Nouveau modèle de croissance en Algérie : y a-t-il une place pour l’écologie et le développement durable ?

La prise en compte de la protection de l’environnement est-elle comptée parmi les obstacles à l’investissement, dénoncés, lundi 6 mars à Annaba (Algérie), par les participants à la 20e Tripartite (gouvernement-syndicats-patronat) qui ont appelé à lever les freins à la croissance économique ?

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par M’hamed Rebah

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En s’attaquant à la « bureaucratie », ont-ils en vue également les administrations chargées de délivrer les autorisations relatives à la protection de l’environnement, qui prennent parfois du temps ? Certains opérateurs économiques ont plaidé pour ignorer cette « bureaucratie » et surmonter son « obstacle », en l’absence de réaction de l’administration à leur dossier d’investissement, dans le délai fixé par la loi.

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Ce n’est certainement pas sans raison que le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal ,a conclu son intervention d’ouverture de la Tripartite, par l’insistance sur « le strict respect des lois et règlements ». Autrement dit : lever les obstacles aux investissements pour favoriser la croissance économique, mais en restant dans le cadre juridique en vigueur qui inclut également le dispositif de lois et règlements traitant de la protection de l’environnement et du développement durable.

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Pour rappel, le Préambule de la Constitution révisée énonce que le modèle économique et social que se donne le peuple algérien consiste, notamment, en une « économie productive et compétitive dans le cadre d’un développement durable et de la préservation de l’environnement ». Son article 54 ter stipule que « le citoyen a droit à un environnement sain ». Enfin, la Constitution comprend une disposition selon laquelle « l’Etat encourage la démocratie participative ».

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Sur ce dernier point, il est facile de constater que les associations écologiques n’ont pas participé au débat qui a précédé le choix du « modèle de croissance » érigé en boussole de la politique économique algérienne. Aucun écologiste n’a fait partie de l’équipe d’experts qui a travaillé sur ce modèle. En fait, les associations écologiques n’ont aucune influence sur les choix économiques en Algérie. Leurs membres passent leur temps à guetter les financements proposés par les institutions internationales et par les pays partenaires de l’Algérie, puis à attendre le virement des sommes promises, en euros ou en dollars. Après, toute leur énergie et toutes leurs capacités sont mobilisées dans la réalisation de projets divers avec ces financements extérieurs qui permettent, grâce à la « plus value » dégagée par le change des euros ou des dollars en dinars dans le marché informel (en dehors du circuit légal des banques), de faire face aux dépenses de fonctionnement qui entrent dans le cadre de leurs activités.

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Les « acquis » obtenus en Algérie par l’écologie dans son conflit avec l’économie, sont dus à des actions citoyennes qui ont fortement mobilisé les populations locales comme ce fut le cas pour arrêter le projet d’exploitation du gaz de schiste à In Salah (au sud du pays), ou pour annuler un projet de cimenterie à Batna (prévu dans une commune à vocation agricole), ou pour remettre en cause les projets de CET (centres d’enfouissement technique des déchets) à Reghaïa (périphérie d’Alger) et à Constantine, pour ne citer que les cas qui ont été médiatisés.

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La seule grande action menée par des écologistes sous les formes d’une pétition et de démarches vers les autorités, pour empêcher le passage de l’autoroute Est-Ouest par le complexe de zones humides d’El Kala (à l’extrême-est, au nord du pays), n’a donné aucun résultat. Tout récemment, ce sont des économistes spécialisés dans l’agriculture, et non des écologistes, qui ont critiqué les mégaprojets agricoles lancés dans le sud. Les risques écologiques de tels projets semblent sous-estimés, voire méconnus, chez nous. En fait, la question de l’agriculture saharienne n’ayant pas fait l’objet d’un débat public, les écologistes algériens ne pouvaient faire connaître leur avis sur ces projets, ni d’ailleurs sur de nombreux autres où le rapport économie-écologie se pose en termes conflictuels.

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Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Algérie) le 13 mars 2017.

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