Paul Watson, ambassadeur de la mer

Ambassadeur des océans et protecteur des baleines, Paul Watson, après deux interventions en milieux scolaires *, a fait le point sur l’exploitation des dauphins au Japon et révélé « une économie de l’extinction » lors d’une rencontre avec la presse à Aix-en-Provence, juste avant sa conférence publique du 21 mai au Conservatoire Darius Milhaud où il était invité par le Muséum d’Histoire Naturelle, dans le cadre de la Fête de la Nature sur le thème de l’eau, en partenariat avec le Comité pour un Musée des Sciences.

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par Michel Cros

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Paul Watson - Photo Michel Cros
Paul Watson – Photo Michel Cros

La nouvelle est tombée le 20 mai, en pleine conférence au Lycée international Georges Duby de Luynes, près d’Aix-en-Provence. L’association japonaise des zoos et aquariums (JAZA), membre de WASA (l’Organisation Mondiale des Zoos et Aquarium),, a décidé de ne plus acheter de dauphins provenant de Taiji, province tristement célèbre pour les massacres de cette espèce marine, révélés au grand public en 2009 dans le film américain The Cove (La baie de la honte).

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« Pendant des années, nous avons mis la pression à la World Association of Zoos and Aquariums (WASA), car ils ont un code éthique. Mais il n’était pas mis en application », a expliqué Paul Watson le lendemain à la presse.

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WASA avait donné un ultimatum à la branche japonaise de Zoos et Aquariums (JAZA) : « ou elle accepte de ne plus acheter de dauphins à Taiji, ou elle n’est plus membre de WASA ». « Il y a tout intérêt à faire partie de WASA, car cela permet d’échanger des données et d’être au courant des nouveaux croisements d’espèces », précise Paul Watson.
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Cette heureuse décision a laissé planer un bref instant de réjouissance dans mon esprit : « est-ce la fin des massacres ? » Mais comme l’a expliqué l’écologiste, « le dauphin reste une importante source de revenus, et le maire de Taiji n’est pas prêt d’arrêter cette exploitation ».

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Un marché très lucratif

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« L’exploitation du dauphin a été répertoriée dans trois endroits différents : Iky, Futo abandonnées depuis, et Taiji toujours en activité…A 250 000 $ US pièce, les négociants japonais préfèrent les vendre vivants aux aquariums plutôt que mort spour l’alimentaire, car leur chair n’en rapporterait que 500 $ US », précise Paul Watson.

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Mais les pêcheurs affirment qu’ils doivent continuer à chasser le dauphin pour nourrir le peuple japonais. « Seulement 2 % de la population en mange, les jeunes et les femmes n’en consomment pas », rétorque Paul Watson.

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Le Japon recense 62 aquariums et 130 pêcheurs sont impliqués dans ce marché lucratif . Le fondateur de Sea Shepherd Conservation Society (SSCS) pense que la décision de WASA aura une répercussion positive sur l’association des aquariums, bien que 40 d’entre eux n’aient pas de dauphins et contestent l’organisation internationale.

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Une culture non justifiée

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« Le Japon essaie de justifier la pêche des dauphins et des baleines en arguant que leur consommation appartient à leur tradition culinaire et que cela fait même partie de leur culture… Or il est à noter que les Japonais n’ont commencé à manger de la viande de dauphin qu’à partir de 1969. Curieusement, les massacres de dauphins à Ity, Futo et Taiji coïncident avec les premières demandes de dauphins pour les aquariums dès 1960 …Ce n’est pas une histoire de culture mais de business  !», poursuit Paul Watson.

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Il en est de même, dit-il, avec la pêche de la baleine considérée par eux comme culturelle car trois villes japonaises y participent depuis une centaine d’années.

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Mais affirmer cela, ironise-t-il, reviendrait à dire qu’une pratique qui se ferait à Saint Malo appartiendrait à la culture de la France toute entière !

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« La chasse à la baleine a été introduite au Japon par des Norvégiens en 1911, avec une station baleinière qui n’employait à l’époque aucun Japonais ». Et l’écologiste de préciser que c’est seulement en 1930 que l’Empire du soleil levant commença à s’y intéresser !

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« Ceci se poursuivit après la guerre avec le Général Mac Arthur qui créa une station baleinière pour fournir de la viande aux habitants ». Ce qui fait dire à l’écologiste canadien : « si la pêche baleinière fait partie de la culture japonaise, alors l’occupation américaine en fait aussi partie !  »

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« La tradition sert souvent d’argument », comme avec la tauromachie, qui a commencé en Crète, sans mise à mort du taureau et sous forme de danse… Ou encore la torture et pendaison des lévriers en Espagne perdant leur course ou la défenestration de chèvres du haut des églises espagnoles pour purger les pêchés !

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« Tout cela n’est que le résultat d’une recherche de bouc émissaire », et Paul ­­­­­Watson de conclure sur ce sujet en disant : « Il ne peut y avoir d’excuse pour la tuerie et la torture d’autres êtres sensibles ».

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Une économie de l’extinction

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Si les Japonais n’ont pas chassé la baleine en 2014, suite à leur condamnation l’an dernier par la Cour Internationale de Justice, ils disent qu’ils vont la reprendre dès la fin de cette année. « Le problème, c’est que les Japonais ne veulent jamais se conformer à une décision autre que la leur. Ou alors, s’ils acceptent une décision extérieure, c’est selon leurs propres conditions. Ils ont, en général, une attitude de non compromis… Ils vont devoir se conformer à un quota de pêche qu’ils refusent ! »

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Paul Watson l’explique par ce qu’il appelle une « économie de l’extinction » : « si la quantité de poissons diminue dans le monde, les prix augmentent ! Un thon bleu d’un mètre de long, peut valoir 75 000 dollars, et certains peuvent être cotés à plus d’1 million de dollars », précise-t-il.

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« Mitsubishi est l’une des entreprises qui stocke des poissons en congélation pendant 10 à 15 ans. Leur philosophie est simple : plus ils en stockent et moins il y a de poissons dans les océans et leur stock prend de plus en plus de valeur. Même si l’espèce est éteinte », poursuit l’ex-cofondateur de Greenpeace. « Ils en auront toujours pour 10 à 15 ans de plus grâce à leurs congélateurs. Ce qui représente énormément d’argent ! »

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Car la demande est grande et le défenseur des baleines de se rappeler maintes soirées sur le thème de l’environnement où de la légine australe, un poisson pourtant inscrit sur la liste en danger d’extinction, est allègrement servi aux convives, car très recherché par les grands chefs pour son goût exquis.

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« Beaucoup de gens dans le monde sont dans une attitude de déni et ne comprennent pas que les poissons sont plus précieux dans la mer que dans leur assiette », déplore le « biocentriste » (lire ici l’explication de ce terme dans notre recension du dernier livre de Paul Watson) .

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Un équilibre des océans menacé

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« Les poissons sont les garants de l’équilibre écologique de nos océans. La population de phytoplancton a diminué de 40 % depuis les années cinquante. Sachant que les zooplanctons, qui dépendent des phytoplanctons, produisent 80 % de l’oxygène que nous respirons, l’homme extermine les espèces sans avoir conscience de l’impact que cela a sur l’environnement ».

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Paul Watson donne alors l’exemple des pêcheurs qui tuent les lions de mer sous prétexte qu’ils mangent trop de poissons, pensant qu’il n’en resterait plus assez pour les hommes. « Or, écologiquement, plus il y a de phoques, plus il y aura de poissons, car baleines, dauphins, phoques et autres rendent à l’océan leurs déjections, qui à leur tour servent de nutriments aux phytoplanctons qui nourrissent les poissons… C’est un équilibre qui fonctionne depuis des millions d’années », poursuit-il en racontant le témoignage d’une expédition dans le Nord Atlantique en 1534 où on ne dénombrait pas moins de 45 000 phoques et aucune pénurie de poissons….

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« Aujourd’hui, avec seulement 10 % de la population de phoques d’alors, les pêcheurs se plaignent ! Les hommes sont les plus grands prédateurs de l’océan. 40 % des poissons pêchés ne sont pas destinés à nous nourrir, mais à alimenter cochons, chiens et autres animaux domestiques… Les chats mangent plus de poissons que tous les phoques des océans réunis ! », s’indigne le marin écologiste.

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Les missions de Sea Shepherd Conservation Society

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« Plusieurs missions ont lieu en différents endroits du monde en même temps », poursuit le commandant de la SSCS : « un bateau dans les îles Féroé pour protéger les baleines, une mission en Honduras, une au Costa Rica et Floride pour les tortues, et une autre mission au large du Mexique pour les petits dauphins. Il y a aussi des campagnes dans les Îles Galápagos et au large de l’Afrique pour empêcher différents trafics. 90 % des gens qui travaillent à Sea Shepherd sont des volontaires. Nous avons une liste de 3 à 4 000 jeunes gens demandant à participer à ces campagnes ».

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Quant à l’Asie, Watson confirme une mission à Hong Kong pour protéger les requins : « Les Chinois font beaucoup de progrès pour les nouvelles techniques d’innovations et la soupe de requin est bannie des banquets officiels. Finalement, ils sont beaucoup plus ouverts que nous et ont passé des lois pour protéger certaines espèces ».

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Le réchauffement climatique

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Paul Watson énumère avec humour quelques paroles d’hommes politiques américains sur ce sujet brûlant…. Un sénateur républicain d’Oklahoma, pourtant à la tête de la Commission pour le changement climatique, a dit : « Le changement climatique n’existe pas parce que Dieu ne le permettra jamais »

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Puis celle d’un sénateur de l’Etat de Rhode Island qui va au Congrès avec une boule de neige en disant : « Le réchauffement climatique, c’est pas vrai. Je viens de trouver une boule de neige dehors ».

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Après avoir vu défiler toutes les promesses non tenues lors des précédents sommets sur le changement climatique, Paul Watson reste plutôt sceptique car chaque président en place tient à garder son capital de popularité. « Obama est le plus détesté des présidents des Etats Unis car il essaie de faire changer beaucoup de choses ».

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Quant à Hollande, a-t-il vraiment une carte à jouer à la prochaine rencontre sur le climat à Paris (COP 21) en décembre 2015 ? Le militant antispéciste canadien l’espère…

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Et « l’écolo-pirate » réfugié en France (il est toujours sous mandat d’arrestation d’Interpol) de conclure en riant : « si on veut être un président aimé de tous les bords, il ne faut rien faire comme le gouverneur de Victoria en Australie, connu comme le « Do nothing darling ». Et tout le monde l’aime ! ».

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Retrouvez des extraits de cette conférence en vidéo en cliquant ici sur le blog de Michel Cros.

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Pour découvrir comment Paul Watson est devenu « biocentrique », cliquez ici.

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* Lycée G. Duby et Collège Mignet, grâce à l’association de Parents d’élèves Apelevia.

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