Plan d’action du gouvernement algérien : l’écologie en fragments

Evacué par la fenêtre, le gaz de schiste revient par la porte, porté par le vent de la crise économique et financière qui frappe l’Algérie.

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par M’hamed Rebah

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Dans le plan d’action du gouvernement algérien adopté par l’Assemblée populaire nationale (APN), jeudi 21 septembre 2017, l’écologie est «éparpillée» en plusieurs fragments: la préservation de l’environnement, le développement des énergies nouvelles et renouvelables, les ressources en eau, les forêts, le cadre de vie en milieu urbain. Chaque «fragment» est traité à part. On trouve quelques lignes sur la préservation de l’environnement, pour rappeler que « des progrès substantiels ont été accomplis » et qu’il faut poursuivre cet effort. La part est plus grande pour « les énergies renouvelables et les énergies nouvelles »; le gouvernement entend « poursuivre leur promotion sur la base de programmes publics destinés à inciter les opérateurs privés à investir dans ce créneau ».

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Le gaz de schiste est curieusement collé aux énergies renouvelables et nouvelles dans le cadre de la transition énergétique qui est citée parmi les objectifs du « nouveau modèle économique de croissance ». La transition énergétique, selon le plan d’action du gouvernement, consiste en « la sécurisation et la diversification des ressources énergétiques, grâce notamment, à la promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables » et aussi à « la promotion des énergies fossiles non conventionnelles ».

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Toutefois, prudence, le gouvernement n’envisage pas l’exploitation du gaz de schiste, mais sa prospection « qui nécessitera plusieurs années de recherche et d’évaluation et qui sera menée dans le strict respect de l’environnement et de la santé de la population ». Dans le même esprit, il y aura un « effort particulier d’explications et de vulgarisation en direction de l’opinion publique ». Cette démarche prudente est certainement dictée par les leçons tirées des premiers forages, en février 2015, à In Salah, dans le sud du pays, qui avaient provoqué une violente réaction de la population locale. Les opposants au gaz de schiste avaient gagné la bataille de la communication dans l’opinion publique grâce à leurs solides arguments écologiques portés par les réseaux sociaux.

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Si le gaz de schiste revient dans le plan d’action du gouvernement, c’est parce que la crise financière que traverse l’Algérie constitue un contexte défavorable à la prise en charge des problèmes écologiques. L’environnement n’est pas cité parmi les axes principaux du plan d’action du gouvernement et les « changements climatiques au niveau mondial » sont évoqués en rapport avec « la sécurité de la population et de l’agriculture en disponibilité d’eau à moyen et long termes », ainsi que les contraintes accrues en matière hydrique liées au fait que l’Algérie est située en zone semi-aride et du fait également de l’augmentation de la population, « déjà projetée à 50 millions d’habitants à l’horizon 2030 ».

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Le plan d’action du gouvernement n’a pas traduit de façon significative la nouvelle disposition de la Constitution qui reconnaît aux Algériens le droit à un environnement sain. Pourtant la Constitution est, avec d’autres documents officiels, un des référents du plan d’action. Dans le Préambule de la Constitution, le modèle économique et social est décrit comme « une économie productive et compétitive dans le cadre d’un développement durable et de la préservation de l’environnement » et son article 17 bis est une transcription du concept de développement durable : « l’Etat garantit l’usage rationnel des ressources naturelles ainsi que leur préservation au profit des générations futures. L’Etat protège les terres agricoles. L’Etat protège également le domaine public hydraulique ». L’accent mis sur l’amélioration du « climat des affaires », pour encourager les investissements porteurs de croissance économique alors que les questions écologiques sont plutôt sous-estimées, peut mener à des écarts par rapport aux exigences du développement durable. Il y a également le risque de revenir à la «situation environnementale alarmante» décrite dans le programme du gouvernement adopté en…janvier 2000, qui avait consacré un long chapitre à « la préservation de l’environnement » avec une série d’objectifs dont la plupart sont, 17 ans après, toujours d’actualité.

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Cet article a été publié dans La Nouvelle république (Algérie) du 28 septembre  2017

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