Première opposition sérieuse à l’exploitation du gaz de schiste en Algérie

La contestation fait tache d’huile.

 

par M’hamed Rebah

 

Ceux qui pensaient que les gens d’In Salah, riverains du bassin d’Ahnet, où se trouve le premier forage pilote algérien de gaz de schiste, étaient « moins regardants » sur la question écologique, constatent aujourd’hui qu’ils se sont lourdement trompés. C’est dans cette ville saharienne que se déroule, depuis le 31 décembre dernier, la plus importante manifestation populaire d’opposition à l’utilisation de la fracturation hydraulique et à l’exploitation du gaz de schiste en Algérie.

 

Le contexte angoissant créé par la chute des prix du pétrole, n’a rien changé à la détermination des manifestants qui exigent la fermeture du puits. Le seul argument officiel donné jusque là par le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, se fonde sur les résultats attendus de cette aventure : 20.000 milliards de mètres-cubes de gaz récupérables à partir du bassin d’Ahnet. Pour le ministre, les réserves de gaz de schiste sont très importantes et peuvent être utiles au pays: « nous ne pouvons pas les laisser inexploitées ».

 

On apprend, incidemment, que le forage du premier puits-pilote de gaz de schiste en Algérie, a été entamé en août 2008 et que, dans le même bassin d’Ahnet, « le groupe Sonatrach a déjà entamé le forage d’un deuxième puits sur les cinq puits d’exploration prévus à cet effet ». Autre information qui n’a sans doute pas laissé indifférents les riverains de ce bassin : la phase de développement qui précède celle de la production pourrait intervenir dans trois ans. La seule condition qui remettrait en cause ce processus est d’ordre économique : la phase production ne pourrait être envisagée que si la rentabilité commerciale du gaz d’Ahnet est prouvée, a affirmé le ministre.

 

Petite assurance donnée aux riverains et aux écologistes : «  le groupe Sonatrach a prévu une gestion intégrée des rejets de forage pour une meilleure protection de l’environnement, qui permet de recycler et de réutiliser de la boue ainsi que les eaux utilisées sur chantier dans l’opération de la fracturation hydraulique qui libère le gaz de schiste de la roche qui le renferme ». Quand les députés ont commencé à s’intéresser au gaz de schiste, en décembre 2012, à l’occasion de la révision de la loi sur les hydrocarbures, le mal avait déjà commencé.

 

En octobre dernier, une chaîne de télévision algérienne privée avait révélé que l’étude d’impact du projet d’exploitation du gaz de schiste annoncé par les autorités, n’était pas encore prête. Selon la loi algérienne, aucune activité réputée polluante et dangereuse ne peut commencer si ce document n’a pas été signé par l’autorité compétente en la matière, c’est-à-dire dans ce cas précis, la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Cette obligation légale est incontournable, surtout dans ce cas.

 

Les habitants d’In Salah ont exprimé, de façon pacifique mais suffisamment spectaculaire pour alerter tout le monde, leurs inquiétudes légitimes devant les risques potentiels, sur l’environnement et la santé, des produits chimiques utilisés dans la fracturation hydraulique mise en œuvre pour l’exploitation du gaz de schiste et sur les ressources en eau. La propagande que les pro gaz de schiste diffusent sur l’exemple des Etats-Unis qui se sont lancés dans cette aventure, n’a convaincu personne. Au contraire, beaucoup d’Algériens se sont ralliés aux arguments des anti-gaz de schiste, y compris dans le sud du pays, là où cette exploitation a commencé. La preuve en est donnée par le mouvement citoyen qui fait tache d’huile autour d’In Salah, centré sur un seul mot d’ordre : « non au gaz de schiste ! ». Les propos des manifestants rapportés par les chaines de télévision algériennes privées traduisent leur esprit de responsabilité et leur niveau de conscience. Ils ont l’alternative au gaz de schiste. Pourquoi ne pas les écouter ?

 

Cet article a été publié dans le quotidien algérien Reporters.