Mi figue-mi raisin : le message prudent de Nicolas Hulot en Algérie

C’était prévisible : la salle de conférences de l’Institut français d’Alger (IFA) n’a pu accueillir, mercredi soir 19 février 2014, tout le petit monde d’écologistes venus suivre la conférence de Nicolas Hulot.

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Par M’hamed Rebah
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Une bonne partie d’entre eux – des jeunes surtout – se sont contentés de la retransmission sur un écran, dans le hall attenant à la salle et aménagé pour la circonstance, assis sur des chaises ou carrément à même le sol. Si le but de Nicolas Hulot était d’alerter sur la crise écologique mondiale et d’évoquer les moyens d’en sortir, il a été atteint. Mais ceux qui l’écoutaient attendaient plus, notamment sur la question de l’exploitation du gaz de schiste.

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S’en tenant au principe de la non-ingérence, il a tenté d’expliquer, certainement sans convaincre son auditoire, que chaque pays avait sa propre transition énergétique, les données liées à la géographie physique et à l’occupation du territoire étant avancées comme contrepoids aux risques écologiques, avec comme facteur déterminant les besoins en énergie pour le développement économique.

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Pour Nicolas Hulot, en Algérie, les espaces d’où sera extrait le gaz de schiste sont des déserts, inoccupés par des populations. Sous-entendu : l’impact local n’est pas lourd. En France, c’est différent, d’où le moratoire sur l’utilisation de la technique de la fracturation hydraulique. A ce propos, il a laissé percer une petite illusion sur l’éventualité de trouver un meilleur moyen que la fracturation hydraulique. Mais quand il se rappelle les fuites de méthane qui contribuent à l’effet de serre, Nicolas Hulot se remet à son message d’alerte sur le climat.

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Son souci d’exposer objectivement les données du problème du climat, avec les critères de compétitivité de l’économie d’un côté et le fameux seuil des 2° C à ne pas dépasser, de l’autre, a paru trahir une sorte d’indulgence là où son public de mercredi soir cherchait l’intransigeance. L’envoyé spécial du président français François Hollande pour la préservation de la planète a rappelé que les conférences des Nations unies sur le climat sont allées d’échec en échec depuis qu’elles ont commencé. Qu’est-ce qui, d’ici l’an prochain, aura changé pour que la série s’arrête à Paris à l’occasion de la COP 21 ?
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Rien dans l’exposé de Nicolas Hulot ne pousse à l’optimisme. La Conférence de Paris doit opérer un véritable tournant, sur la base de la plate-forme de Durban, en scellant un accord qui entrera en vigueur à partir de 2020 pour remplacer le protocole de Kyoto et qui pourrait être juridiquement contraignant pour tous les pays, y compris, bien entendu, l’Algérie. Or, on sait également que le contexte actuel renforce les priorités nationales données au développement économique dont les objectifs sont le plus souvent contradictoires avec les exigences de préservation des équilibres naturels de la planète.
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Nicolas Hulot a semblé ignorer la position de l’Afrique qui est connue : c’est aux pays développés à prendre d’ambitieux engagements dans la lutte contre les changements climatiques, si on veut réunir les conditions pour éviter d’autres répercussions néfastes des changements climatiques et réaliser l’objectif de limiter la hausse de température au niveau mondial à moins de 1,5° C. L’Algérie, qui s’en tient au « principe de la responsabilité commune mais différenciée », est naturellement solidaire de l’Afrique dont elle fait partie. C’est sur ces aspects que l’exposé de Nicolas Hulot a paru trop centré sur le point de vue des pays développés.

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Côté décor, durant son séjour à Alger, le soleil n’a pas été avare en apparitions et la température a été plutôt clémente, comme si la météo voulait remercier Nicolas Hulot pour toute sa sollicitude à l’endroit du climat. L’accueil des Algériens également a été chaleureux. Son message plein d’inquiétudes pour l’avenir de la planète et en même temps porteur de l’idée qu’il est possible d’éviter le mur qui se profile au loin, à condition de le vouloir et d’y travailler, a été entendu et compris.

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Côté protocole : Nicolas Hulot a été reçu par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal et a eu des entretiens avec le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi, ainsi qu’avec la ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, Dalila Boudjemaâ. Il devait être présent le samedi 22 février à Oran pour l’ouverture de la conférence africaine sur l’économie verte.

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Cet article est paru dans Reporters (quotidien algérien).
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