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Le « fonds vert », lancé à Cancun (Mexique) pour l’adaptation des pays en développement, a été acté à Durban. Il s’agit d’un fonds de 100 milliards de dollars (taxation des transactions financières, des opérations maritimes et aériennes), géré par le Secrétariat de la Convention Climat. Mais ce fonds, bien que « acté », reste virtuel, en dépit de la demande pressante de l’Union européenne. On en reparlera dans les prochaines réunions, à Bonn et à Qatar. Un point positif : « La Chine a beaucoup bougé ». Ont refusé : la Russie, le Canada et l’Australie.
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S’agissant de la gouvernance mondiale, on en est toujours à la démocratie consensuelle prônée par les Nations unies. « On avance pas à pas, observe Sandrine Bélier. Les rencontres annuelles sont indispensables, ne serait-ce que pour se connaître ».
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Michel Prieur rappelle un point essentiel de la nouvelle gouvernance lancée à Rio en 1992 : on réunit les diplomates du monde entier, avec les représentants de la société civile. Roger Cans précise que la « société civile » était représentée par les scientifiques réunis auparavant à Rio (appel d’Heidelberg), les industriels de l’environnement (en salon à Sao Paulo) et les ONG en salon à Rio durant le sommet. Michel Prieur explique alors que Rio 1992 a bouclé les deux chantiers les plus lourds : le changement climatique et la biodiversité. En 2012, que reste-t-il ? « Il n’y a rien sur la table », dit-il. Les chefs d’Etat risquent de bouder un « sommet » sans enjeu. Pour lui, le seul sujet concret reste une éventuelle convention sur le mercure, récurrente depuis l’affaire de Minamata au Japon, dans les années 1950.
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Michel Prieur s’étonne que le sommet de Rio 2012 ait changé de date, parce que l’ONU a découvert que la Reine d’Angleterre fêtera cette année-là son jubilé. Comme les Etats du Commonwealth ont tous annoncé leur présence aux cérémonies du jubilé, il a fallu déplacer les dates du sommet environnemental… Il précise que les Etats et les ONG ont été priés de soumettre au Secrétariat des Nations unies leur propositions pour Rio+20, et ce avant le 1er novembre 2011. Un « draft 0 » sera présenté le 1er janvier 2012.
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Pour sa part, le Centre international de droit comparé de l’environnement (CIDCE), basé à l’université de Limoges, a avancé 27 propositions, dont la réforme du PNUE et « l’économie verte ». Ces propositions ont été reprises par le Parlement européen, précise Sandrine Bélier. Mais le principal thème mis en débat est le principe de « non régression », qui signifie qu’on refuse tout recul dans le niveau de protection. Ce que les Belges ont traduit par l’anglais « standstill », qui équivaut à l’équilibre, avec des changements irréversibles, comme l’engrenage avec des cliquets qui ne permettent que d’avancer. Un verrouillage, en quelque sorte. Sur l’économie verte, on reste dans le flou…
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Les juristes de la SFDE observent que la directive sur la protection des sols est bloquée, et que rien n’a été proposé pour l’exploitation des mines, alors même que l’on envisage l’exploitation des gaz de schiste… Carine Mayo estime que le principe de non régression est très pessimiste. Nos invités le confirment.
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Michel Prieur annonce que le CIDCE, dans son catalogue de propositions, a lancé l’idée d’un Tribunal international de l’environnement – qui a peu de chance d’être retenue. En revanche, la réforme du PNUE de Nairobi peut effectivement déboucher sur une organisation onusienne à part entière (ONUE) ou une organisation sœur (OIE), calquée sur l’OIT (Organisation internationale du travail) ou l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Il souhaite que, comme en France, le Conseil économique et social de l’ONU ajoute l’environnement, et non le développement durable.
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Le président honoraire de la SFDE envisage un grand chantier juridique : la mer, qu’il s’agisse d’exploitation pétrolière off shore, de pollution tellurique ou des aires protégées en haute mer. Sandrine Bélier évoque le cas des réfugiés de l’environnement, dont le statut a été reconnu au Parlement européen (par 3 voix de majorité). Il est précisé que Brice Lalonde (lire ici le compte-rendu de sa récente rencontre avec les JNE) , comme coordinateur du secrétariat de l’ONU pour la préparation de la conférence, sera chargé de faire vivre toutes ces propositions avant Rio+20. Mais beaucoup le trouvent trop pessimiste ou désabusé pour cette tâche, qui demande un minimum d’enthousiasme…
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En conclusion, Michel Prieur indique que le CIDCE a lancé un appel des juristes, qui a déjà recueilli près d’un millier de signatures.
A noter : la sortie de la 6° édition du Manuel de droit de l’environnement par Michel Prieur aux éditions Dalloz.
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1 réflexion au sujet de « Le petit-déjeuner des JNE sur Rio + 20 »
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