Le vrai-faux procès de Monsanto à Marseille (compte-rendu complet)

Voici un compte-rendu complet et engagé du vrai-faux procès de Monsanto qui s’est tenu le 16 octobre 2010 à Marseille.

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par
Christine Kristof

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Le procès (voir notre compte-rendu ici) a débuté avec le rappel des principales condamnations de Monsanto.

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– en 1987, la condamnation à verser 180 millions de $ aux vétérans du Viet Nam pour les dommages causés par l’agent orange.

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– En 1994, condamnation à verser 1,2 million de $ pour le déversement d’eaux polluées sur le territoire d’Anniston.

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– En 1996, accusation sur la publicité mensongère sur la prétendue biodégradabilité du Round Up .

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– En 2000, Monsanto condamné à verser 700 millions aux citoyens d’Anniston.

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Les plaignants ont ensuite défilé à la barre : la représentante d’un collectif des mères de familles, un paysan apiculteur, un ornithologue… qui demandent justice par rapport à tous les méfaits engendrés par la politique de Monsanto et autres pollueurs (la liste est longue).

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Les témoins de la partie civile sont ensuite venus faire à tour de rôle des exposés parfaitement documentés sur les risques et les enjeux encourus par la poursuite de notre politique suicidaire.

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A ce titre, Jacques Hallard (consultant indépendant, ingénieur CNAM) a commenté un power-point consacré spécifiquement aux effets néfastes du glyphosate (principal constituant du Round-Up) à la fois sur l’environnement (notamment la baisse des rendements, la détérioration des sols, le développement d’une résistance aux herbicides et insecticides, la prolifération des envahisseurs) et sur la santé (cancers, stérilité, réduction de l’espérance de vie, etc.).

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Le deuxième témoin, Robin Lhuillier (ornithologue), a donné un tableau décapant de la situation de la faune (par rapport à des données de base ornithologiques). Entre 1989 et 2009, les espèces d’oiseaux liées au monde agricole (alouettes, …) auraient vu leur population diminuer de 50 % (alors que les autres ont subi une augmentation de 20 % dans le même temps), sans parler de la disparition catastrophique des abeilles (- 60 % en 20 ans).

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Le troisième témoin, Jacques Olivier, le maire du Thor (le vrai ) a présenté les initiatives innovantes dont sa commune est à l’origine. En tant que maire, cet homme courageux a pris une délibération déclarant sa commune hors OGM en 2008, 2009 et 2010 : « j’ai fait cela pour appliquer le principe de précaution en matière de santé pour les habitants de ma commune, et parce que je souhaite garder une agriculture de qualité. Je veux protéger les AOC, les IGP, le label AB. Si les OGM arrivent, aucune autre agriculture n’est possible ! De plus, je veux défendre des agriculteurs eux-mêmes, afin qu’ils ne deviennent pas des esclaves obligés de racheter leurs semences et les herbicides qui vont avec. La délibération a été attaquée par le Préfet, mais le Tribunal nous a donné raison.

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J’ai également émis un arrêté municipal interdisant les OGM sur ma commune (en tant que maire, j’ai des droits de police) en 2009, mais la préfecture l’a rejeté en argumentant du fait que seul le ministre de l’Agriculture a la pouvoir de « dissémination » des OGM . Mais que sait le ministre de mon territoire ? Que sait le ministre sur le mistral qui souffle ici, sur la propagation des pollens et sur nos abeilles ? Nous ne sommes pas les seuls à avoir adopté cette attitude. Une vingtaine de régions se sont déclarées hors OGM, et près de 2000 communes en France (dont 40 communes dans le Vaucluse). Nous sommes en train de créer une association pour permettre aux collectivités d’effectuer cette démarche et pour les soutenir. »

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Quatrième témoin, Mme Marie-Renée Blanc, pour les Amis de la Terre, a présenté, de façon très précise, les conclusions des rapports annuels réalisés par l’association. Ces enquêtes et ces mesures effectuées sur le terrain par des scientifiques indépendants témoignent de façon très concrète de l’état des lieux en matière de pollution environnementale.

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Les témoins de la défense se sont ensuite succédés et, sous couvert de propagande pro-OGM, ont soulevé les failles et les zones d’aberration du système Monsanto et du système de l’industrie agroalimentaire défini par les règles du commerce mondial (FMI/OMC).

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Mme De Glace (représentante fictive du FMI et de l’OMC), jouée par Bénédicte Bonzi (une des responsables du collectif « Sans OGM »), a retracé avec brio l’histoire de ces deux organismes comme principaux instigateurs et acteurs d’un équilibre mondial dont ils ont eux-mêmes défini et imposé les règles.

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Mr Francis, interprété par Francis HazenFratz, a dénoncé avec beaucoup d’humour la problématique qui lie certains individus aux systèmes Monsanto, mais aussi le manque d’information et de transparence. Ces propos ont été confirmés par un agromanager (Eric Perrin) et un scientifique pro-OGM (Robin Lhuillier).

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Vient enfin le réquisitoire du procureur qui (paradoxalement) souligne (lui aussi fait partie du système) qu’une condamnation de Monsanto reviendrait, peu ou prou, à une condamnation de notre système dans sa globalité et à retourner vers un obscurantisme incompatible avec notre sacro-sainte notion de progrès… qu’en aucun cas, cette condamnation n’est donc envisageable !

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Comme en écho à l’endormissement de la pensée commune, résonne la formidable plaidoirie de Maître François (alias François Pecqueur, créateur du Point de Bascule, un des hauts lieux de contestation vivante et humaniste de Marseille, en passe de fermer pour cause de manque de fonds) et que je livre dans sa totalité car il résume tout :

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«Monsanto, qui est jugé aujourd’hui pour crime contre l’humanité, passés, présents et pire encore à venir, n’est pas simplement une multinationale caractérisée par ses condamnations passées et les catastrophes sanitaires à venir que l’actualité nous permet de cerner aujourd’hui.

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Non, ne nous y trompons pas, M. le juge, Monsanto est aujourd’hui un symbole, le symbole d’un monde qui devient fou !

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A tout « seigneur » tout honneur, Monsanto jouit donc, à l’instar des Mc Do, des BP …. de ce privilège de cristalliser sur leur nom l’ensemble des dysfonctionnements de notre système globalisé.

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Monsanto est ce symbole, mais nous n’aurons pas besoin d’y faire référence au cours de cette plaidoirie, car le cas de Monsanto se suffit, malheureusement à lui-même.

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Il est rare dans la carrière d’un avocat d’être confronté à un choix aussi large d’angles d’accusations. La question des OGM s’impose néanmoins pour cause d’actualité brûlante et dramatique.

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Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été parfaitement posés par les témoins de l’accusation.

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Je citerai trois points :
Le premier concerne le principe de précaution : dans le rapport frontal entre, d’une part, le droit commercial dicté par l’OMC, le FMI et la Commission Européenne, et d’autre part, les chartes internationales de protection de l’environnement, de la nature et des citoyens, Monsanto déroule, depuis des décennies, une stratégie froide et déterminée à faire plier le principe de précaution devant la liberté de produire et d’échanger.

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Ensuite, par un recours systématique aux techniques de lobbying, d’infiltration et de corruption au plus haut niveau, Monsanto est, de fait, un ennemi majeur du bon fonctionnement de nos démocraties.

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Enfin, Monsanto incarne avec malheur une nouvelle catégorie de crime contre l’humanité : LE CRIME IRREVERSIBLE : brevet sur le vivant, contamination génétique exponentielle sur l’environnement, cas avérés de malformations congénitales…

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Alors c’est vrai, tous ces chefs d’accusation sont couverts par des textes internationaux, nationaux, des autorisations sanitaires accordées par des organisations dont l’indépendance est aujourd’hui remise en cause.

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Nous siégeons aujourd’hui dans ce tribunal populaire qui nous offre le droit de juger le cas de Monsanto dans sa globalité, Monsanto étant le symbole.

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Nous demandons au tribunal une peine correspondant à la réalité du danger que la firme représente pour l’homme et la nature.

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Nous requérons donc :

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– Le démantèlement immédiat de Monsanto,

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– L’inculpation de tous ses dirigeants pour crime contre l’humanité,

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– Les poursuites judiciaires envers tous ceux qui ont participé activement en pervertissant les règles de la démocratie.

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Nous demandons la création d’un fonds pour les victimes passées, actuelles et à venir.

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Ce procès est historique, le tribunal populaire saura ne pas se tromper de train, Monsanto représente un progrès « chimérique » face à la raison, au respect de la dignité de l’homme et de la vie. »

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A ces mots, la défense n’a plus de voix et l’avocat de la défense, M. Trap, (alors que l’avocat de la défense de Monsanto est généralement Mme Prat) interprété par Olivier Florens, coordinateur des faucheurs volontaires en PACA, en remet son tablier (ou sa robe). « Il faut retrouver le bon sens et sa dignité d’homme. Ce que l’on me demande de faire et de faire accepter l’inacceptable. Je refuse. Je ne peux défendre l’indéfendable ! ».

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Tombée de rideau
Les jurés se retirent pour délibérer (c’est l’occasion de déguster au bar du Point de Bascule un excellent ragoût bio et végétarien préparé par Anne-Marie et de faire connaissance) et reviennent avec la délibération suivante :

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Attendu les risques que Monsanto fait courir à l’humanité,
Attendu les risques sur l’appropriation du vivant,
Attendu la démarche volontaire et agressive de vouloir s’approprier le vivant et dominer l’alimentation mondiale, avec la bienveillance des organismes internationaux…

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Nous jugeons l’accusé COUPABLE de crime contre l’humanité !

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Les jurés (tirés au sort parmi les spectateurs) ont donc jugé à l’unanimité la firme Monsanto coupable de crime contre l’humanité.

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