Rio 2012 : tous les héros sont fatigués…

 


par Claude-Marie Vadrot

Les diplomates, les délégués, les spécialistes plus ou moins autoproclamés qui ratiocinent depuis des lustres en persécutant des journalistes, les grandes associations qui se fâchent tout rouge avant de se recoucher prudemment pour négocier ce qui n’est plus négociable, les groupes protestataires ou marginaux qui n’ont plus guère d’idées neuves, ont montré à Rio que tout le système qui veut ou prétend vouloir sauver la planète est à bout de souffle.

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Entre les délégués qui traînaient leurs valises dans l’officiel Centre de conférence sinistre comme une morgue, et les contestataires qui trimbalaient leurs sacs à dos au Sommet des Peuples de stands en stands, la différence résidait essentiellement dans l’accoutrement.

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Costards sombres d’un côté, jeans délavés de l’autre et entre les deux les hiérarques associatifs tentant une impossible synthèse, aux prises avec la tentation du mimétisme. Les deux trois mondes ne se sont guère rencontrés, séparés de toute façon par une trentaine de kilomètres. Dans les sommets environnementaux, on ne mélange plus les torchons et les serviettes.

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En dehors d’un passionnant débat sur la déforestation entre convaincus, le Sommet des Peuples a surtout brillé par les « artisans » vendant leurs colifichets folkloriques ou des T-shirts fabriqués en Chine. Des Indiens plus ou moins emplumés venus faire de la com et que l’on retrouvait aux portes de la Conférence, fournissant enfin des images aux photographes fatigués des portraits de délégués endimanchés.

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La déclaration officielle a été bouclée avant que ne commence la conférence, les délégués ne parlant plus que pour leurs opinions publiques. Le texte du Sommet des Peuples n’a été publié qu’au dernier moment sans que l’on sache qui l’a signé et après avoir été édulcoré à la demande des associations brésiliennes. Quant aux déclarations indignées des grandes associations, elles ont duré ce que durent les roses, l’espace d’un matin…

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De ce grand raout de Rio, il ne reste donc pas grand chose et la moindre des résolutions adoptées à Stockholm en 1972, à Rio en 1992, voire à Johannesburg, aurait fait frémir d’horreur par sa radicalité les diplomates venus enterrer le sauvetage de la planète en grande pompe mais avec des mots creux. Même l’économie verte a (heureusement) sombré dans les océans dont les Etats se préoccuperont une autre fois. Ne flottent plus que des mots et des bonnes intentions pavant l’enfer onusien. Puisque, de toutes façons, il n’a été présenté aucun bilan, aucun rapport sur les décisions (c’était le temps où il y en avait…) prises à Rio il y a 20 ans.

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Toutes les réunions ont été trempées, délavées, dans le nouvel Esperanto puisé dans les mille et une manières d’accommoder le « développement durable ». C’est-à-dire le développement « qui dure ». Avec ses odeurs de pétrole, de sable bitumineux, de gaz de schiste, de gros profits et nouveaux gadgets économiques et politiques repeints en vert très pâle par les lobbies industriels.

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Alors, dira le lecteur, pourquoi vous êtes-vous déplacés, pourquoi avoir contribué à dépenser quelques tonnes de gaz carbonique de plus ?

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Peut-être parce que lorsqu’il est question de sauver la biodiversité, de mette le holà au réchauffement climatique, de sauver les peuples indigènes, de préserver l’agriculture paysanne, de développer les énergies renouvelables, de réduire les pollutions, on croit toujours qu’un miracle est possible. Il ne s’est pas produit. Le célèbre Christ du Corcovado qui domine la baie polluée de Rio a manifestement tourné le dos à la conférence…

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.Cet éditorial, comme tous ceux de ce site, n’engage que son auteur.

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