La Commission européenne menace la Convention d’Aarhus sur l’accès à la justice en matière d’environnement

La Commission européenne veut faire passer en force le 11 juillet  une décision rejetant la recommandation du comité d’examen du respect de la convention relatif à l’accès à la justice en matière d’environnement; si cette décision était prise et acceptée par la France, cela serait un recul du droit de l’environnement et un précédent fâcheux. Un spécialiste du droit de l’environnement, membre des JNE, tire la sonnette d’alarme.

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par Michel Prieur

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L’Union européenne, comme ses Etats membres, ayant ratifié la Convention d’Aarhus de 1998, celle-ci s’impose à toutes les institutions européennes à la fois au Conseil des Ministres, à la Commission, au Parlement européen et à la Cour de justice de l’Union européenne. Cette convention organise en matière d’environnement, le droit à l’information, à la participation aux décisions et l’accès à la justice.
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Depuis 2002 le Comité d’examen du respect de la convention (ou compliance committee) mis en place par les Parties y compris l’Union européenne, peut recevoir des réclamations des Etats et des ONG pour examiner, de façon non conflictuelle, non judiciaire et consultative, si la Convention est correctement appliquée par tous. Le Comité d’examen n’ayant pas de pouvoir de décision ne fait qu’une recommandation adressée à la réunion des Parties, laquelle a toujours été entérinée par les Etats. Autrement dit, dans les 85 dossiers pour lesquels le Comité a constaté une mauvaise ou une bonne application de la Convention, les Parties mises en cause ont toujours accepté ce constat qui n’est ni une sanction ni une condamnation.

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Suite à des réclamations d’ONG considérant en 2008 que l’accès à la Cour de justice de l’Union européenne leur était interdit en violation de la Convention qui garantit l’accès à la justice pour les ONG d’environnement, le Comité d’examen du respect de la Convention, après une très longue instruction contradictoire, a formulé ses conclusions et recommandations le 14 avril 2011, puis le 17 mars 2017. Le Comité ayant constaté que l’Union européenne ne permettait pas l’accès à la justice des ONG a demandé à la prochaine réunion des Parties au Monténégro du 11 au 14 septembre 2017 d’entériner ce constat.

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Pour la première fois, une Partie à la Convention d’Aarhus conteste les conclusions et recommandations du Comité. En effet la Commission européenne a adopté un projet de résolution le 29 juin 2017 rejetant les conclusions du Comité. Ce projet doit être examiné au COREPER (Comité des représentants permanents de l’Union européenne qui prépare les décisions du conseil des Ministres européens) du 11 juillet 2017. Puis le Conseil des Ministres européens de l’agriculture et de la pêche du 17 juillet devra approuver cette décision sans vote ni discussion, la Commission faisant inscrire ce point dans la partie A du Conseil. Ainsi un tel mépris du droit d’accès à la justice serait pris sans l’accord des ministres de la justice et de l’environnement !

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L’Union européenne est liée par la Convention d’Aarhus comme le sont les Etats membres. En se considérant comme au-dessus de l’état de droit elle tente un coup de force qui, s’il aboutissait, porterait une grave atteinte aux acquis de la Convention d’Aarhus. Cela remettrait en cause la légitimité et le rôle du Comité comme conseil et médiateur. Ce serait de plus une véritable régression du droit de l’environnement en tolérant que l’Union européenne refuse de respecter un traité international sur l’environnement. Enfin cela ouvrirait la porte à tous ceux qui, en Europe et en Asie centrale, refusant de prendre l’environnement au sérieux, pourront invoquer le précédent du refus de l’Union européenne de prendre en considération les recommandations du Comité d’Aarhus.

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La France, qui s’est engagée dans sa Constitution à l’article 10 de la Charte de l’environnement à ce que celle-ci « inspire l’action européenne et internationale de la France », se doit de prendre clairement position afin de faire obstacle à l’obstruction au droit d’accès à la justice en matière d’environnement qui résulterait de la position adoptée par l’Union européenne et serait une honte pour l’Europe tout entière.

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    • Professeur émérite, agrégé de droit, Président du Centre international de droit comparé de l’environnement

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Une alerte également lancée par le Bureau européen de l’environnement

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