Ecologie en Alsace : boires et déboires du grand hamster

Dans le cadre d’un voyage de presse organisé à l’occasion du salon Biobernai, les JNE se sont penchés sur le cas du grand hamster .

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par Roger Cans

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Grand hamster d'Alsace

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Tous les Alsaciens sont d’accord : on considérait autrefois le grand hamster comme une peste. Bernard Fischer (le maire d’Obernai) : « Comme il était nuisible dans les champs de céréales, on nous donnait 50 centimes par animal rapporté en mairie ». Raymond Durr : « Quand j’étais gosse, on les noyait dans leurs trous ».

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Au lycée agricole d’Obernai, rien n’est fait pour protéger le grand hamster sur les 65 hectares de la ferme. Mais il profite des champs de luzerne et des céréales à paille cultivées pour les taurillons. On en compterait aujourd’hui de 200 à 300 spécimens sur la ferme. Freddy Merkling explique qu’on ne peut voir le grand hamster car il passe la journée dans son terrier et ne sort que la nuit. Ses dégâts aux cultures sont négligeables lorsqu’on en compte cinq à six têtes à l’ha. Dans les betteraves et les choux, c’est plus embêtant, car ils dévorent les plantes en cercle autour de leur trou, et cela ouvre la voie aux chardons et autres pestes végétales. « Le hamster n’aime pas l’eau, mais il aime les carottes ». Il n’en faut donc pas plus de deux à l’ha dans les carottes, et six à l’ha dans les betteraves.

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Un étudiant en histoire, Christophe Woerlhé, a donné une conférence très instructive sur le sujet : « Boires et déboires du grand hamster ». Le cricetus (du grec krochos), est décrit dès 1250 comme un animal « hargneux et colérique ». Au XVIe siècle, on hésite entre la souris et la belette. En Allemagne, on l’appelle bärmaus (ours-souris). En Alsace, on l’appelle « la marmotte de Strasbourg ». Car il a des bajoues, comme elle ou les macaques, qu’il remplit avidement avant de tout stocker dans son terrier pour l’hiver. A Obernai, on l’appelle kornfenkle, « le petit cochon du seigle ».

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En 1774, un vétérinaire de Gotha (centre de l’Allemagne) est le premier à décrire l’animal avec précision. Il le dessine presque tout noir, comme les spécimens qui vivent en Sibérie, sa terre d’origine. Au XVIIIe siècle, les 26 ouvrages qui mentionnent le grand hamster le décrivent comme un animal nuisible et dangereux. Car non seulement il prélève sa dîme sur les cultures, mais il mord très fort et ne lâche plus sa proie.

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Un cheval mordu à la bouche conserve l’animal accroché tant qu’on ne l’a pas tué ! Lorsqu’il décourage un prédateur par ses gestes de défense (il se dresse, gonfle ses bajoues et souffle), il le poursuit ensuite avec hargne. Bref, un nuisible qui n’intéresse que les pelletiers. Sa fourrure, étonnante, est noire sur le ventre, et blanche et beige sur le dos.

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L’animal aurait donc migré progressivement de Russie vers l’Europe centrale, en privilégiant les plaines à sols fermes, comme l’argile de Thuringe, en Allemagne, ou le loess d’Alsace, où il s’est arrêté, faute de pouvoir franchir les Vosges au sol de grès dur. Il aurait pénétré en Picardie jadis, où la population l’aurait noyé. Il creuse son terrier jusqu’à une profondeur de 1 m 20 à 1 m 50 (il ne craint donc pas la charrue). Il creuse une galerie en biais, pour le grain, et un trou de chute vertical pour se réfugier dans sa chambre en cas de danger.

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La femelle est plus grande que le mâle. Elle n’hésite pas à dévorer le mâle ou ses petits s’ils s’attardent trop chez elle. Le grand hamster hiverne seul dans son terrier. Mais il ne dort pas, comme l’ours ou la marmotte. Il mange ses réserves en sous-sol. Il sort de son trou en février et mange alors tout ce qu’il trouve (mulots, petits oiseaux, hannetons, etc.). C’est donc un animal omnivore comme l’ours ou le blaireau. L’été, il préfère souvent la souris au trèfle. Ses prédateurs sont le chien, le renard, la chouette, la buse et le blaireau.

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Aujourd’hui, le grand hamster est éteint en Suisse, bien présent en Allemagne, courant en Hongrie (où il est encore considéré comme une peste).

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En Alsace, il est protégé et même réintroduit sous le contrôle de l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage). La France est condamnée à verser 15 millions d’euros à l’Union européenne s’il disparaît d’Alsace. D’après les comptages, relativement faciles avec les trous, il en restait 460 exemplaires en 2011. Mais il en faudrait 1.500 pour assurer la pérennité de l’espèce.

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