La transition énergétique est l’affaire de tous

 


par Carine Mayo
Mayo-Carine

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Ce devait être une mesure-phare du quinquennat. La loi sur la transition énergétique, prévue initialement en juin 2013, ne pourrait finalement être adoptée qu’en 2015. Que contiendra-t-elle ? Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, devrait en présenter les grandes lignes à l’issue du conseil des ministres mercredi 18 juin. Les attentes sont fortes concernant le financement de la rénovation énergétique des bâtiments et le soutien aux énergies renouvelables, essentiels pour diminuer nos émissions de CO2, la mise en place d’une fiscalité écologique, la redéfinition de la place du nucléaire dans notre mix énergétique, alors que la Cour des comptes vient de pointer l’envolée des coûts de production de l’électricité issue de nos centrales atomiques vieillissantes…

 

Mais nos gouvernants peinent à impulser ce qui devrait être un vrai changement de société plus qu’une simple modification de nos choix énergétiques.

 

Et pourtant, les idées ne manquent pas pour inventer ce que pourrait être le monde de demain. C’est ce que nous sommes allés constater en Angleterre à Totnes, berceau des villes en transition, un mouvement qui a essaimé à travers la planète. Des citoyens y mettent en place des initiatives pour diminuer notre dépendance au pétrole. Face à ceux qui voudraient nous faire croire que le salut énergétique réside dans le nucléaire ou dans les gaz de schiste, ils répondent sobriété et relocalisation de l’économie. Jamais nous n’avions vu une ville où il y a autant de magasins de produits bio et locaux ! Et si les habitants n’ont pas encore pu faire reculer la place de la voiture dans les rues, au moins ils ont réussi à empêcher l’implantation d’un café Costa, une chaîne britannique qui installe ses bistrots standardisés un peu partout. Pas question de renoncer à son identité et aux sandwiches à base de produits régionaux ! L’alimentation est une source importante d’économies d’énergie et l’association Transition Town Totnes organise des forums des entrepreneurs pour mettre en lien producteurs locaux et commerçants. La petite cité touristique fourmille d’initiatives portées par des dizaines de personnes, comme dans ces rues en transition où des groupes de voisins échangent des tuyaux pour diminuer leur consommation d’énergie, d’eau, cultiver leur jardin…

 

Très différent est l’exemple de Grande-Synthe, ville de la banlieue de Dunkerque, que nous avons visitée à l’occasion du DD Tour organisé par le Centre Ressource du Développement Durable (Cerdd). Ici, l’initiative est portée par la municipalité et son maire, Damien Carême. Celui-ci s’est entretenu avec Rob Hopkins, le fondateur du mouvement des villes en transition, a lu et rencontré tous les écolos de France et de Navarre et a fait de la transition l’axe central de sa politique. A ceux qui l’accusent de faire du greenwashing, il rétorque que dans cette ville où le revenu moyen des foyers est de 10000 euros par an, il est essentiel de faire baisser les dépenses des ménages en mettant à leur disposition des bâtiments bien isolés, des parcelles qu’ils peuvent cultiver… Ici, les logements sociaux basse consommation et les jardins partagés fleurissent, la cantine scolaire est bio et locale, les espaces verts sont entretenus sans pesticides, les vaches et les moutons remplacent les tondeuses, une monnaie locale est à l’étude… La transition bénéficie de ce qui manque à Totnes : une volonté politique. Mais à l’inverse de la cité anglaise où la démarche est partagée par un grand nombre d’habitants, tout repose sur une équipe municipale. Qu’adviendra-t-il une fois que celle-ci aura changé ? Aura-t-elle réussi à faire évoluer les mentalités ? Pour inventer un nouveau modèle de société plus écologique et moins énergivore, les initiatives locales et citoyennes ne suffisent pas. Il faut aussi des décisions fortes au niveau national et international. Et nous suivrons avec attention les débats sur la loi de transition énergétique ainsi que le sommet mondial sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015.

 

Le voyage des JNE à Totnes a pu être réalisé grâce au soutien de l’entreprise de thé bio et équitable Les Jardins de Gaïa, des éditions Terre Vivante et Les petits matins, du magazine Les Quatre Saisons du jardin bio, de Roger Cans, auteur de Petite histoire du mouvement écolo en France (éditions Delachaux et Niestlé), de Pascale d’Erm, auteur de Ils l’ont fait et ça marche (éditions Les petits matins), ainsi que de tous les généreux donateurs qui nous ont rejoints sur la plateforme de financement collaboratif Kisskissbankbank. Un grand merci à tous !

 

Présidente des JNE, Carine Mayo vient de publier Le guide de la permaculture au jardin (éditions Terre Vivante).