Les informations sur les saisies d’espèces animales protégées chassées illégalement en Algérie sont devenues récurrentes dans les médias locaux, ce qui laisse penser que le braconnage a tendance à prendre de l’ampleur, avec même les allures d’un crime organisé.
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par M’hamed Rebah
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Certaines saisies effectuées soit lors de contrôles routiniers soit dans des opérations de surveillance montées à partir de dénonciations, mettent au jour des filières de contrebande vers des pays voisins où sont acheminées les têtes et les carcasses d’animaux (l’hyène rayée et le chacal, plus spécialement) destinées à des usages qui s’apparentent à la sorcellerie. Des médias ont évoqué également le cas des braconniers venus de la région du Golfe (deux Emiratis, deux Saoudiens et deux Koweitiens), arrêtés entre 2012 et 2016, dans le sud algérien, et rapatriés vers leurs pays d’origine après avoir été condamnés à des amendes.
Face à cette situation préoccupante, les mesures réglementaires se rapportant au braconnage paraissent totalement obsolètes. Le dernier rapport national sur la biodiversité en Algérie (2014) avait recommandé de les amender. Quatre ans après, en janvier 2018, un atelier consacré à la sensibilisation sur « le braconnage et le commerce illicite de la faune », ayant pour but de vulgariser le cadre juridique de la protection de la faune sauvage en Algérie, et les aspects liés à la lutte contre le braconnage et le commerce illicite des animaux sauvages, a amené les participants à constater que la loi sur la chasse qui date de 2004 n’avait pas encore son texte réglementaire, prévu par l’article 84, destiné à fixer « les modalités de contrôle, de surveillance et de lutte contre le braconnage ».
L’article 35 de cette loi fait obligation aux associations de chasseurs, constituées localement, de « contribuer et veiller à la lutte contre le braconnage » et l’article 42 stipule que « les fédérations de chasseurs de wilaya veillent et contribuent à la préservation et au développement du patrimoine cynégétique par la prévention du braconnage ». Mais, sans le texte réglementaire annoncé par l’article 84, ces dispositions restent sans effet. Or, les experts qui ont rédigé le 5e rapport national sur la biodiversité, ont averti que la préservation de la faune algérienne passe par la lutte contre le braconnage considéré comme l’une des causes essentielles dans la diminution, voire l’extinction de certaines espèces. Ils ont noté que le braconnage, « quasi organisé » pour une espèce comme l’outarde, profite de l’insuffisance dans l’application du dispositif réglementaire. Ils citent « à titre d’exemple, certains mammifères, comme les antilopes (l’oryx, l’addax…) qui sont de disparition récente, suite à un braconnage aux effets dévastateurs » et « le chardonneret encore très présent il y a moins de deux décennies, qui est aujourd’hui en état de quasi disparition suite à un braconnage de très grande ampleur ».
Dans le cas du chardonneret, les experts font observer que « le commerce lucratif de ce volatile est toujours florissant bien que cet animal est officiellement une espèce protégée ». Ils classent le chardonneret en tête de liste pour le nombre de saisies effectuées par les services forestiers, suivi du fennec et, beaucoup moins connu du public, l’écureuil de barbarie qui fait partie, depuis mai 2012, de la liste, fixée par décret, des espèces animales non domestiques protégées (avec cinq autres rongeurs : le Lérot à queue noire, le Porc-épic, le Goundi de l’Atlas, le Goundi du Sahara et le Goundi du M’zab) venant s’ajouter aux espèces mentionnées dans l’ordonnance du 15 juillet 2006 relative à la protection et à la préservation de certaines espèces animales menacées de disparition.
L’article 9 de cette ordonnance punit les braconniers d’un emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de 200 000 dinars (environ 1415 euros) à 500.000 dinars (environ 3500 euros), avec confiscation des produits de la chasse ainsi que des armes, munitions, véhicules et tous moyens ayant été utilisés pour la chasse ou la capture de ces animaux. En cas de récidive, la peine est portée au double. L’ordonnance du 15 juillet 2006 a alourdi les peines prévues par la loi sur la chasse de 2004 (art. 92 : emprisonnement de 2 à 6 mois et amende de 10.000 à 100.000 dinars, soit environ 70 à 700 euros). Des cadres de l’Administration des forêts suivent une formation d’officiers de police judiciaire pour donner plus d’efficacité à la lutte contre le braconnage. Mais cela ne décourage pas les braconniers. Fait nouveau : un confrère a rapporté que les braconniers visent maintenant les oiseaux migrateurs, particulièrement les flamants roses dans les zones humides, notamment dans l’ouest du pays, et volent les œufs pour les revendre à des pâtissiers indélicats qui les utilisent dans la préparation de gâteaux vendus ensuite dans les circuits du commerce informel.
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Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du dimanche 18 février 2018.
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