Algérie: création d’un Prix de la ville verte

Bonne nouvelle : un prix de la ville verte vient d’être lancé en Algérie. Le classement se fera à partir de critères directement en rapport avec les caractéristiques des espaces verts.
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par M’hamed Rebah

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Ce sera sans doute l’occasion de découvrir dans quel environnement se trouvent ces espaces et s’ils sont en mesure de compenser les nuisances multiples qui aggravent le malaise urbain largement ressenti. Le cadre de vie dans les agglomérations, grandes ou petites, est incontestablement dégradé, malgré les efforts et les budgets qui lui sont consacrés. Saleté répugnante, pollution de l’air insoupçonnée et bruit assourdissant, c’est cela le milieu ambiant dans les villes algériennes et plus particulièrement dans la capitale.

Le bruit, interdit par la loi, ne fait l’objet d’aucune limitation, à croire qu’il est toléré, avec même l’impression qu’il est parfois encouragé. Beaucoup de gens restent effarés devant le spectacle de ces motos qui pétaradent et des voitures qui les imitent, circulant en ville sans que leurs conducteurs soient inquiétés comme s’ils étaient au-dessus de la loi alors que ce comportement peut être assimilé à un trouble de l’ordre public; idem pour les klaxons abusifs, les sirènes, les coups de sifflet, les postes-radio des véhicules mis à plein volume, les cortèges de mariage avec orchestres ambulants, et (cerise sur le gâteau) le duo karkabou-bendir au moment de la sieste…. Résultat : un cocktail infernal de décibels jetés aux oreilles des riverains, habitants ou employés, et des passants, tous, exaspérés mais ne pouvant rien faire. Il n’est pas rare de constater que des travaux bruyants sur la voie publique et au milieu d’habitations, commencent très tard le soir, à l’heure où la loi impose, au contraire, de les arrêter, et se poursuivent la nuit à des moments où ils sont totalement proscrits dans d’autres pays.

Il n’y a pas de vide juridique concernant le bruit : la loi sur l’environnement (19 juillet 2003) et le Code de la route (février 2017) contiennent des dispositions pour lutter contre le bruit provoqué par les activités diverses ; le décret sanctionnant les fauteurs de bruit, signé en 1993 par Belaid Abdesselam durant son court passage en tant que chef du gouvernement, est toujours en vigueur. Et, surtout, la nouvelle Constitution algérienne est censée garantir le droit à un environnement sain pour tous, ce qui inclut un minimum de confort sonore incompatible avec les nuisances provoquées par les hauts parleurs posés sur la voie publique ou transportés sur des véhicules.

Mais ces bonnes dispositions écologiques sont de toute évidence superbement ignorées par tous dans une ambiance générale d’incivisme qui se traduit également par la saleté, les déchets négligemment jetés ça et là, et les poubelles débordantes avec leurs odeurs nauséabondes. Cette situation déplorable pourrait trouver sa solution si la démocratie participative, évoquée dans la même Constitution, était mise en œuvre. Les élus, à eux seuls, ne peuvent pas (du moins pour les rares qui en ont la volonté) agir efficacement pour protéger l’environnement dans leurs communes, dans l’intérêt des habitants. En outre, il y a, chez nombre de gestionnaires locaux, une réticence à associer la population aux décisions qui, pourtant, la concernent. Ce que l’on appelle la « société civile » dans le discours officiel, devra encore attendre de meilleures conditions pour pouvoir placer son mot. Dans toutes les agglomérations algériennes, une des principales aspirations de la population concerne le cadre de vie, « retrouver le calme et la tranquillité d’antan dans un environnement agréable et paisible », comme le rapporte un confrère en parlant de Guelma, ville de l’est du pays. Un autre confrère décrit en termes pas du tout flatteurs la situation dans sa localité : « La saleté est maîtresse des lieux. Des dépotoirs sauvages se sont formés ça et là, empoisonnant l’air d’odeurs nauséabondes ».

Le prix de la ville verte sera-t-il suivi d’un prix de la ville propre, de la ville moins bruyante, de la ville calme et tranquille ? Le prix de la ville verte réussira-t-il à s’installer dans la durée ? En été 1996, pour la première fois en Algérie, la Direction générale de l’Environnement (DGE) avait lancé une opération « Drapeau bleu » (une couleur en référence à la mer) destinée à récompenser les plages les plus propres, sur la base d’une liste de critères qui, curieusement, ne comprenaient pas le paramètre bactériologique « pour ne pas pénaliser les wilayas qui ne disposent pas de stations d’épuration », avaient alors, sans convaincre personne, tenté d’expliquer les promoteurs de cette action écologique. Mais cette bonne initiative a immédiatement disparu au premier changement de personnel dans les institutions. L’opération « Drapeau bleu » n’a vécu que deux étés (1996 et 1998).
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Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du jeudi 3 mai 2018.

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