Ce document a été préparé pour la conférence des Nations Unis pour l’environnement de Stockholm en juin 1972. Alain Bué, membre de très longue date des JNE, en était l’un des auteurs. Son auteur principal, le géographe Josué de Castro, a été Président du congrès mondial des peuples et était très préoccupé par le devenir des peuples confrontés à la déforestation. Avec sa collègue Françoise Plet, Alain Bué publie en octobre un livre, Alimentation, environnement et santé, pour un droit à l’alimentation (aux éditions Ellipse). Cet ouvrage fait suite au colloque organisé autour de Josué de Castro en janvier dernier à Vincennes. Nous avons décidé de mettre en ligne ce document présenté à Stockholm en 1972 malgré sa longueur tant ses problématiques restent d’actualité 38 ans après.
1.3. Faux est le concept de développement uniquement chiffré dans l’expansion de la richesse matérielle – dans la croissance économique. Le développement implique aussi des changements sociaux successifs et profonds que doivent accompagner les transformations technologiques du milieu naturel. Le concept du développement n’est pas seulement un concept quantitatif mesurable en dollars, mais aussi un concept qui comprend les aspects qualitatifs des groupes humains concernés – leur qualité de vie. Croître est une chose, se développer en est une autre. Croître est, de façon générale, une chose facile. Développer de manière équilibrée est une chose difficile, si difficile qu’aucun pays du monde n’ y est encore parvenu – dans cette optique, le monde reste dans sa totalité plus ou moins sous-développé.
1.4. Pourtant, il est aujourd’hui de mode de parler des effets nuisibles de la croissance économique sur l’environnement, sur les composants du milieu naturel. Et on parle surtout des effets qui ne sont pas les plus menaçants pour l’avenir de l’humanité. Les cris d’alarmes se font entendre surtout pour condamner la croissance de la population, la pollution de l’air, des fleuves et des mers et la dégradation du patrimoine animal et végétal des régions les plus développées du monde. Cette prise de position révèle une vision limitative du problème qui considère exclusivement les effets directs de l’expansion économique, laissant dans l’ombre et le silence l’insidieuse action indirecte du développement sur tous les groupes humains. Action indirecte qui est plus déterminante que l’action directe.
1.5. La première erreur grave, la première conclusion fausse qui se dégage de cette vision partielle du problème est l’affirmation très généralisée que c’est dans les régions les plus riches qu’ont surgi les premiers effets de la pollution, de la contamination et de la dégradation du milieu naturel, provoquées par la croissance économique. La réalité est autre : les premiers et les plus graves effets du développement se sont manifestés précisément dans les régions aujourd’hui économiquement sous-développées et qui étaient jusqu’hier politiquement des colonies. Le sous-développements régnant dans ces région a été le premier produit du développement déséquilibré du monde. Le sous-développement représente un type de pollution et de dégradation humaine, localisées dans certaines régions abusivement exploitées par les grandes puissances industrielles du monde.
Le sous-développement n’est pas comme beaucoup de gens le pensent de manière erronée, l’insuffisance ou l’absence de développement. Le sous-développement est un produit ou un sous-produit du développement. Produit inévitable de l’exploitation économique coloniale jusqu’à aujourd’hui en vigueur dans plusieurs régions du monde.
1.6. Il y a bien des gens qui affirment avec conviction que la problématique de l’environnement qui intéresse les pays sous-développés doit être totalement différente de celle qui intéresse les pays riches et industrialisés. Dans les régions sous-développées, disent-ils, on ne se préoccupe pas de la qualité de la vie mais simplement de la possibilité de survivre : la lutte contre la faim, contre les maladies de masse et contre l’ignorance généralisée. Or, ces choses sont seulement des symptômes d’une grave maladie sociale : le sous-développement, lequel est, comme nous l’avons vu, un produit du développement. Les pays sous-développés qui luttent pour survivre doivent s’intéresser aux problèmes du développement et de l’environnement à l’échelle mondiale, pour se défendre des agressions que leur environnement subit depuis des siècles de la part des métropoles colonialistes, destructrices de leur condition humaine.
Si c’est seulement depuis ces dernières années que l’on parle avec insistance de pollution et de dégradation provoquées par la croissance économique, c’est parce que la civilisation occidentale, avec son répertoire scientifique ethnocentrique, a toujours refusé de voir une évidence : le fait que la faim et la misère de certaines régions éloignées font partie du coût social du progrès que l’humanité paie pour que le développement économique progresse bien dans un petit nombre d’autres régions – dans des régions de domination économique et politique du monde.
1.7. Le fait d’avoir escamoté cette vérité a provoqué l’implantation à une échelle planétaire d’une stratégie de lutte contre le sous-développement qui était irrémédiablement condamnée à l’échec : l’échec de la décennie de développement de 1960 à 1970. Echec qui se répétera toujours tant que dureront les structures économiques du monde appuyées sur les piliers des faux soutiens de son édifice social : l’économie de guerre, l’économie du profit maximum et de la politique d’écrasement économique du Tiers Monde.
Les pays sous-développés dans leur lutte pour l’émancipation et la survie auront à obtenir à tout prix une diminution sensible de l’impact économique négatif que l’économie de marché a provoqué en son système d’économie de dépendance. Ces pays auront beaucoup à. lutter contre l’action indirecte et à distance des grands pôles de concentration de capital qui nourrissent par tous les moyens le sous-développement de la périphérie économique du monde y compris le refus de stabiliser le coût des matières premières.
1.8. Pour qu’il ne reste pas l’ombre d’un doute que le sous-développement est un produit du développement dans la civilisation de consommation, il suffit de vérifier qu’avant l’explosion capitaliste et industrielle de notre siècle, il n’existait pas de pays développés et des pays sous-développés, séparés les uns des autres par un large fossé économique. C’est seulement après la 2ème révolution industrielle que se sont extériorisées ces disparités extrêmes des rythmes de croissance et des niveaux économiques de deux groupes de pays : les développés et les sous-développés. Prenons un exemple concret : celui du revenu moyen par tête d’habitant de deux pays bien représentatifs de chacun des deux groupes – les U.S.À. et l’Inde. Avant la première Guerre mondiale, le revenu moyen par tête d’habitant en Inde était 8 fois inférieur à celui des U.S.A., et avant la Seconde Guerre mondiale, il était 15 fois inférieur. Aujourd’hui le revenu de l’Indien est 50 fois inférieur à celui d’un habitant des U.S.A.
La dégradation de l’économie des pays sous-développés doit être considérée comme une pollution de son environnement humain provoqué par les abus économiques des zones de domination de l’économie mondiale.
La faim, la misère, les hauts niveaux d’incidence des maladies inévitables sans un minimum d’hygiène, la courte durée moyenne de la vie : tout cela est un produit de l’action destructrice de l’exploitation du monde dans le modèle de l’économie de domination. La faim en Inde, au Pérou, à Saint-Domingue, au Nord-Est du Brésil, si elle apparaît comme manifestation locale des zones sous-développées , elle exprime en réalité des formes paradoxales de maladies de civilisation; étant un produit indirect de la croissance économique déséquilibrée, comme se présentent ailleurs 1es maladies cardio-vasculaires et de dégénérescence. Au fond, les deux groupes de maladies, celles qu’on appelle les maladies de civilisation et les maladies de carence sont toutes produites par le même despotisme de la frénétique civilisation du profit. Les unes produites directement sur place, les autres, produites indirectement à distance.
1.9. Une stratégie; qui visualisait la réalité sociale du Tiers Monde en la séparant du monde dans sa totalité a été fatale à l’amélioration des conditions de l’environnement. En vérité, toute la biosphère représente un seul écosystème composé de multiples sous-systèmes. L’écosystème de la biosphère possède un énorme plasticité structurelle par le jeu des mécanismes de compensations utilises pour équilibrer les impacts négatifs de 1’action humaine. Mais cette plasticité qui constitua un important atout pour I’homme lui permettant de transformer la biosphère et d’utiliser ses éléments pour satisfaire leurs besoins, ne peut outrepasser certaines limites fixées par les lois des équilibres naturels – seuils de nuisance – sous peine de provoquer de graves ruptures, quelquefois fatales pour les écosystèmes. Les déséquilibres extrêmes auxquels a été conduit le Tiers Monde menacent, par le jeu des interrelations écologiques, toute la biosphère et avec elle ipso facto toute l’espèce humaine. La faim du Tiers Monde pourra un jour provoquer la peste dans le monde tout entier, et la révolte des affamés peut conduire le monde à une guerre mondiale si on considère ces deux problèmes – la faim et la guerre – comme formes d’un déséquilibre dynamique de l’environnement socio-économique du monde.
Mais il ne suffit pas de considérer exclusivement l’action indirecte du développement sur l’environnement des pays du Tiers Monde – action plus économique et culturelle que purement physique ou naturelle.
Il y a lieu également de nous inquiéter de la menace de l’action directe : le gaspillage inconsidéré des ressources naturelles non renouvelables et les ruptures biologiques des sous-systèmes écologiques.
Le Tiers Monde se trouve sous la menace permanente de voir s’installer sur place des types de développement technologique qui, ne prenant pas en considération la dimension écologique, peuvent provoquer une désagrégation totale de la structure écologique. Si nous considérons la fragilité relative de certains écosystèmes équatoriaux et tropicaux où se trouve groupée géographiquement la plus grande partie du Tiers Monde, ce danger se présente de manière encore plus grave.
Personne ne peut ignorer la grande fragilité des sols de ces régions en face de l’érosion provoquée par l’exploitation abusive de leur couverture végétale. Personne ne peut ignorer que les fleuves tropicaux sont contenus dans leurs excès par certains types de digues végétales qui orientent jusqu’à un certain point leur cours et que la destruction de cette végétation provoque des inondations et des stagnations des eaux suivies des graves conséquences, des pertes de cultures agricoles inondées jusqu’à la dissémination endémique de certaines maladies transmises par l’intermédiaire des insectes,qui prolifèrent dans les eaux stagnantes.
2 SPECIFICITE DE LA REGION AMAZONIENNE
2.1. Une aire géographique du type de 1’écosystème amazonien avec sa couverture forestière dense et variée possède une résistance bien plus petite aux abus de l’exploitation humaine que les forêts tempérées de latitude moyenne. L’excès de pluies et de chaleur auquel l’Amazonie est soumise pendant toute l’année fait baisser de beaucoup les limites de sa plasticité en face de 1’implantation de certaines techniques agricoles et de certains types d’industrialisation qui peuvent provoquer des catastrophes incalculables et incontrôlables sur leur système biotique : sur la partie biogénique de son sol – le top-soil – sur sa faune terrestre et aquatique et sur sa flore. Cette forêt apparemment si vigoureuse est d’une faiblesse incroyable en face des changements possibles imposés de manière téméraire par la main de l’homme. D’où l’attention que mérite de la part des écologistes et des planificateurs économiques, le problème de l’implantation dans cette région de systèmes d’exploitations économiques, qui pourront endommager gravement la plus importante réserve végétale terrestre qui agit comme un grand purificateur de l’atmosphère en renouvelant abondamment et de manière continuelle sa cote d’oxygène.
2.2. Considérant l’importance mondiale de cette réserve amazonienne, et l’insuffisance de connaissances rigoureuses que l’on possède de sa dynamique écologique, il est recommandé d’être très prudent dans le choix des activités à implanter sur place pour promouvoir son développement autonome.
Le mot d’ordre de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement est 1’action. L’action urgente et efficace pour arrêter la progression de la pollution et de la dégradation du patrimoine naturel des différents écosystèmes. Nous sommes d’accord qu’il est nécessaire de passer des spéculations théoriques et des pieux cris d’alarmes à une action énergique conjuguée et valable en faveur de la défense des ressources naturelles de notre planète. Principalement dans les régions où la pollution et la dégradation du milieu naturel sont déjà installées et progressent de manière accélérée, menaçant 1’écosystème de sa destruction totale. Dans ce cas, on ne peut espérer tout savoir pour commencer à agir. Mais, cette action, même dans ce cas extrême, doit se baser sur un ensemble de connaissances suffisamment approfondies de manière à constituer les bases d’une philosophie d’action.
Dans le cas de l’Amazonie, cette action apparaît nécessaire pour éviter la continuation du génocide total des populations indigènes commencé il y a déjà longtemps et pour éviter des attentats technologiques et culturels perpétrés contre tout le système biotique de la région. Cette action doit être parallèlement accompagnée de la réalisation de recherches scientifiques systématiques de l’environnement sans lesquelles l’action entreprise, loin de sauver la région menacée, pourrait aggraver encore plus la situation de son équilibre dynamique, jusqu’aujourd’hui relativement épargnée en raison de la presque absolue impénétrabilité de la forêt au dehors des chemins aquatiques que sont les grands fleuves du système fluvial amazonien. Ce qui doit être entrepris dans ce vaste bassin hydrographique de 7 millions de km2 environ, possédant une spécificité propre et une unité biogéographique économique et culturelle, est une action extrêmement complexe car, malgré son unité écologique le territoire amazonien dépend politiquement de 9 différents pays souverains qui réclament tous leur souveraineté nationale pour tout ce qui concerne les décisions politiques.
2.3. Or, le problème amazonien ne comporte qu’un type de solution valable, c’est celui de l’approche globale – de la vision de tout son système écologique envisagé avec ses corrélations – avec les autres écosystèmes du monde. Envisager des solutions à l’échelle purement nationale, limitées par des frontières artificielles, s’avère extrêmement dangereux. Dangereux même pour le pays qui possède le droit de nationalité sur la plus grande partie de la région : le Brésil, qui recouvre 60 % de l’aire amazonienne pendant que les 40 % de ces terres sont partagés entre les 8 autres pays amazoniens : la Guyane française, le Surinam, la Guyane (anc. britannique), le Venezuela, la Colombie, le Pérou, l’Equateur et la Bolivie. L’option de modèles à suivre représente un ensemble d’actions politiques – un type spécifique d’options politiques à tous les niveaux. Et cette politique doit être, autant que possible, une politique à échelle internationale. Ce qui est extrêmement difficile, c’est d’établir le degré d’internationalisme à donner à cette politique sans froisser la souveraineté nationale des pays concernés (principe de base de la charte des Nations Unies) et, d’autre part, éviter par tous les moyens la réalisation de projets nationaux pouvant provoquer des nuisances graves dans les régions qui appartiennent à d’autres pays. La conception de projets multinationaux, bien structurés, capables d’éveiller l’intérêt des organismes internationaux de financement, trouvent dans l’Amazonie une base géographique vraiment privilégiée par son unité écologique et par son grand espace économique potentiel. Sous cet aspect, la multinationalité fonctionne comme un facteur positif au développement harmonieux de la région.
2.4. Cette immense biomasse forestière intimement liée au système hydrographique du fleuve Amazone, le plus volumineux et le plus long du monde vers lequel convergent 1.100 cours d’eau parmi lesquels 17 affluents principaux, chacun d’eux plus longs que le Rhin, représente de nos jours une des dernières frontières de terres vierges à être exploitées avec succès, à condition que cette exploitation soit faite scientifiquement et non avec l’empirisme aveugle utilisé pendant la conquête de la région à la fin du siècle passé pour exploiter les réserves naturelles de caoutchouc. L’exploitation sauvage de l’Hévéa Brasiliensis s’est soldée par la mort sur place d’un demi million de pionniers venus d’autres régions et qui ont été attaqués par plusieurs maladies, produits du milieu environnant, surtout dues à des déficiences alimentaires provoquant la plus grande épidémie de beri-beri de l’histoire mondiale des avitaminoses de masse.
Si nous nous sommes étendus un peu longuement sur ce réseau hydrographique sans parallèle au monde, c’était pour rappeler que l’excès d’eau dans cette région constitue un élément qui doit être manipulé avec prudence car il est aussi dangereux que l’absence d’eau, la sécheresse d’autres régions du monde. La pauvreté du sol de presque toute la région, à l’unique exception de la bande des sols alluvionnaires des grands fleuves où se concentrent, pour cette raison, 60% de la population amazoniene dans un espace géographique limité à environ 60.000 km*
seulement, représente un autre problème grave qui doit être étudié en son temps dans le chapitre qui traite des menaces qui pèsent de manière alarmante sur l’Amazonie.
2.5. Tout le monde sait que la faune amazonienne est représentée presqu’exclusivement par une faune aquatique très riche car c’est dans les eaux de ses fleuves que vivent 150 espèces de mammifères et 1.500 espèces de poissons (richesse de variétés plus grande que celle de la Mer Méditerranée). La faune terrestre est très pauvre et presque exclusivement représentée par des insectes et des oiseaux qui se faufilent entre les feuilles des arbres, celles-ci énormes, touffues avec une grande richesse d’espèces (environ 5 à 10 fois plus grande que celle des forêts tempérées). C’est que l’Amazonie est le paradis des plantes grâce à l’abondance de lumière, de chaleur et d’eau qui y sont concentrées par la nature et qui constituent trois exigences fondamentales de la vie des plantes. Il est vrai que ces plantes dépendent aussi du sol qui, comme nous l’avons vu, est extrêmement pauvre si on ne prend pas en considération la richesse de l’humus que la forêt elle-même dépose sur ces sols grâce à l’abondance des détritus morts produits de la vie végétale intense et que les micro-organismes du sol décomposent pour fournir de nouveaux aliments à la forêt elle-même.
Le miracle de la splendeur de la forêt amazonienne nourrie par un sol très pauvre en éléments minéraux, s’explique par la vitesse de la circulation de ce capital qui est extrêmement rapide grâce à la vie intense de la forêt. Cela veut dire que sans la forêt, l’Amazonie possède un type de sol « sans peau » car cette « peau » est le produit presque exclusif de la forêt elle-même. C’est un point qui doit être considéré avec beaucoup d’attention dans la planification de mesures de protection de l’environnement.
Et sous la « peau » de la région, comment se présente sa « chair », c’est-à-dire son sous-sol ? Est-il riche ou pauvre ? La vérité est qu’on connaît peu la question. On connaît si peu la région dans son ensemble qu’un spécialiste de ces problèmes a recommandé d’établir d’abord un programme sur sa révélation par des recherches et études approfondies avant de penser à un programme sur son occupation.
2.6. C’est dans une telle optique que le gouvernement brésilien a mis sur pied un grand programme de prospection minérale appelé « Projet Radam » dans lequel on utilise les techniques modernes de l’aérophotogrammétrie, de la photogéologie et de 1’aérogéomor-phologie pour la détection des minéraux.
Les photos par infrarouge qui fixent les radiations invisibles sur les films communs, ont déjà donné des indications très valables et ont fait entrevoir d’énormes richesses minérales dans la cuvette amazonienne. De maintenant jusqu’à la fin de ce siècle, lorsque les grandes réserves de minerais du monde menaceront de tarir, on peut s’attendre à l’arrivée à grande échelle sur le marché mondial de produits minéraux provenant du Bassin amazonien. Au Brésil, on prévoit déjà que dans les années à venir les minéraux vont substituer le café dans la liste des denrées d’exportation de ce pays. L’Amazonie s’est révélée très riche en pétrole dans plusieurs de ses sous-régions, ce qui représente un grand atout dans ses plans da colonisation et de développement.
3 – MENACES SUR L ‘ ECOSYSTEME AMAZONIEN.
3.1. Les nations dont une partie du territoire s’étend sur l’Amazonie désirent, à juste titre, intégrer ce domaine à leur économie. La surpopulation agricole relative des régions anciennement mises en valeur contraint à diriger les excédents démographiques vers les villes mais aussi vers les terres vierges. Dans ce dernier cas le souci d’équilibrer la consommation alimentaire mais aussi l’attrait de développer les cultures d’exportation poussent à l’expansion de l’occupation du sol, d’autant plus que son bas prix abaisse le montant des investissements.
3.2. Le développement des engins mécaniques de défrichement, d’aménagement du sol, de construction de routes d’une part et les progrès médicaux du contrôle sanitaire d’autre part rendent depuis quelques années beaucoup plus faciles la pénétration et l’occupation des zones de forêts denses et humides.
Mais la fragilité du milieu amazonien ne saurait être masquée par l’amplitude subcontinentale de ses espaces, et les pays amazoniens doivent recevoir l’assurance que le développement indispensable sera garanti par les formes équilibrées qu’il prendra.
Il est donc indispensable d’envisager les conséquences pour 1’écosystème forestier qui est celui de cet immense domaine d’un ensemble d’initiatives dont l’objectif est d’aboutir à l’organisation d’un système de communications, à l’aménagement d’un vaste espace agricole, à 1’implantation d’une infrastructure industrielle.
Les problèmes sont de nature très diverses. Les ruptures radicales des équilibres naturels, liées à la mise en place des centres miniers et industriels, dans la mesure ou elles n’auront qu’une valeur ponctuelle, risquent d’être moins graves que celles déterminées par les aspects technologiques et par les incidences économiques de l’organisation des transports. C’est au niveau de l’exploitation de la forêt et à celui de son défrichement qu’il importe plus encore de peser les risques pour prendre les précautions nécessaires.
3.3. Chaque pays doit attendre des compagnies nationales ou internationales et privées ou publiques, qu’elles harmonisent le développement avec l’équilibre et la protection de l’environnement. Chaque pays doit attendre de ses voisins qu’il intègre ses régions amazoniennes avec le même souci. L’Amazonie est en train de passer de l’économie de cueillette à celle de l’exploitation techniquement intensive des ressources du sol et du sous-sol.
L’exploitation des richesses dans une zone type nouvelle frontière a toujours été caractérisée par un souci de rentabilité économique immédiat sur un seul type de ressources sans tenir compte d’une exploitation rationnelle de l’ensemble du terrain ni en admettant la pluralité des ressources économiques et humaines. En ce qui concerne l’Amazonie, nous sommes en présence d’un espace multinational comprenant des ressources végétales et minérales. De plus, il faut noter le danger que représente la confrontation directe et brutale de deux types d’économie : l’économie de marché à la conquête de nouvelles frontières et l’économie traditionnelle des autochtones, ce qui pose directement le problème de la survie culturelle de ces derniers. Il est donc indispensable, dès à présent, de mettre sur pied des équipes de recherches multinationales et pluridisciplinaires s’attachant à dégager des recommandations concernant chacun des types d’exploitation des ressources envisagés en contrôlant les conséquences écologiques sur l’écosystème amazonien.
Plusieurs types d’exploitation des ressources de l’Amazonie apparaissent comme étant dangereux pour l’écosystème amazonien s’ils ne sont pas rigoureusement contrôlés.
Les transamazoniennes : A l’est du Bassin, la poursuite du programme routier transamazonien devrait permettre de joindre de grands gisements le métaux ferreux et d’établir des masses paysannes le long des routes. L’Amazonie apparaît ici comme « une nouvelle frontière », la dernière de cette amplitude au monde. L’intégration du bassin amazonien à l’économie générale est devenue un souci légitime du gouvernement brésilien dans la tradition de 1’équipement et du peuplement des terres de l’intérieur.
Mais cette marche continentale doit à la fois concilier la hardiesse d’une nation pionnière et la compréhension des problèmes de 1’environnement.
Les routes : les grandes digues artificielles constituées par les grandes routes dans une zone où les variations d’altitude sont faibles que la moindre hausse du plan d’eau bouleverse l’écologie de régions immenses, apparaissent comme devant être construites avec le plus grand soin de leur tracé et avec la préoccupation majeure de prévoir une grande densité d’écoulement de l’eau superficielle.
3.4. La route transamazonienne que le gouvernement brésilien est en train de construire avec un tracé parallèle au grand axe du fleuve Amazone reliant la côte Atlantique du Nord-est brésilien à la frontière orientale du Pérou, et par là jusqu’au Pacifique, représente sans aucun doute une entreprise gigantesque et indispensable qui pourra avoir un rôle prépondérant dans le développement économique futur de cette région. Mais ce projet est critiqué par certains experts qui estimant qu’on n’a pas réalisé d’études et de recherches préliminaires pour assurer un succès garanti de cette initiative pionnière au point de vue de la protection de l’environnement et de la qualité de vie humaine dans ces régions.
3.5. Le climax de l’Amazonie est forestier mais l’existence de niveaux de cuirasses, dans la région Belem-Santarem notamment, suggère l’idée que la région a dû connaître dans le passé deux périodes de. végétation de caractère xérothermique.
Parmi les « Tropical Rain Forests », l’originalité de la sylve amazonienne réside dans l’exceptionnelle étendue des forêts marécageuses (iguapos), dont le sol est constamment gorgé d’eau et rizicoles (varzeas) inondées périodiquement par les crues, par rapport à la forêt de terre ferme.
3.6. Malgré l’exubérance de la forêt tropicale humide, le climax est fragile. La pauvreté générale des sols ferrugineux est établie, l’épaisse zone d’altération de la roche-mère est lessivée, les argiles (kaolinites) ont une faible capacité d’échange.
La forêt vit largement des éléments restitués au sol par la minéralisation rapide de l’humus. Sauf circonstances locales favorables, il en résulte un équilibre précaire.
On a souligné d’ailleurs, l’existence de savanes intra-forestières ainsi que d’enclaves de fourrés et de forêts basses de caractère xérique. Ces formations sont probablement l’expression d’une convergence de causes, certaines pourraient avoir une origine relictuelle et il faudrait dans ce cas nuancer le thème de la forêt envahissante.
3. 7. La rupture de 1’écosystème forestier risque de se manifester à différents niveaux avec trois types de conséquences :
A – Les travaux de génie nécessités par l’organisation des communications terrestres en modifiant les conditions de l’économie de l’eau dans le sol risquent d’entraîner un remaniement du partage actuel entre les différents types de forêts.
B- L’exploitation par furetages d’essences recherchées sur le marché prend aisément un caractère anarchique et occasionne de gros dégâts, en raison même des caractères floristiques de la forêt humide.
Mais l’instauration d’un système d’exploitation par surface pose le problème du renouvellement quantitatif et qualitatif de la biomasse, compte tenu de la pauvreté des sols tropicaux.
C – De même, le défrichement de la forêt ne devrait pas être abordé sans tenir compte des longues jachères nécessaires à la reconstitution des sols tropicaux. La pratique de la culture jusqu’à épuisement des sols peut s’ouvrir sur la perspective redoutable d’un front pionnier s’écartant de part et d’autre des axes de communication et laissant derrière lui des régions plus ou moins dévastées.
3. 8. La conquête agricole de l’Amazonie pose plusieurs problèmes :
– quelle quantité de terre est-il souhaitable de réserver tant aux cultures qu’à une exploitation herbagère ?
– quelle devrait être la localisation préférentielle des espaces agricoles ? Il n’est pas du tout sûr que la solution la plus judicieuse consiste à dessiner des bandes accompagnant les voies de communication.
Parallèlement, le pédoclimax peut se trouver menacé par l’érosion et par le cuirassement.
On peut également redouter une remise en question du climat régional, une transformation du régime thermique du sol avec surchauffe considérable de l’horizon de surface (10 à 20°) et une modification du régime d’humidité.
Schnell a noté dans les régions déboisées l’intensité de l’évapotranspiration, la dessication brutale du sol et la fréquence du phénomène du flétrissement.
L’évapotranspiration réelle le la forêt restitue en effet constamment à l’atmosphère des quantités importantes de vapeur qui participent au circuit de l’eau dans 1’atmosphère.
En maintenant l’état hygrométrique de l’air au niveau le plus élevé, comparable avec le bilan énergétique régional et local, elle freine la demande instantanée de 1’évapotranspiration potentielle.
Une déforestation étendue, le développement d’une couverture végétale plus ou moins incomplète utilisant moins bien la réserve d’eau du sol est susceptible de réaliser les conditions d’un déficit hydrique climatique.
Cela risque de modifier la localisation des complexes pathogènes existant ainsi que l’implantation d’autres complexes.
3.9. L’exploitation traditionnelle de la forêt amazonienne ne mettait pas en cause sa maintenance (cueillette, chataîgnier, hévéa). Par contre, la recherche de bois précieux non contrôlée et surtout la fabrication de pâte à papier mettent directement en cause le renouvellement de la forêt.
II faut noter les conséquences d’une telle implantation à petite échelle :
– la pollution des eaux de rinçage pour la transformation du bois en pâte à papier met en danger la faune aquatique et la flore bordant les cours d’eau concernés.
– La forêt amazonienne est également menacée de façon indirecte par l’exploitation de ressources minérales.
3.10. La découverte du pétrole dans le piémont andin amazonien dans le sud de la Colombie, en Equateur et au Pérou, et la poursuite de la prospection sur le piémont bolivien donne une chance supplémentaire de développement à des Etats qui accomplissent depuis quelques années un effort considérable pour acquérir leur indépendance économique par un développement techniquement et socialement équilibré. Appoint énergétique et aussi financier, grâce aux exportations, pour des pays déjà sur la voie d’un développement diversifié comme la Colombie et le Pérou, le pétrole représente un bouleversement et une base nouvelle de financement massif pour l’ensemble du développement pour un pays de taille plus mesurée comme l’Equateur.
3.11. Dans un cas comme dans l’autre, ce pétrole est indispensable. Mais il doit servir les intérêts des nations concernées et non celui exclusif des grandes compagnies mondiales ou des pays industrialisés. Il convient aussi et surtout que le développement présent et futur de l’Amazonie ne soit pas oublié puis entravé par une exploitation sauvage.
Le circuit du pétrole ne doit pas être purement lié à une prédation des gisements amazoniens suivie d’un simple acheminement du brut vers la côte sans que l’Amazonie ne profite des recettes pour son équipement et l’amélioration des conditions d’existence de sa population.
Il faut donc déjà éviter que l’exploitation pétrolière ne fonctionne en circuit fermé en totale indépendance du milieu régional.
Mais il convient surtout d’éviter que la recherche de l’abaissement des coûts de production n’entraîne une dégradation de la couverture végétale par des défrichements incontrôlés ni aussi une entrave au drainage naturel d’une zone écologiquement très sensible à ces nouvelles variations de l’hydrographie superficielle par suite de l’installation d’un réseau de communications terrestres et d’oléoducs.
Enfin, l’élimination des déchets des industries extractives ne saurait être confiée aux eaux courantes sans mettre en danger un équilibre écologique aussi fragile que celui de l’espace amazonien.
3 .12 L’hostilité du milieu et les conditions mêmes de la conquête de nouvelles frontières économiques favorisent l’implantation d’un sous-prolétariat. Dans le cas de l’Amazonie, on constate déjà l’installation de bidonvilles linéaires le long des axes de pénétration et autour des lieux d’exploitation des ressources.
Il faut donc étudier immédiatement les conditions d’installation et de travail au moins correspondantes à celles existantes dans les zones industrielles des pays développés permettant d’offrir un contrôle médical sérieux et des conditions de vie décentes aux travailleurs.
De plus, l’exploitation des ressources amazoniennes doit à tout prix éviter la sous-prolétarisation des populations autochtones qui aboutirait sinon à un ethnocide à long terme, du moins à la disparition des cultures existantes.
La transformation des produits quant à elle est souhaitable sur place étant mobilisatrice de main d’oeuvre et de capitaux. La plus-value de cette transformation devrait être en grande partie réinvestie sur place, en particulier pour atténuer les effets de dégradation du milieu.
La sidérurgie menace également la couverture végétale par l’utilisation du charbon de bois obtenu sur place par des coupes dans la forêt pour l’alimentation des hauts fourneaux primitifs.
Les réponses à ces questions qu’apporteront les équipes de recherche devront être considérées même si elles réduisent dans un premier temps les marges bénéficiaires.
Des solutions plus coûteuses au départ (contrôle des déversements de toxiques, recouvrement du sol avec des espèces appropriées après les coupes, etc.) sont indispensables dans la mesure où elles respectent mieux le potentiel végétal.
3.13. Trois points sont à craindre sous l’angle des ressources hydrologiques :
A – La navigation et le transport des bois représentent un danger pour les digues végétales naturelles bordant 1es fleuves. II faut les préserver autant que possible en raison de leur importance dans les mécanismes de la régulation des écoulements.
B – L’hydro-électricité. La construction de barrages coupe le fleuve aux poissons et arrête la distribution des alluvions. Un autre problème est posé par le transport de l’électricité (déforestation le long des lignes).
C – Le dégagement des produits polluants. Il doit être absolument interdit même dans les seuils de nuisances tolérés ailleurs, en regard de l’importance de la maintenance de la forêt au niveau de la biosphère tout entière.
3.14. Les menaces ne résident donc pas dans une exploitation des ressources naturelles du sol et du sous-sol ni dans une organisation de l’espace basée sur une infrastructure de communications modernes. Elles pèsent en revanche lourdement devant un type de développement sauvage. Ici, la concurrence entre grandes compagnies, ou entre entités gouvernementales conduit éventuellement à une exploitation des ressources dans de telles conditions le calcul du prix de revient n’inclue pas les coûts des mesurer préventives indispensables au maintien des potentiels biologiques du milieu.
Les différents projets d’exploitation de la cuvette amazonienne étant pour la plupart amorcés (transamazonienne, route Brasilia,-Belem, route BR 80), il est indispensable de procéder au développement et au regroupement des équipes déjà existantes le plus rapidement possible ainsi que des institutions mentionnées dans cet exposé et ayant pour but de faire des recommandations sur un aménagement équilibré de la cuvette amazonienne.
Enfin, le profit immédiat entraîne une prédation si rapide des ressources naturelles que l’épuisement des réserves minérales,le non-renouvellement de la couverture biologique et la pollution de l’eau et de l’atmosphère privilégient la génération actuelle au détriment des générations futures.
4 – STRATEGIE D’ACTION
4.1. Tel qu’il ressort des chapitres précédents, des problèmes d’une rare complexité se posent lorsqu’on veut établir les lignes directrices d’une stratégie d’action susceptible de promouvoir des solutions efficaces.
4.2. Cette complexité telle qu’elle a été démontrée plus haut, vient du nombre et de la nature des facteurs dont on doit tenir compte pour envisager ces solutions, ainsi que de la vitesse considérable avec laquelle évoluent les interrelations des facteurs tant à l’intérieur de l’écosystème que par rapport à. d’autres écosystèmes du monde.
4.3. Nous allons rappeler ici les éléments qui nous paraissent significatifs pour établir l’importance des menaces qui pèsent sur la région et ébaucher ensuite le caractère, les objectifs et la forme des voies et moyens qui permettraient de rendre efficientes les grandes lignes de la stratégie proposée.
Parmi les éléments significatifs pour établir une stratégie d’action, il convient de signaler que :
A – La région considérée chevauche 9 pays différents, aux caractéristiques légales, économiques, culturelles ou humaines fort diverses;
B – Les rapports entre l’homme et la transformation de la nature sont, désormais, envisagés dans une perspective globale qui tient compte de la constellation des facteurs et des ressources qui y sont affectés.
Cette nouvelle perspective qui conduit nécessairement au réexamen des notions de stratégies nationales de croissance doit aussi conduire au réexamen du contenu et des mécanismes de la concertation internationale.
En effet, les critères purement géographiques des frontières nationales ne suffisent plus à définir le cadre normatif qui doit régir un certain nombre d’actions exécutées dans un espace déterminé.
De par leur nature, certaines actions engagent l’équilibre et la disponibilité des ressources de vastes espaces.
Dans ces conditions, s’impose l’élaboration d’un droit international de 1’environnement.
C – Le volume des problèmes (touchant aux aspects économiques, commerciaux, agricoles, industriels, des transports et des communications, des ressources naturelles de toutes sortes, comme de la formation et la culture des hommes de la région, parmi tant d’autres) est énorme.
D – L’incidence que pourraient avoir sur l’avenir de ces pays les solutions que l’on proposerait pour ces problèmes dépasse de loin tout ce qui est envisagé actuellement par les plans nationaux : qu’ils s’agissent des incidences à moyen ou à long terme; qu’ils s’agissent de celles sur les différents constituants de la qualité de la vie des régions amazoniennes de ces pays comme de celles des autres régions des 9 pays concernés.
E – L’importance qu’auraient ces solutions sur le rythme et les modalités du développement (dans le sens large de ce terme) est considérable. Lorsqu’on dépasse le niveau de la croissance économique pour tenir compte des nuisances qui se produiraient à d’autres niveaux apparaissent de nouveaux dangers susceptibles de déformer l’économie générale de l’ensemble des systèmes.
F – La plupart des problèmes qui se posent, ou qui vont se poser, ont une spécificité nouvelle car ils concernent des aspects de la vie de la communauté et des individus qui n’ont pas été traités jusqu’à présent de façon cohérente.
G – Ces différents problèmes sont très intimement liés par des corrélations d’un type nouveau. Ainsi, par exemple, les nuisances qui apparaîtraient dans un endroit pourraient s’étendre par des voies et avec des vitesses insoupçonnées aux pays limitrophes. Il conviendrait de penser à ces interrelations dans le cadre de 1’écosystème amazonien comme par rapport aux autres écosystèmes du monde.
H – Des interventions de pays extérieurs à la région, qui ne tiendraient pas compte des intérêts vitaux de cette dernière, peuvent se produire. Elles pèseraient lourdement sur l’avenir.
I – L’urgence de l’étude des conditions de la région et des solutions à trouver ne permettra pas d’emprunter exclusivement les voies normalement utilisées par les Etats de la région.
J – Les moyens dont disposent les Etats intéressés pour une opération de l’envergure de celle envisagée ici sont relativement 1imités.
4.4. Compte tenu de ces considérations et de ces faits, ainsi que de la nécessité d’éviter des doubles emplois dans la recherche de solutions et dans les actions à mener (comme de celle d’opérer à partir d’une approche globale pour arriver à des résultats conséquents), il semble indispensable de proposer la création de mécanismes très structurés qui permettent d’aboutir à des solutions novatrices de grande efficacité et économiquement rentables pour chaque pays et pour l’ensemble régional. Ces mécanismes pourraient être nationaux et régionaux. Tous les deux sont aussi indispensables.
4.5. Il va de soi qu’ils opéreraient en coopération étroite avec les autres organismes existants dans le cadre national comme dans le cadre international (O.N.U. et ses agences, commissions économiques régionales, organisations régionales d’Etats, Pacte andin, etc.) et qui s’occupent d’autres problèmes, ou qui les considèrent différemment.
Les organismes dont nous proposons ici la création auraient pour buts :
A – Rassembler toutes les informations pertinentes et les disséminer de façon sélective,
B – Faire l’analyse des problèmes posés, suivant l’approche globale indispensable, et rechercher les solutions hardies et novatrices qu’ils requièrent. Ceci serait fait en priorité pour les aspects considérés comme pouvant avoir une incidence maximale. Par exemple, l’établissement de groupes de recherches sur la photosynthèse profitant des conditions particulièrement favorables de la région, et bien d’autres.
La structure de ces groupes doit être telle qu’elle permette de faire appel aux groupes de recherches travaillant déjà sur ces questions, dans le monde entier.
Il faut insister sur l’importance d’effectuer ces recherches sous un angle opérationnel, c’est-à-dire qui envisage les modalités d’application pratique des recommandations sur le terrain à chaque niveau d’avancement du front pionnier.
Ces groupes de recherches devront regrouper des spécialistes des ressources végétales, minérales, hydrographiques et humaines, et seront ainsi le reflet d’une double préoccupation, mu1tinatîonalité et pluridisciplinarité permettant d’aborder la cuvette amazonienne dans sa globalité.
C – Evaluer constamment les incidences de tous ordres des causes des problèmes, et de celles de leurs solutions; rechercher les moyens de financement nationaux ou internationaux pour aboutir à ces solutions.
D – Analyser les obstacles de toutes natures (juridiques, légaux, administratifs, financiers, etc.), qui pourraient nuire à l’efficacité des actions envisagées ou entreprises.
E – Planifier les recherches, les analyses et les actions, et faire des propositions concrètes quant aux moyens à employer pour maximiser la portée des actions.
F – Assurer la coordination générale et permanente des moyens engagés.
4.6. La forme de ces mécanismes serait à déterminer après étude spécifique, mais ils devraient constituer un réseau d’organismes nationaux qui verraient leurs activités coordonnées et encouragées, au niveau de 1’écosystème, par un organisme régional.
Cet organisme régional garantira l’utilisation maximale des efforts communs. Il pourra servir d’exemple lorsqu’on voudra s’attaquer utilement à d’autres problèmes du même ordre ou pour remplir des tâches similaires dans d’autres régions.
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(x) Le groupe de recherche d’écologie de l’Université de Paris VIII se compose de :
Coordinateur : Professeur Josué de Castro
Membres : MM. Braque, Bué, Coignet, M. et Mme Collin-Delavaud, Colombot, Coquery, Charmoy, Edcl, Enriquez, Fouet, Hennicn, Ikonicoff, Joyce, Labey, Montagne, Morand, Sachs, Smotkine, Trapero, Mlle Zanoni.
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La Comité de rédaction du présent document, placé sous la direction du Prof. Josué de Castro, était composé de MM. Braque, Bué, Collin-Delavaud,. Enriquez, Ikonicoff, Sachs et Trapero.
3 réflexions au sujet de “Proposition concernant une action multinationale pour la défense de l’écosystème amazonien (1972)”
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