L’Herbier du Muséum

Le Muséum National d’Histoire Naturelle a rouvert en novembre 2013 sa galerie de botanique après un chantier de rénovation digne du XXIe siècle. Que faut-il le plus admirer : la numérisation des planches d’herbiers ou l’entière réorganisation de leur archivage ?

 .

par Annick Mouraret

Huit millions de spécimens de plantes

Chantier de rénovation du Grand Herbier du Muséum National d'Histoire Naturelle - Séance de tri et de sélection d’herbiers anciens  © Carlos Muñoz Yagüe / Look at Sciences
Chantier de rénovation du Grand Herbier du Muséum National d’Histoire Naturelle – Séance de tri et de sélection d’herbiers anciens © Carlos Muñoz Yagüe / Look at Sciences

L’Herbier national conservé au Jardin des Plantes s’est constamment enrichi depuis plus de 400 ans. Il est estimé actuellement à 8 millions de spécimens appartenant à tous les groupes végétaux de par le monde. Presque toutes les espèces y sont représentées : c’est la collection la plus prestigieuse de plantes sèches, l’herbier le plus remarquable par son volume, sa valeur scientifique et historique.

On estime que 200 espèces nouvelles sont découvertes chaque année dans le monde, avec des échanges de « doubles » et à 10.000 les spécimens à introduire dans l’Herbier. Quand un botaniste décrit une espèce considérée comme nouvelle, il désigne un spécimen de référence appelé « type » : l’Herbier national en contient 500.000 : c’est l’une des collections les plus sollicitées mondialement.
.

Une rénovation titanesque

D’abord, il y avait l’Herbier du Roi, en 1635 ; il devient une collection en 1650 et Lamarck en établit un plan général en 1793 à la création du Muséum en rassemblant les collections rapportées d’expéditions. Grâce à la Fondation Rockefeller, un bâtiment est construit en 1836 le long de la rue Buffon, dédié à la Minéralogie et à la Botanique: faute de place, on dut plus tard refuser des dons …
.

Il fut agrandi en 1935, mais à nouveau ses allées s’encombrèrent tant qu’environ un million de planches ne furent jamais intégrées. Classée Monument Historique, sa façade et son volume n’ont pas changé (10.365 m²), mais comment imaginer tout ce qu’il a fallu coordonner pendant les 4 années de travaux ?

.

Les scientifiques du Muséum ont d’abord introduit le million de spécimens jamais traités (vérifications, attachage, étiquetage …), puis ont reconditionné les planches de la totalité de l’Herbier, reclassées non plus par collections et pays, mais par grandes familles, avec le nom scientifique puis la provenance. A noter, des changements de noms des plantes (synonymie).
.

Seuls les grands herbiers historiques sont restés regroupés, témoins des connaissances d’une époque et d’expéditions célèbres, tels ceux de Tournefort, Bougainville, Humboldt et Bonpland, Jussieu, Lamarck…
.

Quel chamboulement ! Les 48.000 casiers des armoires métalliques de 3 m 30 de haut furent démolis et remplacés par des rayonnages mobiles contenant 155.000 casiers ouverts, plus petits. Cela double la capacité, en vue aussi des 30 années à venir… Chaque famille a son secteur, avec des dossiers à la couleur des pays d’origine. En résumé,  sur 4 étages se répartissent 14 salles de collections avec chacune plus de 10.000 casiers hauts de 15 cm et le traitement de l’air est contrôlé (20 ° C, 50 % d’humidité)

.

Herbier virtuel et herbonautes

5,8 millions de planches sont numérisées, avec des code-barres afin de bien les identifier, de les suivre dans leurs déplacements, de garder la traçabilité des études… Les numérisations ont été réalisées hors du Muséum sur des chaînes automatisées (12.000 par jour), chargées directement dans la base de données de l’Herbier. Elle se poursuit désormais sous les hauts plafonds de la Galerie de Botanique.

.

La mise en ligne d’un Herbier virtuel de cette importance est une première mondiale : elle devrait participer à la conservation des spécimens en réduisant leur consultation… mais celle-ci n’a pas faibli, la révélation de ces richesses insoupçonnées n’inciterait-elle pas à plus de curiosité encore ?

.

Le premier site de sciences participatives consacré aux collections d’herbiers a ouvert en janvier 2013 : lesherbonautes.mnhn.fr Il invite les amateurs à déchiffrer des étiquettes de spécimens, à partager le résultat de leur étude. Les informations sont croisées et recoupées avant d’être validées. Il s’agit d’enrichir la base de données Sonnerat (réseau des herbiers de France) et d’alimenter celles de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (http://inpn.mnhn.fr).

.

Le public et la galerie de Botanique

Seuls les chercheurs peuvent consulter dans les étages les trésors de cette immense collection de plantes, ainsi que son importante bibliothèque. Un espace est ouvert au public, au rez-de-chaussée, pour présenter ce qu’est la botanique et sa Galerie, ou plutôt ce qu’elle contient et ce qui s’y passe. On y retrouve plusieurs évocations d’un passé prestigieux, de grandes figures qui ont fait évoluer la science botanique, et des vidéos. A regarder avec curiosité les collections de moulages en cire de végétaux (Robillard d’Argentelle) et de champignons (Pinson) ainsi que des planches de champignons (Bulliard). Pour ne pas être frustrés de ne pas voir les 8 millions de planches, il est très agréable d’en retrouver de magnifiques dans le livre L’Herbier du Muséum.

.

L’Herbier du Muséum, l’aventure d’une collection

Couv Herbier
Des reproductions superbes, les couleurs sont étonnantes de fraicheur malgré des siècles, tels l’herbier Jehan Girault, le plus ancien (1558), avec ses plantes cousues, l’ortie de Vaillant (300 ans) qui est toujours verte et ciselée, le palmier de Macao (1750), une belle Anemona pulsatilla récoltée sous les pins en forêt de Fontainebleau (4/1894). Beaucoup de merveilles, du grand art pourrait-on dire, du rêve aussi. L’ouvrage contient bien sûr l’histoire de l’Herbier, 9 portraits de grands botanistes, la chronologie des collections historiques, un chapitre important sur l’Herbier au présent, les procédés actuels de récoltes qui évoluent avec d’autres soucis d’analyses, de génétique, les collections contemporaines et le chantier de rénovation. Oui, un très beau livre.

Art Lys/MNHN – 160 pages, format 21,5 x 31 cm

.

A quoi sert l’Herbier ?

Les herbiers sont les témoins de la constitution de la science botanique, ils sont les archives des flores et de la biodiversité. La gestion de la totalité des collections a entraîné les botanistes sur différentes pistes de réflexion sur les méthodes et les conditions de travail.

.

Le Muséum est en relation avec 200 institutions botaniques des cinq continents. Constamment visité, l’Herbier est un pôle d’échanges mondiaux, suivis de publications et de remises à jour.

.

Rempli d’objets morts, l’Herbier est bien vivant, en perpétuelle évolution et source d’information pour d’autres disciplines. Les scientifiques peuvent aussi faire raconter aux plantes l’histoire des migrations géographiques de leurs ancêtres au cours de milliers d’années.
.

La bibliothèque numérisée

● 45.000 monographies

● 2.000 titres de périodiques

● 60.000 tirés à part

● Manuscrits de chercheurs, dessins, estampes…

.
Le contenu de l’Herbier

90 % de planches, enveloppes contenant des champignons, flacons à sec ou en alcool (analyses particulières), carpothèque (fruits volumineux), xylothèque (bois), banque de données de graines, feuilles conservées en gel de silice à des fins d’analyses génétiques/ADN

.

Cet article a été publié dans la revue Paris-Chamonix du CAF (Club alpin français) d’Ile-de-France.

.