. . par Laure Noualhat . D’abord le vent pour faire avancer le commerce de l’Egypte, puis l’eau pour faire tourner les moulins et veiller à la construction de cathédrales, vient ensuite le charbon pour assurer le développement industriel de l’hémisphère nord, puis un pétrole qui coule à flot dans l’Amérique de la liberté automobile. . Pour finir, à l’aube du XXIème siècle, les centrales des « énergies sans CO2 » (solaire, éolienne et, bien sûr, atomique) alimentent une mégapole sur-bétonnée aux bords d’un hypothétique océan. . Vous avez reconnu ? Pour les dix ans de sa marque, Areva, le géant mondial du nucléaire français, a retracé en une minute la « grande épopée » de l’énergie (voir le clip ici). Qui ne pouvait que finir que sur une centrale nucléaire fictionnée: elle n’est pas reliée à des lignes à très haute tension, ses tours ne rejettent pas de vapeur d’eau, et d’ailleurs, que font des tours aéroréfrigérantes auprès d’une centrale de bord de mer ? . Tout en travelling, à la mode du jeu vidéo Age of empire, le spot a nécessité un budget impressionnant de 15,5 millions d’euros. Mais quand on regarde son making-of, on comprend pourquoi : figurants en pagaille, dix mois de boulot, mobilisation de l’orchestre symphonique de Londres… Areva aime et se doit de faire les choses en grand. . Dans la semaine qui a précédé le lancement de la campagne, les réactions ont fusé : Corinne Lepage, députée européenne, l’avocat Arnaud Gossement qui travaille pour elle, Thierry Salomon, de l’Institut Negawatt, Hervé Kempf dans sa chronique du Monde … Tous dénoncent une publicité mensongère qui place le nucléaire dans le sens de l’Histoire. . Le réseau Sortir du nucléaire (ici son contre-spot) a également sorti les griffes en portant plainte auprès du jury de la déontologie publicitaire (1) et lancé une cyber-pétition La plainte sera étudiée le 4 février. Même si en 2009, les Verts avaient obtenu la suspension de la précédente signature publicitaire d’Areva : « L’énergie au sens propre ». Pas sûr cependant que la plainte en cours aboutisse… . . C’est Euro-RSCG qui a empoché les millions d’euros pour nous seriner l’air de l’idylle énergétique. Que pouvions-nous en attendre? Qu’ils mettent en scène l’exploitation, le pillage, la pollution, les déchets qui s’entassent, le risque de l’accident, les lignes à très haute tension … ? . Oui, dans cette pub, le nucléaire apparaît sous le terme « Energies sans CO2 » au même titre qu’une centrale solaire ou des éoliennes. Mais l’envers du décor, nous le connaissons. Le nucléaire a besoin d’uranium, ressource finie qui ne pousse pas au pied des centrales. On le trouve dans des mines du bout du monde que s’arrachent les géants du secteur et qui ajoutent à la complexité géopolitique de notre futur. . Le nucléaire produit des déchets pour lesquels nous n’avons pas de solution convenable. Il présente des risques incalculables, coûte cher, son retraitement s’avère industriellement inefficace. En France, cette énergie a phagocyté toutes les subventions publiques qui auraient permis le déploiement des énergies renouvelables. . Le plus dommageable finalement, c’est toujours cette antienne du progrès, du monde en marche vers des conneries toujours plus irréparables, c’est le système technicien de l’Humanité dévorante. Dansez tranquilles, petites cigales humaines, les grosses fourmis de l’énergie font carburer leurs énormes centrales – solaires, éoliennes et nucléaires – pour fournir cette énergie dont vous vous enivrez sans y penser. Votre « dope » quotidienne est garantie… pour l’instant. . Si je ne m’abuse, le nucléaire représente 6 % de la consommation énergétique mondiale. Alors, le sens de l’histoire… Le charbon et le pétrole assouvissent encore l’essentiel de notre addiction. Et comme toujours, les économies d’énergie sont passées à la trappe. Dans le monde riant d’Areva, on danse pour mieux oublier les pénuries à venir. . . |