La catastrophe nucléaire au Japon : toujours la désinformation

Voici une version réactualisée (en ce 15 mars 2011, 15 h 30, heure française) de l’article de Claude-Marie Vadrot sur la catastrophe nucléaire au Japon.

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par Claude-Marie Vadrot

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Un journaliste japonais spécialisé dans le domaine de l’environnement qui m’informe plusieurs fois par jour de la situation dans son pays, m’a signalé lundi en fin d’après-midi que la chaîne de télévision officielle NHK, la plus regardée dans le pays, a mis plusieurs heures à diffuser les images de l’explosion du bâtiment du réacteur N°1 de Fukushima.

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Il en a été de même pour les deux explosions de la nuit de dimanche à lundi. Ce « retard à l’information », alors que ces images inquiétantes étaient diffusées instantanément dans le monde entier, illustre parfaitement les habituelles tentations des pro nucléaires du monde entier à rendre public des nouvelles fiables dés qu’il se produit un incident ou un accident dans leurs parcs de centrale.

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Comme si les adeptes du nucléaire étaient conscients qu’ils manient de la dynamite et qu’il ne faut surtout pas que les citoyens en prennent trop conscience.

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Autre explication des informations à géométrie variable : il ne faut pas oublier que l’industrie nucléaire du ce pays est privée : ce qui explique que les opérateurs aient préféré tout faire, au début, pour sauver les réacteurs car il n’était pas question d’informer le public que l’option noyage immédiat était moins dangereuse que les tentatives de bricolage.

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Mardi en début de soirée (heure du Japon), les autorités nucléaires japonaises n’avaient toujours pas diffusé d’informations précises sur la teneur radioactive de la région de Miyagi, le département sur le littoral duquel sont installées les centrales hors de contrôle, alors qu’il existe plusieurs centaines de capteurs (comme autour d’une centrale française) automatiques disséminés dans la campagne et dans les villes, capteurs qui peuvent fournir des relevés toutes les quinze minutes. C’est à dire en temps réel. Et que les ordinateurs de modélisation sont capables, en tenant compte du vent et des températures de fournir une prévision fiable sur le cône de dispersion de la radioactivité.

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Les seules informations sur la progression de la pollution aux isotopes radioactifs et au plutonium sont fournies à la presse par les associations d’écologistes qui ont envoyé sur place de militants équipés de compteurs et de dosimètres : ils permettent de constater à la fois la qualité de l’air et aussi l’accumulation heure après heure. De la même façon il n’y a pas d’informations précises sur l’état des blessés et sur leur degré de contamination et le flou le plus artistique règne sur l’état de l’air dans la capitale.

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La loi du silence fonctionne au Japon alors qu’une partie de la presse française s’obstine à répéter que le Japon est un pays « totalement transparent » en matière de nucléaire. Alors que la gestion des incidents dans le passé du pays a prouvé le contraire. Les industriels et le gouvernement restent également dans le flou sur les conséquences prévisibles de l’arrêt brutal d’un réacteur et sur les conditions dans laquelle peut intervenir la fusion d’un réacteur qui n’est plus refroidi (1).

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Cela fait partie du silence officiel et de la désinformation. Tout comme l’information (répétée en France pendant deux jours) selon laquelle l’accident est classé au niveau 4 sur une échelle de 7, alors que le processus accidentel est toujours en cours et que la situation change d’heure en heure et vient d’atteindre le niveau 6.

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Désinformation à gauche aussi quand les ténors socialistes ne font que murmurer de vagues commentaires et que Ségolène Royal ose accuser d’indécence les écologistes, politiques ou autres, parce qu’ils lancent la discussion sur le nucléaire français et un référendum. L’omerta, justement, c’est qu’en dehors des périodes de catastrophes, on ne parle pas de « ces choses là ». Qu’il s’agisse de Sarkozy, de Royal, d’Aubry, de Hollande ou de Strauss-Kahn.

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La loi du silence japonaise est finalement la même qu’en France et a été illustrée par les propos « rassurants » du ministre chargé de l’Industrie Eric Besson ou par Anne Lauvergeon qui a explique lundi, quelques heures avant l’aggravation, qu’il n’y avait ni accident ni problème.

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L’extraordinaire et l’inquiétant, c’est que tous ces personnage survivront, comme le Japonais, à leurs mensonges et à leurs propos rassurants. Tous suivaient à la lettre les consignes officielles édictées par la Présidence de la République et par le chef du gouvernement. Seule, maladroitement, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie s’est efforcée d’avoir un discours plus proche de la réalité.

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Même si, alors qu’ils prétendent le contraire devant les caméras et les micros, le gouvernement français dispose en fait de toutes les informations nécessaires. Elles sont fournies, de façon confidentielle, par le gouvernement nippon, par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique et aussi par les spécialistes français présents sur place, notamment « l’attaché nucléaire » de l’ambassade de France à Tokyo. Donc, quand ils se disent les uns et les autres « pas assez informés », ils mentent effrontément

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Les autorités japonaises minimisent également la grande pagaille routière qui a saisi la province avec l’évacuation de la population. Une évacuation qui reste le cauchemar insoluble de tous les experts qui mettent au point les scenarii d’accident nucléaire majeur. La plupart des habitants de Tokyo ignorent également que la coupure de l’électricité dans le département de Miyagi, interdit aux habitants concernés d’avoir accès à la radio, à la télévision et Internet. Ce qui les prive des informations nécessaires sur la conduite à tenir et sur le choix à faire entre le confinement dans les appartements ou les maisons et l’exode.

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Les partisans du tout-nucléaire, face à l’inquiétude qui monte au Japon, dans le reste du monde et en France, face aux demandes de référendum, ne disposent finalement que d’une seule technique : celle d’une désinformation soigneusement martelée avec l’appui d’agences de communication.

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(1) Dans le roman que j’ai publié il y a un an, Inéluctable, le roman d’un accident nucléaire français j’ai montré, sous la forme d’une fiction, quelles étaient les conditions techniques et politiques d’un accident nucléaire alors que celui-ci est en cours.

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Claude-Marie Vadrot suit l’évolution de la situation au Japon sur son blog de Politis qui est réactualisé toutes les deux heures.

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