Ménigoute 2016

Comme chaque année, un détour par Ménigoute (Deux-Sèvres) pendant les vacances scolaires de la Toussaint, apporte son lot de bonnes surprises naturalistes. Le 32e Festival international du film ornithologique (FIFO), à cet égard, nous a gâtés.

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par Roger Cans

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affiche-fifo2016-webOutre un soleil automnal insolent, propice aux sorties de terrain, le programme comportait cette année la projection de 35 films (plaignons les membres du jury !), avec des séances le matin (nouveau), l’après-midi et en soirée. Pas d’invité de marque cette année, mais une abondance de stands, expositions, projections et conférences, où chacun a pu trouver son miel, dans cette atmosphère de franche convivialité propre à ce festival.

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Sans tenir compte du palmarès final, je retiendrai ici les séquences qui m’ont le plus accroché parmi la vingtaine de films que j’ai pu voir. Ainsi le film néerlandais Kestrel (faucon crécerelle) qui met en scène une histoire simple avec de superbes images. Une femelle crécerelle est capturée sur l’aéroport d’Amsterdam Schipol, où les rapaces envahissent les pistes à la recherche des campagnols, qui pullulent comme chez nous les lapins à Roissy. L’oiseau est transporté dans une ferme isolée, dotée d’une grange de briques déjà occupée par une chouette effraie. Mais si le faucon et la chouette sont concurrents pour le menu (les campagnols), ils ne chassent pas en même temps. Comme les hirondelles et les chauves-souris alternent pour la chasse aux moustiques. Un couple de faucons crécerelles se forme donc et pond quatre œufs, qui deviennent vite des oisillons exigeants. Il faut donc multiplier les sorties pour rapporter mulots et campagnols.

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Survient une période d’intempéries, qui rend le nourrissage problématique : les rongeurs ne sortent plus de leurs terriers. Même les nids d’hirondelles de fenêtre, pourtant bien à l’abri des rebords du toit, sont partiellement détruits par les rafales de pluie. Les faucons se rabattent sur les vers de terre… et les hirondelles, maigre pitance. Heureusement, le beau temps revient et les quatre petits faucons vont survivre et prendre finalement leur envol, non sans hésitations. Des moments de grâce avec une faune pourtant très commune, mais filmée avec art et talent.

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Un film suisse intitulé Instants sauvages passe de la grâce ailée à la violence du rut des chamois, qui se traduit par une folle poursuite dans la neige et les rocs de deux boucs concurrents, durant quatre minutes. On découvre ensuite le brame du cerf à plus de 2.000 m d’altitude, qui confirme que ces ongulés à grande ramure ne sont pas à l’origine des animaux forestiers, mais plutôt des herbivores de landes et savanes, bien dégagées pour la course.

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Une très belle surprise : un film chinois qui nous fait découvrir une région reculée du Yunnan, inaccessible aux touristes, dans les hautes vallées du Mékong et du Yang Tsé, dont les forêts montent à plus de 4.000 m d’altitude, adossées au plateau tibétain. Dans ces forêts perdues aux confins du pays vivent des groupes de singes qui supportent les pluies tropicales de mousson et les neiges de l’hiver en haute montagne. Ces rhinopithèques ont de grands yeux noirs dans une fourrure blanche, avec un nez en creux formé par deux narines bleues ou vertes. Les jeunes opérateurs chinois ont payé de leurs personnes pour suivre ces petits singes à longueur de saison et nous révéler leur vie de famille, très attachante.

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Je passe sur les films à grands fauves, où les crocodiles disputent le cadavre d’un buffle à des lions, et où les hyènes, par leur nombre, finissent par déloger les lions et s’attribuer leur proie. Une sauvagerie aujourd’hui bien connue. Et je reviens à deux petits films charmants, l’un, écossais, qui fait découvrir, sans un mot de commentaire, la vie du cincle plongeur, et l’autre, suisse, qui suit des nuages de pinsons du nord en migration. Le cincle plongeur, ou merle d’eau, est l’un des rares oiseaux terrestres capables de plonger sous l’eau des torrents pour manger et d’en ressortir parfaitement secs. Quant aux pinsons du nord, insectivores durant l’été dans les forêts boréales, ils descendent vers le sud à l’automne pour se nourrir de graines durant l’hiver. Et c’est ainsi que les ornithologues suisses ont eu la chance, l’automne dernier, d’accueillir des millions – oui, des millions—de ces petits passereaux en migration, attirés par les hêtraies des montagnes du Jura, très riches en faînes. Les opérateurs suisses ont pu suivre ces Nuages nomades (le titre du film) où les pinsons, par millions, sillonnent le ciel en tous sens à la manière des bancs de poissons. Ces vols stupéfiants, aux circonvolutions imprévisibles, s’achèvent dans des arbres dortoirs où les oiseaux se reposent pour la nuit, serrés les uns contre les autres. Des scènes sidérantes, que certains ont déjà vu en France et en Allemagne, et d’autre encore ailleurs, mais qui n’avaient jamais été filmées avec ce soin et cette attention de chaque instant.

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