Premières impressions sur le festival de Ménigoute 2014

Comme chaque année, plusieurs membres des JNE ont assisté au 30e Festival international du film ornithologique de Ménigoute (Deux-Sèvres), du 28 octobre au 2 novembre 2014. En voici un compte-rendu.

 

par Roger Cans

 

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Le festival de Ménigoute, lancé en 1985 par Dominique et Marie-Christine Brouard, est devenu un rendez-vous incontournable de tous les naturalistes de France et de Navarre (en l’occurrence la Suisse, la Belgique et autres pays voisins).

 

Comme depuis plusieurs années déjà, Catherine Levesque et Marc Giraud, tous deux membres des JNE, ont été mobilisés pour animer une émission quotidienne, diffusée sur internet (Mainate TV). Et Marc a fait en outre une conférence sur la richesse biologique des déjections intitulée « Safari dans la bouse », titre aussi de l’un de ses récents livres (lire notre recension ici).

 

Car le festival n’est pas seulement une occasion de projeter des films « nature », mais aussi de proposer des conférences, des sorties et des expositions de photographes ou d’artistes animaliers. C’est ainsi que la société herpétologique propose des conférences sur les reptiles et les batraciens. J’ai ainsi appris que la vipère aspic, que l’on croit un serpent méridional, amateur de soleil et de sécheresse, est en réalité un serpent qui craint le climat méditerranéen. D’où son aire de répartition limitée en France au sud de la Loire, hormis la Côte d’Azur, et quelques poches en forêt de Fontainebleau et dans les Ardennes. Au nord de la Loire, la vipère est péliade. Son aire de répartition, très vaste, va de l’Atlantique au Pacifique, jusqu’à l’île russe de Sakhaline.

 

J’ai aussi appris que, parmi les oiseaux qui fréquentent le milieu urbain (pigeon, moineau, merle, mésange charbonnière), seul le pigeon souffre d’un mal lié à sa démarche sur le bitume et dans les caniveaux : ses pattes accrochent des fils et des cheveux qui lui provoquent des nécroses, comparables aux blessures occasionnées par les filets aux tortues de mer et aux dauphins. Mais il ne s’agit pas de malformations de naissance, comme on a tendance à le croire.

 

Ménigoute est aussi l’occasion d’expositions de grande qualité. La photo primée représente un balbuzard pêcheur reprenant péniblement son vol à ras de l’eau après avoir attrapé un poisson trop gros. Une autre, exceptionnelle, représente un tichodrome échelette (très joli oiseau rouge et gris, qui arpente d’habitude les falaises de montagne) posé sur l’épaule d’un ange sculpté sur un portail d’église de la Vienne…

 

Hommage à Robert Hainard

 

Pour son 30e anniversaire, le FIFO avait choisi de rendre hommage à Robert Hainard, cet artiste genevois qui a passé sa vie à l’affût de la faune sauvage, souvent de nuit, afin d’en faire le croquis pris sur le vif, puis de graver sur bois la scène aperçue d’un coup d’œil. Les gravures de Robert Hainard, tout en nuances grâce à sa technique du dégradé et au nombre de planches passées sous la presse à main (une par couleur), constituent une œuvre unique. Certaines rappellent les gravures rupestres de nos lointains ancêtres, elles aussi reflets d’un coup d’œil très sûr. D’autres évoquent les estampes japonaises à la technique merveilleusement aboutie, dont il s’est en effet inspiré. Toutes témoignent d’un amour têtu de la nature, qu’il a par la suite tenté d’expliquer dans son œuvre écrite (Et la nature ?, 1943).

 

La chapelle Boucard, charmant édifice gothique situé en plein bourg, a présenté un choix de gravures d’oiseaux effectué par Marie-Madeleine Defago Paroz, la compagne du fils de l’artiste, Pierre Hainard – étonnant sosie de son père. Des quelque 900 et plus gravures et dessins laissés par Robert Hainard, elle a retenu huit cahiers d’oiseaux, classés par familles. Un magnifique coffret à offrir (http/www hainard.ch/documents/Commande- les oiseaux de RH.pdf).

 

Le festival a projeté un long métrage consacré à l’artiste et au naturaliste genevois. Tous les contemporains qui l’ont connu témoignent dans ce documentaire, réalisé par Viviane Mermod-Gasser, cinéaste suisse. Robert Hainard y est traité sous toutes ses facettes : sculpteur et graveur sur bois, dessinateur, peintre, naturaliste, militant écologiste et penseur original. L’un de ces témoins, Philippe Roch, a fait une conférence sur sa pensée, sous le titre un tantinet provocateur : « Le penseur paléolithique ». Nos amis Michel Terrasse et Roland de Miller (JNE), grands admirateurs de Robert Hainard, ont apprécié ces hommages au grand homme.

 

Eloge des chauves-souris

 

Les hasards de la programmation ont mis en avant deux films très différents : un court-métrage réalisé par deux anciens élèves de l’IFFCAM (l’institut de formation au film animalier sis à Ménigoute), intitulé –  clin d’œil… – Hêtre et avoir. Tourné en Morvan et en Limousin, le film dénonce drôlement l’enrésinement forcené de ces deux régions forestières.

 

Le grand prix (« Lirou d’or » ou loriot) a été attribué au film de Tanguy Stoeklé, du Groupe chiroptères de Provence, Une vie de grand rhinolophe. Tourné en Camargue, on n’y voit ni hérons ni flamants roses, mais des images nocturnes presque toutes en noir et blanc et consacrées à une chauve-souris : le grand rhinolophe. On y découvre une mère gestante qui va donner naissance à son bébé, accroché à ses tétines, comme chez nous autres les mammifères. Une vie de grand rhinolophe, moyen métrage émouvant, a séduit le jury, sans doute rassasié d’oiseaux.

 

Un autre film, Noctulambule, mérite d’être signalé, car lui aussi consacré à une chauve-souris, la grande noctule. On y voit la laborieuse recherche du gîte de ce chiroptère mystérieux, qui niche dans les anciens nids de pic épeiche ou de pic vert. Les jeunes naturalistes auvergnats en découvrent un dans un hêtre encore vivant et escaladent le tronc pour vérifier son existence. Les images de l’animal à l’envol de son nid sont exceptionnelles.

 

Le festival de Ménigoute s’est construit sur l’oiseau. Mais le thème, récurrent aujourd’hui, des milieux, des habitats et des écosystèmes ont conduit le FIFO à s’ouvrir à tout ce qui fait de la nature notre environnement. Films, photos, dessins, peintures, sculptures et céramiques, réunis durant une semaine dans ce chef-lieu de canton des Deux-Sèvres, débouchent sur le plus grand rendez-vous naturaliste de l’Hexagone. L’atmosphère y était conviviale, la météo exceptionnellement favorable (merci le réchauffement !) et les occasions de rencontre parfaitement naturelles.