….par Claude-Marie Vadrot |
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A la veille du congrès des JNE à Cassis, du 6 au 8 mai 2011, qui lui sera consacré, retour sur la laborieuse gestation du parc national des Calanques.
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Douze ans après l’annonce du projet en 1997, le Parc national des Calanques, dans la région de Marseille, avait fait l’objet le 30 avril 2009 d’un arrêté du Premier ministre annonçant sa « prise en considération » par le gouvernement. Traduction : si tout se passait « normalement », ce dixième parc national français pouvait voir le jour en 2012.
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Deux ans plus tard, le Conseil National de la Protection de la Nature vient d’expliquer que le projet « manque d’ambition ». Jolie litote pour commenter une banalisation de la chasse et de la pêche au coeur du (futur) parc et la réduction de sa surface pour faire plaisir aux élus, au tourisme, aux chasseurs, aux pêcheurs : bref à tous ceux qui n’osent pas dire clairement qu’ils ne veulent pas de ce parc qui traîne et rétrécit…
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Si tout se passe normalement, ce parc réduit à peu de choses verra le jour aux Calanques Grecques… Car les expériences récentes du parc national de Guyane et du parc national d’Iroise, à la pointe de la Bretagne, ont montré qu’il était de plus en plus difficile, sur le territoire français, de concevoir et de définir le périmètre d’un parc national, espace qui reste pourtant la façon la plus efficace de protéger un ou plusieurs écosystèmes, qu’il s’agisse du paysage, de la maîtrise des aménagements ou de la biodiversité.
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Pour les deux derniers parcs, il aura fallu une bonne vingtaine d’années pour passer des projets à une réalité bien pâle. Instruments de la préservation de la biodiversité prévus par les lois de 1960 et de 2006, les parcs nationaux font l’objet de féroces négociations avec les élus locaux et nationaux, les offices de tourisme, les chasseurs, les agriculteurs et les promoteurs immobiliers.
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Au fur et à mesure que se précisent les contours et la charte d’un parc national, les impératifs écologiques s’effacent. Il suffit de regarder la forme de la plupart des zones centrales (coeurs de) de parc, rigoureusement protégées, pour comprendre que leurs tracés biscornus sont le résultat a minima de consensus n’ayant pas grand chose à voir avec la logique écologique. Cette religion du compromis bénéficie à tout le monde sauf aux protecteurs de la nature et à la biodiversité ; elle n’est pas nouvelle, mais entraîne de plus en plus de demi-mesures depuis la création du premier parc national français, La Vanoise, en 1963. Un siècle après le premier parc américain…
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Face à toutes les majorités, gauche ou droite, les scientifiques et les naturalistes doivent plus que jamais négocier pied à pied, mètre après mètre, la dimension des espaces qu’ils veulent voir préserver pour maintenir la biodiversité, pour sauver des espèces, qu’elles soient emblématiques ou inconnues des politiques et de l’opinion publique.
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Le projet de parc national des Calanques en est la dernière illustration. Depuis le lancement du projet par Dominique Voynet, alors ministre de l’Environnement, la superficie terrestre et maritime de ce qui devrait être le premier parc national terrestre et maritime français, et donc les espaces marins et côtiers bénéficiant d’une protection forte, ont régulièrement et patiemment été grignotés. Et tout en approuvant le projet fin 2008, la majorité UMP de Marseille avait voté un certain nombre de « réserves » sur les contours du futur parc. Alors que le massif des Calanques, aux portes de Marseille et inclut dans le parc, est déjà théoriquement protégé depuis 1976 sur 5463 hectares. En mer, la plupart des élus locaux espéraient que certaines îles de l’espace maritime échapperont à la protection. C’est fait…
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Partout, pour les parcs nationaux existants, les nouvelles chartes en laborieuse préparation organisent l’omniprésence des élus, locaux et nationaux, dans la gestion de ce qui ne devrait rien céder à la politique et ne relever que de l’écologie et de la protection de la nature. Mais pour les élus, parcs et réserves ne peuvent être que des objets touristiques et non pas des espaces voués à la préservation de la biodiversité. Laquelle, l’année vouée en France à sa promotion, n’est de toute évidence par un objet électoral crédible. En fait, la nature, tout le monde s’en fout…
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Les réserves naturelles nationales, celles créées en application de la loi sur la protection de la nature de 1976, font également de plus en plus souvent l’objet de discussions de marchands de tapis au cours desquelles les naturalistes tentent de mettre en avant leurs objectifs de protection contre les édiles locaux qui ne voient dans ces espaces préservés que des « attractions touristiques » que pourront vanter les syndicats d’initiative.
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Et, comme ces réserves sont le plus souvent gérées, par délégation de mission de service public, par des associations, le ministère leur fournit de moins en moins de moyens financiers, les incitant au développement de ressources propres ; ce qui renvoie à l’exploitation touristique, alors que ce n’est pas vraiment leur fonction : le principe du parc national et de la réserve naturelle repose sur une liberté d’accès gratuite.
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La préservation de la biodiversité végétale et animale ne se construit donc plus depuis des années que comme un infime mitage du territoire auquel les espèces doivent s’adapter ou périr. Comme les ours pour lequel le législateur, sous la pression des lobbies politiques et touristiques, « oublia » d’inclure dans le parc national des Pyrénées, la zone dans laquelle ils vivaient ; ou comme le grand tétras (coq de bruyère) dont des réserves tentent d’organiser la survie dans l’Est de la France, mais que le législateur s’obstine à classer « espèce chassable » pour ne pas faire de peine aux Fédérations de chasseurs.
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Les parcs nationaux, les réserves naturelles, les espaces achetés par le conservatoire du littoral dans la mesure des dotations de l’Etat, ne visent qu’à protéger la nature extraordinaire. Reste la nature ordinaire, celle que les citoyens fréquentent le plus souvent. Une nature qui ne passionne personne et que le Grenelle de l’environnement a tenté de sortir de l’ombre en insistant sur la nécessité de créer des corridors biologiques, ce que les naturalistes appellent la trame verte. Pour que, circulant d’un espace plus ou moins bien protégé à l’autre, les chances des espèces protégées de survivre, végétales ou animales, ne soient pas aléatoires.
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Mais, malgré les efforts des naturalistes, le Medef a refusé que les corridors biologiques soient opposables à des projets d’aménagement. Comme les réserves et les parcs, ils doivent faire l’objet d’un compromis. On dit consensus. Ce qui réduit à bien peu de choses le discours officiel sur la biodiversité. Discours qui porte sur quelques espaces exemplaires péniblement délimités alors que la préservation des espèces doit concerner, c’est l’Europe qui le répète, l’ensemble d’un territoire national. Pas des confettis.
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