Le retour en force des climato-sceptiques

 


par Olivier Nouaillas
vice-président des JNE

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Après l’accord arraché lors de la COP 21 à Paris, on les croyait réduit au silence et à quelques personnes aussi marginales qu’isolées, mais non : les climato-sceptiques font un retour en force dans le débat public. Et cela, plus surprenant, des deux côtés de l’Atlantique. Ainsi, coup sur coup, Donald Trump et Nicolas Sarkozy, tous deux candidats à la fonction suprême dans leur pays pour 2017, viennent de dire des énormités sur le changement climatique. Et le pire, c’est qu’ils semblent fiers de leur démagogie et qu’ils espèrent tous les deux que cela leur rapportera (des voix).

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Passe encore que Donald Trump, le tonitruant et réactionnaire milliardaire américain, porte-parole de tous les populismes (de l’islam aux migrants en passant par les armes à feu), après avoir qualifié le changement climatique de « bullshit » (connerie) n’hésite pas à affirmer que « le changement climatique est une invention des Chinois » (sic). On sait, en effet, depuis George Bush (fils) et son refus de signer le protocole de Kyoto, que le climato-scepticisme est un des marqueurs idéologiques des républicains américains. D’ailleurs, Noami Oreskes, l’historienne américaine , dans son remarquable livre Les marchands de doute (Le Pommier, 2010) a démontré comment les lobbys industriels (industries du tabac, de l’énergie, du pétrole), qui oeuvrent contre toute réglementation de santé publique ou environnementale, se sont progressivement infiltrés à l’intérieur du Parti républicain. Faisant, après la lutte contre le communisme, de l’écologie « la nouvelle idéologie à combattre… »

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Non, le plus surprenant, c’est que cette rhétorique grossière contre la réalité du changement climatique et le sérieux des travaux des scientifiques du GIEC, ait été reprise par un homme politique français. Et pas un quelconque second couteau. Non, Nicolas Sarkozy, en personne, ancien Président de la République et artisan du Grenelle de l’environnement en 2007 (!!!!). En effet, n’en déplaise à des esprits partisans, jusqu’à présent, la droite française, dans sa quasi totalité, s’était montrée réfractaire aux thèses climato-sceptiques, si prégnantes dans le monde anglo-saxon. Du célèbre discours de Jacques Chirac à Johannesburg au Sommet de la Terre de 2002 (« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs »), à l’adoption du principe de précaution dans la Constitution, la réalité du changement climatique faisait l’objet d’un vaste consensus, y compris dans la droite républicaine. En 2009, lors du Sommet de Copenhague, Nicolas Sarkozy a même prononcé au nom de la France, un discours dans lequel il n’y a pas une seule ligne à changer. Devant l’ensemble des chefs d’Etat réunis et pointant son doigt sur l’assistance il déclarait, en effet : « Qui osera dire que l’objectif de 2° C maximum d’augmentation de la température ne nous impose pas, à nous les pays riches, de réduire de 50 à 80 % nos gaz à effet de serre ? ». En ajoutant, toujours le doigt tendu vers l’assistance : « les scientifiques nous ont dit ce qu’il fallait faire. C’est à nous d’agir ».

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Oui, qui osera dire « qu’il fallait être arrogant comme l’homme pour penser que c’est nous qui avons changé le climat » et que « la première cause de dégradation de l’environnement, c’est le nombre d’habitants sur la planète ? » (NDLR : et donc plus le changement climatique).  Oui, qui osera dire cela ? Et bien c’est … le même Nicolas Sarkozy en 2016, candidat à la primaire de la droite et prêt pour cela à tout les reniements et à toutes les transgressions démagogiques. Qui, par son comportement sans foi, ni loi, justifie pleinement cette phase du grand théologien américain James Freeman Clarke : « la différence entre le politicien et l’homme d’Etat est la suivante : le premier pense à la prochaine élection, le second, à la prochaine génération ».

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Oui, Jean Jouzel, le célèbre glaciologue français, ancien vice-président du GIEC, a mille fois eu raison de qualifier les propos de Nicolas Sarkozy de « pitoyables » et « d’insulte à la communauté scientifique ». Oui, Nicolas Hulot, le plus célèbre écologiste français, a eu raison de dénoncer « le virage à 180 ° de Nicolas Sarkozy sur le climat ». Ajoutant : « mon sentiment, c’est que c’est sûrement pour de bas calculs électoraux. Et c’est dommage, parce que c’est une question qui doit transcender les clivages politiques car la réalité va nous rattraper ».

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La réalité, c’est, en effet, qu’il est plus que probable qu’après 2014 et 2015, l’année 2016 sera vraisemblablement la plus chaude depuis 1880, date des premiers relevés météorologiques. Alors, au-delà des questions de droite au gauche et sans vouloir tomber dans la grandiloquence, les éventuelles élections de Donald Trump, là-bas, et de Nicolas Sarkozy, ici, seraient une très mauvaise nouvelle pour ceux qui croient (et se battent) encore pour l’avenir de l’humanité et de la Planète.

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Journaliste à la Vie, Olivier Nouaillas est l’auteur du Changement climatique pour les Nuls (First, 2014) et, avec Jean Jouzel, de Quel climat pour demain ? (Dunod, 2015). Retrouvez Olivier Nouaillas sur son blog en cliquant ici.

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