Le contre-rapport international sur les OGM : Vandana Shiva et José Bové racontent

A Global Citizen Report on the State of GMO a donné lieu à une conférence de presse à Paris le 19 octobre 2011 avec Vandana Shiva et José Bové.

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par Michel Sourrouille

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Par analogie avec le conte d’Andersen, Les Habits neufs de l’empereur, ce rapport sur les OGM est intitulé « The GMO Emperor has no Clothes ». Comme l’explique Vandana, nous ne connaissions jusqu’à présent que les documents transmis par les firmes semencières. Notre vision était donc complètement faussée, on croyait que le roi OGM était habillé d’une étoffe extraordinaire et merveilleuse alors qu’en fait il était nu. Il faut une « petite fille » comme Vandana, cette experte dans le domaine de l’énergie atomique reconvertie dans la protection des semences paysannes, pour essayer de nous ouvrir les yeux.

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Lors de la conférence de presse, Vandana dénonce les contre-vérités de la bio-ingénierie : non, les OGM ne vont pas résoudre le problème de la faim dans le monde, non les OGM ne sont pas une alternative aux produits chimiques, non on ne cultivera pas des OGM super-résistantes dans le désert, non une coexistence paisible avec l’agriculture bio n’est pas possible, oui la paysannerie traditionnelle est évincée grâce au monopole sur les semences octroyées aux Firmes multinationales par les brevets sur le vivant. La politique des entreprises semencières s’accompagne en Inde par le surendettement et le suicide de milliers de paysans, surtout là où on s’est spécialisé dans le coton transgénique.

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Vandana poursuit : « Au lieu d’endosser leurs responsabilités, les Firmes répondent par la propagande. Notre sécurité n’est préservée que parce que l’ignorance est privilégiée. Ce sont les Firmes qui présentent les données sur lesquelles la science peut délibérer ; c’est la fin de la science. Quand Gilles-Eric Séralini réalise une contre-expertise à partir des documents de Monsanto, il est traîné en justice : un vrai système dictatorial ! Les Firmes manipulent le pouvoir politique, par exemple Bush père a fait admettre l’équivalence en substance entre OGM et non OGM sans qu’aucune étude scientifique sérieuse ne soit réalisée. » Vandana en appelle donc à la démocratie pour « prendre les armes » et assurer la souveraineté alimentaire des peuples contre la dictature des Firmes.

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Lors de cette conférence de presse, José Bové ajoute que l’Union européenne importe l’équivalent-produit de 25 à 30 millions d’hectares de soja. Pourtant, les accords de Blairhouse de 1961 permettant aux protéines américaines de rentrer en Europe sans taxe devraient être caducs, la situation a évolué. Nous devrions faire une campagne pour produire en Europe des protéines végétales ; il suffirait de revitaliser la rotation des cultures. De plus, on s’est rendu compte de la non-légitimité de l’Agence européenne de sécurité alimentaire à cause de l’interconnexion de certains de ses membres envers le complexe agro-industriel. Les firmes semencières ont même reçu 12 milliards d’euros de fonds européens avec pour seul objectif de rendre les OGM acceptables aux yeux des consommateurs. On vit une situation de cinglés. Mais on constate que les OGM ne fonctionnent pas en Europe, il n’y a que deux homologations ; il y a même une réelle difficulté pour réévaluer le Monsanto 810, la firme est aux abois. Il y a aussi un problème que la commission européenne ne sait pas résoudre : du miel contenant des OGM. En clair, il y a impossibilité d’une coexistence des OGM et des non-OGM.

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Vandana rajoute que l’Inde a une position ambiguë. D’une part, il existe déjà une loi de protection des espèces autochtones, mais le gouvernement veut faire passer une loi de déréglementation rendant impossible l’opposition aux OGM. Le sommet de la Terre en 2012, intitulé « sommet de l’économie verte », ne va sans doute rien arranger ! José conclut son intervention en nous disant qu’il lui a été signifié son interdiction de venir aux États-Unis pour turpitude morale. Selon la définition américaine, c’est vouloir s’en prendre aux intérêts des entreprises américaines ! Pourtant, comme l’exprime Vandana, l’agriculture bio peut procurer plus de revenus que l’agriculture OGM. Elle rappelle son action en Inde pour la protection des semences paysannes avec son association Navdanya (http://www.navdanya.org/).

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La conférence de presse se termine. L’organisateur Thierry Jaccaud (JNE), rédacteur en chef de L’Ecologiste, rappelle que le prochain numéro donnera une synthèse de ce contre-rapport international sur les OGM, encore non traduit en français. José Bové et Vandana Shiva tombent dans les bras l’un de l’autre. Ces deux activistes se connaissent depuis 1998. Vandana était venue alors en France témoigner lors du procès symbolique tenu à Nérac contre les semences transgéniques de Novartis. José a été en Inde en 2004 pour soutenir les combats du petit village de Plachimada contre l’usine Coca Cola. Contre les transnationales, la société civile commence à savoir se mobiliser au niveau mondial. Nous avons besoin de beaucoup de José Bové et de Vandana Shiva.

Cliquez ici pour lire la dépêche AFP sur ce rapport.

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Michel Sourrouille anime le blog Biosphère.

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