Une dette écologique beaucoup plus grave que la crise de la dette

Les dettes financières ne sont rien, que des bouts de papier. Bien plus grave est la dette écologique.

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par Michel Sourrouille

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Les dettes financières ne sont rien, que des bouts de papier. Brûlons tous les titres de crédit et les bons du Trésor ; ne perdront de l’argent que ceux qui en avaient un peu trop puisqu’ils ont eu les moyens de prêter aux autres. Un Etat peut toujours refuser de rendre l’argent à l’oligarchie financière qui a vécu au détriment des peuples.

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Comme le dit Eloi Laurent, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et professeur à Sciences Po, « la notion de dette écologique, qui implique l’idée de réparation, devient très délicate à manier »*. Historiquement, les pays développés doivent aux pays pauvres puisque l’industrialisation a utilisé des ressources et commis des dommages environnementaux.

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Ce concept de dette écologique a été conçu au départ comme contre-partie à la dette financière des pays latino-américains dans les années 1980 : nous vous devons des dollars, mais vous, pays riches, vous nous devez le trou de la couche d’ozone. Plus récemment, on a estimé qu’il faudrait comptabiliser dans les négociations internationales sur le climat toutes les émissions de gaz à effet de serre déjà effectuées par les pays développés pour rétablir plus de justice dans les émissions futures.

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Le remboursement de cette dette consisterait à permettre aux pays pauvres d’émettre beaucoup plus de CO2 dans l’avenir que les pays déjà développés. C’est impossible puisqu’il faudrait globalement baisser nos émissions pour enrayer le réchauffement climatique alors que les possesseurs de voitures individuelles voudront continuer à rouler. D’ailleurs, lors de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique à Rio en 1992, on a pris l’année 1990 comme « année zéro » : cela signifiait que l’on ne ferait aucune reconstitution du patrimoine des réserves mondiales de combustibles fossiles pillées auparavant. D’un trait de plume, on effaçait ainsi la dette écologique des pays riches.

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En fait, les pays riches ont fait une erreur stratégique en basant leur développement sur les énergies fossiles, donc la combustion de carbone qui dérègle l’atmosphère. Les pays sous-développés ne peuvent reproduire la même erreur puisqu’il y aurait alors certitude d’un emballement climatique. Eloi Laurent a raison de dire que « nous sommes tous, aujourd’hui, des débiteurs écologiques », mais il a tort d’ajouter « même si notre capacité de remboursement varie dans des proportions considérables », puisqu’il n’y a plus globalement de possibilité de rembourser des ressources fossiles définitivement brûlées. Il raisonne encore comme si la dette écologique, c’étaient des bouts de papier qu’on pouvait rembourser avec d’autres bouts de papier. La dette écologique est différente d’une dette financière, c’est concret, c’est l’affaiblissement de notre capital naturel. Cette perte est irrémédiable quand il s’agit de ressources non renouvelables comme le pétrole, le gaz, ou l’uranium.

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Cette conception de la dette écologique se retrouve dans la notion de « Jour de la dette écologique » ou Jour du dépassement (Overshoot day). C’est le fait de puiser davantage que sa part de ressources naturelles au sein d’un écosystème à l’équilibre délicat qui crée une dette écologique. Le 27 septembre dernier, nous avons dépassé le niveau des ressources naturelles que peut générer la Terre en un an sans compromettre leur renouvellement. Comme les découverts écologiques se sont ajoutés d’une année sur l’autre (comme les déficits publics se cumulent dans la dette), la dilapidation du capital naturel commence de plus en plus tôt. Nous vivons en ce moment écologiquement « à découvert ».

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Donc rembourser notre dette écologique, ce ne serait pas seulement faire preuve de justice sociale envers les pays sous-développés, ce serait surtout restituer à la nature ce qu’on lui a prélevé. Par exemple, recycler les déchets de notre activité est une forme de rachat de notre dette à l’égard de la nature. De même, si on arrêtait de pêcher une espèce de poissons qui n’arrivait plus à se renouveler jusqu’à reconstitution des frayères. Mais il ne peut en être de même avec les ressources naturelles non renouvelables : les richesses prêtées par la biosphère ont été définitivement dilapidées par les peuples qui vivent à l’occidentale. En effet, l’humanité ne peut rembourser les barils de pétrole et les tonnes de charbon déjà utilisés.

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Les plans de rigueur appliqués en Grèce ou en France nous paraîtront bénins quand il faudra vivre avec un capital naturel qui aura irrémédiablement fondu. En termes simples, le créancier, c’est celui qui prête le capital emprunté. Pour le capital naturel, le créancier est donc la Terre, ou la biosphère ou la nature, peu importe le nom. Le fait par exemple de pêcher une espèce de poisson plus que ce qui permet son renouvellement est donc bien un découvert vis-à-vis des richesses de la mer. Ce découvert, on est bien obligé de l’acquitter, par exemple en fixant un moratoire sur la pêche, sinon nos contemporains et successeurs seront appauvris. C’est comme si on avait brûlé notre maison… plus d’héritage possible !

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Il n’y a pas de transcendance à parler entre autres de stocks de poissons, c’est un constat de réalité qui vaut pour tout le monde, écologistes ou non. C’est aussi une exigence sociale, il faut savoir partager les richesse de la mer avec les populations du Sud. C’est bien entendu une exigence morale vis-à-vis de nos générations futures. Mais pour être au plus profond de notre humanité, redonner d’une manière ou d’une autre à la biosphère ce qu’on lui a pris semble une évidence.

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* http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/11/10/dette-ecologique-qui-est-vraiment-le-creancier-de-lautre/

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