Scénario Négawatt 2011 : vers une société de la sobriété

L’association Négawatt, créée en 2003, a présenté lors de son université d’automne à Mèze le 5 octobre 2011 un scénario réactualisé pour 2011-2050 (1). A l’heure où beaucoup de clignotants sont au rouge en matière de ressources naturelles fossiles – sauf le charbon – Négawatt nous propose un scénario qui part des besoins et non des ressources. Il offre des solutions acceptables et non illusionnistes à notre boulimie énergétique, solutions basées sur l’expérience et le concret.

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par Lauriane d’Este (*)

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« La restriction plutôt que la croissance devra devenir le mot d’ordre et celui-ci sera encore plus difficile aux prêcheurs de l’utopie qu’aux pragmatiques qui ne sont pas liés par une idéologie ». Hans Jonas, Le Principe responsabilité (Frankfurt, 1979)

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Le scénario Négawatt, c’est la somme de l’énergie non consommée et qui répond à un triptyque volontariste qui est aussi une philosophie de vie : sobriété, efficacité, énergies renouvelables. Le postulat est simple, il faut consommer mieux au lieu de produire plus. Ceci sans préjudice aucun pour notre qualité de vie. N’en déplaise aux contempteurs de la sobriété, il ne s’agit pas d’un retour à la lampe à huile et à la charrette à boeufs.

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Le scénario Négawatt nous propose donc dans un premier temps de réduire notre consommation à sa source énergétique, qui, si nous laissons libre cours à notre propension du toujours plus, augmenterait de 80 % d’ici à 2050 ce qui causerait une catastrophe climatique sans précédent, sans doute fatale à l’espèce humaine. D’où la nécessité de maîtriser nos besoins et d’accepter certaines contraintes pour endiguer un gaspillage collectif irresponsable.

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Dans un second temps, l’efficacité énergétique est basée sur des choix techniques qui permettront de produire très exactement la quantité d’énergie nécessaire pour un service donné. Pas de gâchis! Le troisième volet a recours aux énergies renouvelables, c’est-à-dire les énergies soutenables et non polluantes. Nous reviendrons sur ces différents points.

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Nous sommes sans aucun doute devant un impérieux basculement de société : parce que les ressources de la terre sont limitées tandis que notre appétit en matière d’énergie est illimité, parce qu’il y a urgence et que les impacts et les blessures écologiques infligées à la planète sont de plus en plus inquiétantes et menacent notre survie même. Notre frénésie de croissance n’est pas soutenable.

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A l’heure où nous continuons à augmenter nos émissions mondiales de gaz à effet de serre et que nous sommes incapables de prévoir une suite à un protocole de Kyoto pourtant timide, nous subissons un changement climatique dont les effets restent inconnus. Maintenir le réchauffement à deux degrés est un impératif auquel nous devrions souscrire mais qui hélas nous paraît aujourd’hui, si nous nous référons aux récents travaux du GIEC, impossible.

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Une transition énergétique s’impose donc et elle est urgente. Elle ne peut se satisfaire de sempiternelles réunions à la suite du Grenelle 2 qui ne débouchent sur aucune décision, lois et décrets d’application, sans lesquels aucune politique n’est applicable en ce pays.

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Le temps de la Terre – et celui de l’énergie – est un temps long, le temps des hommes et des décideurs est dans le court terme. Il faut donc prévoir pour les générations futures car c’est de notre responsabilité.  » Léguer aux générations futures des bienfaits et des rentes plutôt que des fardeaux et des dettes « , écrit l’association.

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Le scénario Négawatt ou l’énergie sur le long terme

Prévoir et dessiner l’avenir énergétique est la préoccupation essentielle de Négawatt et pour cela déterminer la trajectoire qui relie le présent au futur. Cela passe par une analyse concrète de la situation présente pour un développement acceptable, loin des mesures du Grenelle de l’environnement plus incitatives que prescriptives et qui ont à peine modifié le schéma énergétique français.

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En revanche, Négawatt s’appuie sur des fondamentaux : l’exploration systématique des « gisements négawatts », c’est-à-dire ce qui résulte d’un choix de sobriété et d’efficacité énergétique en tout domaine avec un refus systématique des énergies dites de stock. Cette analyse conduit évidemment à refuser la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ainsi que le recours aux technologies de « capture et séquestration du carbone », et à l’exploitation des gaz de schiste.

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Par ailleurs, Négawatt s’appuie uniquement sur des expériences menées par ses ingénieurs, compatibles économiquement et techniquement réalisables. L’association dit ceci : « l’économie doit s’adapter à la réalité physique de l’énergie, l’inverse n’est pas possible ». A partir de ce postulat Négawatt refuse de lier la prospective énergétique à des règles économiques comme c’est hélas le cas, à un PIB qui est un indicateur discutable, auquel on pourrait en substituer d’autres. Le modèle propose donc une transition énergétique définie « à partir des usages, des vecteurs et des sources d’énergie ». L’observation des exemples à l’étranger prouve assez la pertinence du schéma et sa dynamique économique et sociale, créatrice d’un bassin de nouveaux emplois.

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Le modèle analyse en cinq étapes, trois grandes catégories de services analysés par secteur d’activité (habitat, tertiaire, transports, industrie, agriculture) : la chaleur (bâtiments du résidentiel et du tertiaire, eau chaude, sanitaire et chaleur domestique et processus industriels), la mobilité (personnes, matières premières et biens) et l’électricité spécifique (éclairage, électroménager, informatique et bureautique, etc.). L’ensemble de ces paramètres sous le signe de la sobriété et de l’efficacité le plus approprié aux consommations en « énergie finale ».

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Le modèle passe aussi par le choix du « vecteur énergétique », celui qui sera distribué aux consommateurs et remonte aux consommations de « ressources primaires » (pétrole, gaz fossile, uranium, énergies renouvelables) produites ou importées. Enfin ces consommations prennent en compte le potentiel des énergies renouvelables avec en ligne de mire la fermeture programmée des réacteurs nucléaires. Pour l’électricité, plus de stockage, plus d’effacement mais une gestion à l’année à tout instant en fonction de la demande

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C’est donc bien un vrai choix de société que nous propose NégaWatt.

L’association limite son modèle à la France métropolitaine et a soin de souligner que les évolutions possibles ne s’inscrivent que dans ces limites. Toutefois, ce scénario d’auto-suffisance et d’autonomie énergétique n’exclut pas des échanges avec l’étranger. Il ne s’agit donc pas de repli hexagonal.

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Par ailleurs, il prend en compte l’augmentation démographique en reprenant les hypothèses de l’INSEE, qui prévoit à l’horizon 2050 une population de 73 millions d’habitants contre 65 millions aujourd’hui. C’est « 7 millions de plus à nourrir, loger, déplacer à l’horizon 2050 ».

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A cet effet, la notion de territoire reprend tout son sens avec l’étalement urbain, les distances entre lieu de travail et domicile, les circuits de consommation et l’artificialisation des sols (tous les dix ans, un département français est soustrait à la nature et artificialisé). Ce constat est catastrophique sur le plan énergétique et environnemental. Négawatt prévoit un ralentissement de ces phénomènes dans les différents secteurs « dans une logique de cohérence », grâce à des mesures adéquates.

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Dans son dossier de synthèse, l’association analyse secteur par secteur les gains d’énergie résultant de l’application des normes proposées. Je me contenterai de reprendre les chiffres et de citer l’association. « Partant d’une énergie finale de 1927 TWh en 2010, les économies les plus importantes sont trouvées dans le bâtiment résidentiel et tertiaire, avec plus de 600 TWh d’économie en 2050 par rapport au tendanciel soit une réduction de 63 %. Suivent les transports avec près de 400TWh d’économie soit moins 67 %, puis l’industrie avec un peu plus de 200 TWh d’économie soit 50 %. Même si l’évolution des pratiques agricoles est fondamentale dans l’équilibre des besoins et des ressources… »

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L’analyse des différents secteurs a recours à une étude comparée des consommations énergétiques finales entre le scénario NégaWatt et le scénario tendanciel, calculés en TWh. Pour les détails, nous renvoyons le lecteur au site de l’association www.negawatt.org. Nous nous contenterons de présenter les grandes orientations.

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– Le bâtiment reste un enjeu essentiel de la sobriété énergétique avec des gisements considérables d’économie d’énergie, tant dans le neuf que dans l’ancien : amélioration des performances grâce à l’isolation et optimisation des systèmes de chauffage, rénovation de l’existant. A terme 750000 logements et 3,5 % du tertiaire sont concernés. Un exemple : le scénario prévoit une diminution de l’électricité spécifique d’un ménage compte tenu des évolutions techniques et sociales de 2900 kwh par an en 2010 à 1500 kwh par an en 2050.

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– Les transports incluent le long terme. Le scénario prévoit de sortir de la dépendance de la voiture (90 % du pétrole consommé) par des transports en commun, des transports doux, une politique alternative à l’étalement urbain par densification des espaces urbains, le télétravail, le commerce en ligne etc…Exemple : à terme, la voiture ne devrait plus représenter que 42 % du nombre total de kilomètres-voyageurs parcourus contre 63 % actuellement.

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Les gains proviennent d’une consommation plus économe et d’un changement de motorisation privilégiant la voiture électrique et le véhicule au gaz surtout pour les bus et les camions (gaz nature, gaz renouvelable – GRV -, biogaz, gaz de synthèse).

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Ces mêmes dispositions peuvent s’appliquer au transport des marchandises.

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Mutation de l’industrie

Tout soulignant les efforts faits par les industriels en France en matière d’amélioration de « l’intensité énergétique », Négawatt insiste sur sa nécessaire mutation. Sobriété et efficacité s’imposent à toutes les étapes : réduction importante des emballages, des imprimés. Là aussi, plus de gaspillage, « recyclabilité » et « réparabilité » contre « l’obsolescence » sont à l’ordre du jour. Le recyclage des matériaux reste la clé du système. Prévoir pour 2050 le recyclage de 30 % des plastiques et 90 % de l’acier, contre respectivement aujourd’hui 4,5 % et 52 %.

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A toutes ces transformations, là comme ailleurs, Negawatt applique le système « bottom-up » qui va des usages et procédés techniques pour en arriver à l’utilisation des énergies renouvelables. Celles-ci seront présentes via un usage accru de l’électricité renouvelable au détriment des énergies fossiles.

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L’agriculture sera au coeur de la transition, elle relie production et consommation.

Elle pèse surtout par l’importance de l’émission de ses gaz à effet de serre non énergétiques (méthane et protoxyde d’azote) et par les immenses possibilités liés à la biomasse peu exploitée en France.

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C’est le scénario Afterres 2050 qui analyse ce secteur. Même démarche : maîtrise des besoins, réduction des pertes et gaspillages, recyclage des déchets organiques. Ce schéma prend en compte nos habitudes nutritionnelles et souligne l’impérieuse nécessité de réduire les surconsommations actuelles en glucides, lipides et protéines animales. On prévoit dans l’alimentation en 2050 moitié moins de viande et de lait, plus de fruits et de céréales. Bref, un régime plus équilibré qui permet de réajuster les surfaces disponibles en diminuant celles consacrées à l’élevage. Car il est vrai que notre consommation en viande n’est plus soutenable à l’échelle planétaire. Il faudra choisir entre les animaux et nous.

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Le scénario Afterres prévoit donc une division par deux des cheptels et par cinq de l’élevage intensif, relayant le cri d’alarme de la dernière réunion de la FAO sur le danger d’une famine planétaire. Enfin, il faudra s’orienter vers le développement de l’agriculture biologique et de techniques traditionnelles respectueuses des sols. Le recours aux engrais chimiques, dont la France est avec les Etats-Unis et le Japon l’un des adeptes les plus fervents au monde, sera divisé par quatre ou cinq sans préjudices pour les rendements.

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L’association, faisant le bilan de cette nouvelle société respectueuse des valeurs de sobriété, d’efficacité et de renouvelables, constate une amélioration certaine de la qualité de vie des personnes mais aussi des gains en consommation finale d’énergie à près de 60 % par personne , la moitié leur incombant, certes avec des différences par secteurs.

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Dès lors, il est évident que ce changement à l’horizon 2050 de 2,2 fois moins d’énergie que dans le tendanciel suppose des choix au niveau des infrastructures et des équipements et un basculement inévitable vers les énergies renouvelables : elles peuvent « couvrir en 2050 plus de 90 % des besoins de chaleur et de mobilité et près de 100 % des besoins en électricité spécifique ».

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Pour ce faire, Négawatt prévoit un développement réaliste des énergies renouvelables et l’abandon progressif des énergies fossiles et fissiles, ceci avec une évaluation juste de potentiels et le retour d’expériences tant industrielles tant en France qu’à l’étranger. « Il s’appuie sur leur diversité et leur complémentarité ».

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Compte tenu du fait que les renouvelables électriques ne représentent que 24 % de nos consommations énergétiques, il est évident qu’il faut avoir recours à un système efficace et moderne. C’est la biomasse et c’est sur ce système que repose la transition énergétique.

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Comment?

Ce sont les projections d’Afterres 2050 qui supposent la libération des espaces pour la production de biomasse et le bois énergie :

– la récupération des déchets de bois issus de l’agroforesterie permet d’atteindre en multipliant par 2,5 son apport (296 TWh en 2050).

– la méthanisation à partir des déjections d’élevage produit du biogaz notamment pour le transport.

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L’ensemble de l’utilisation de la biomasse sous toutes ses formes permet d’atteindre 519 TWH, soit 45 % des besoins d’énergie primaire.

– l’hydroélectricité (77 Twh) et les barrages au fil de l’eau.

– l’éolien a pris du retard et on espère une multiplication par 5,5 d’ici à 2050 (soit 17500 machines). Le off shore, quant à lui ,représente à terme par des installations judicieuses en mer, la moitié des 194 TWH produits en 2050 (soit 4300 puissantes machines).

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On suppose parallèlement dans un premier temps un décollage massif du photovoltaïque, puis ensuite un rythme de croisière pour parvenir à une production annuelle de 90 TWh: toits des bâtiments, parcs au sol sans dommages à l’environnement, délaisses, etc.

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A ces sources primaires, on peut ajouter la géothermie qui progresse, l’incinération des ordures ménagères qui pose des problèmes de pollution locale, le solaire thermique qui peut fournir 43 TWh de chaleur primaire.

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Pour conclure, on peut constater que – je cite l’association – « le développement réaliste des énergies renouvelables conduit en 2050 à une ressource disponible sur tout le territoire de plus de 990 TWh sur un total de 1100 TWh de besoins énergétiques primaires ».

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Ainsi, ajoute Négawatt, avec ce scénario et avec 90 % d’énergies renouvelables la société française aura réussi en 2050 sa transition énergétique.

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Le recours aux énergies fossiles reste de ce fait marginal. Si nous partons en 2010 d’une consommation de pétrole, gaz naturel et charbon équivalent à 70 %, nous pouvons en 40 ans nous affranchir de la totalité des hydrocarbures.

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L’abandon du nucléaire

Nous ne pouvons plus avoir le même regard sur le nucléaire depuis les deux catastrophes : celle de Tchernobyl, tellement coûteuse en vies humaines, et Fukushima dont l’horreur marque encore les mémoires. Le danger est là sournois, latent… 53 % des Français souhaitent aujourd’hui l’abandon du nucléaire. Le sujet s’invitera forcément au coeur des prochaines présidentielles en 2012.

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Cependant, l’abandon progressif du nucléaire (78 % de la production d’électricité) doit tenir compte de plusieurs paramètres : un équilibre entre l’offre et la demande, le remplacement progressif par les énergies renouvelables, le rythme de fermeture des réacteurs; le cas échéant, les énergies fossiles pourraient assurer un complément de manière transitoire.

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Le vieillissement du parc est un vrai problème : la plupart des centrales ont entre 30 et 40 ans, la prolongation de 30 à 40 ans. Mais les structures correspondent à la construction initiale de ces réacteurs et doivent prendre en compte l’usure. On ne bénéficie d’aucun retour d’expérience en matière de sécurité. Or 80 % des réacteurs représentant plus de 60 % de la production électrique annuelle ont été mis en service entre 1977 et 1997, un seul en 1999. Comme l’a fait l’Allemagne il faut prendre en compte une certaine flexibilité et fermer en fonction des critères de sécurité.

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NégaWatt propose une sortie en trois phases : fermeture des réacteurs les plus anciens et les moins sûrs jusqu’à 3500 MW chaque année, puis dans un rythme plus modéré de 2500 MW par an ; enfin, dans les dernières années, le rythme s’accélère jusqu’à 4500 MW par an en touchant les réacteurs les plus récents. La fermeture du dernier réacteur du parc est prévu pour 2033, soit un scénario en 22 ans, scénario qui tient compte des différentes contraintes.

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D’où, on le comprend, la nécessité d’engager rapidement le processus d’abandon du nucléaire pour permettre sur 15 ans le relais des renouvelables. NégaWatt souligne l’étroitesse de la fenêtre « avant le mur des 40 ans », entre 2030 et 2035.

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Dans une optique complémentaire, qui permettraient d’atteindre les 100 % negawatt, NégaWatt analyse la complémentarité des réseaux notamment avec la méthanation très étudiée en Allemagne (2).

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Ce scénario ouvre la voie à 2050 et permet de poser la question : un tel scénario est-il compatible avec les enjeux énergétiques et climatiques mondiaux ? Négawatt répond par l’affirmative. Les risques nucléaires sont réduits et la progressivité de cette réduction permettra aussi de diviser par deux le nombre des heures de fonctionnement des réacteurs, donc de limiter l’accumulation des déchets, problème lourd de conséquences tant sécuritaires que financières; d’anticiper la fin du pétrole (peak oil), de limiter l’apport de gaz fossile en lui substituant du biogaz et du méthane de synthèse; de réduire les émissions de CO2 d’origine énergétique d’un facteur 2 en 2030 et 16 en 2050; d’atteindre 7 milliards de tonnes de CO2 sur 2010-2050 compte tenu du poids démographique de la France afin de ne pas dépasser le seuil délicat des deux degrés de hausse moyenne des températures à la fin du siècle.

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Le coût de cette transition est également évalué mais non chiffré par Négawatt, qui rappelle que ne rien faire sera de toute manière plus coûteux que de remédier à la situation actuelle (Nicholas Stern avait chiffré le coût de l’inaction 15 à 20 fois plus cher que d’y remédier); il faudra aussi prendre en compte le démantèlement des centrales et l’enfouissement des déchets, y compris des déchets ultimes, enfin les énergies nouvelles génèrent plus d’emplois qu’elles n’en suppriment. Le seule remise à niveau des centrales française coûterait près de 60 milliards sans augmenter la production d’énergie! Tout est une question de comportement et de volonté.

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NégaWatt donne aussi des pistes pour la mise en place de la transition énergétique. C’est un problème d’ordre sociétal. Nous ne pouvons que souscrire aux principes affirmés.

– une question de gouvernance,

– un principe constitutionnel (droit du citoyen à avoir accès à une énergie sûre),

– une loi d’orientation et d’engagement sur la transition énergétique,

– la création d’une Haute autorité indépendante de l’Energie, du Climat et de l’Environnement.

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Enfin, trois chantiers sont considérés comme prioritaires :

– Rendre le pouvoir aux territoires. L’énergie en effet doit s epenser et s’organiser localement,

– Impliquer le citoyen en tant qu’acteur par la sensibilisation, l’information, l’éducation…

– Repenser l’urbanisme par une réduction des besoins en énergie non-renouvelable et une meilleure appréciation du bien-être et du progrès.

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Repenser la transition énergétique, c’est aussi mettre en place d’autres valeurs dans une société lucide consciente de ses besoins et de ses seuls besoins. Et je voudrais terminer par une pensée d’Hans Jonas dans Le Principe Responsabilité, dans lequel le grand philosophe de la post-modernité met l’humanité en face de ses responsabilités de ce qu’« il détruit et dans une logique « assymétrique » de la responsabilité, il donne à l’homme une mission de sauvegarde à l’égard de ce qu’il a contribué à fragiliser : la planète, son avenir, celui des générations futures. Ceci sans conditions et sans délais. » Pour Hans Jonas, il y a  « immanence des finalités », c’est-à-dire « des valeurs que nous portons ». Etre, c’est avoir un devoir ontologique. A l’utopie du progrès, à laquelle selon lui la post-modernité doit renoncer, Hans Jonas promet l’apocalypse, la fin de l’histoire, dans « l’heuristique de la peur »(3).

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Il y a, espérons-le, d’autres alternatives et le scénario de l’Association Négawatt, ses propositions concrètes et lucides en vue d’une transition énergétique inscrite dans un temps bref est aussi une réponse à l’inquiétude du philosophe qui nous rappelle que notre responsabilité est engagée et ne souffre « ni conditions ni délais ». Puisse le monde politique englué dans le court terme nous entendre!

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(1) En 2006, dans mon ouvrage, La Fin annoncée d’Homo Sapiens sapiens, Le Sang de la Terre, Paris, p. 182-204, je consacrais un chapitre au scénario 2006-2050, de cette association qui me paraissait déjà très novateur.

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(2) Scénario NégaWatt 2011, p. 19, sur la » méthanation » voir www.negawatt.org

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(3) Hans Jonas, Le Principe Responsabilité, Ch. V. Voir aussi La fin annoncée d’Homo sapiens sapiens, page 197 et sv. pour une analyse de la pensée du philosophe allemand.

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(*) Adhérente des JNE, Lauriane d’Este est universitaire, écrivain et administrateur de la SNPN (Société nationale de protection de la nature)

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