Nicolas Hulot à Alger : entre changement climatique et retombées radioactives

La nouvelle a vite fait, dès dimanche 16 février 2014, le tour du petit monde des écologistes algériens : Nicolas Hulot, président de la Fondation pour la nature et l’homme, envoyé spécial du président français Hollande pour la protection de la planète, arrive le mardi 18 février en Algérie pour un séjour jusqu’au vendredi 21.

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par M’hamed Rebah

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Alger est une étape de sa tournée de sensibilisation aux questions de l’environnement dans la perspective de la préparation de la conférence Paris Climat 2015 (COP 21). Il faut dire qu’il tombe plutôt mal, en plein débat sur les conséquences des essais nucléaires dans le Sahara algérien, alimenté d’ailleurs, en partie, par les informations que le quotidien Le Parisien a révélées en commentant une carte déclassifiée qui montre que les retombées radioactives ont été bien au-delà du désert où a eu lieu l’explosion de la bombe atomique, le 13 février 1960. Ce jour-là, Nicolas Hulot n’avait pas encore fêté ses 5 ans.

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Mais s’il avait vu (ce qui est très peu probable, mais il peut toujours s’en procurer une copie) l’émission diffusée dimanche soir (16 février) par la chaîne publique de la télévision algérienne, Nicolas Hulot aurait deviné que le message dont l’a chargé le président français – « promouvoir les idées et les valeurs de la France en matière de développement durable et de protection de la planète » – sera écouté avec politesse mais sans grande conviction. Les spécialistes algériens présents sur le plateau de l’émission ont dressé un véritable acte d’accusation contre ce qu’ils ont qualifié de « crime d’Etat permanent », puisque ses effets se produisent encore à ce jour et continueront de se produire dans les années à venir. Les témoignages bouleversants de gens pauvres, handicapés et cobayes à vie d’expériences qui ne sont, dans leurs effets, pas terminées, les images insoutenables filmées par l’équipe de la télévision algérienne, prouvent que cinquante ans après, les retombées sont encore là.

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Dans ce registre, il y avait eu un précédent : les Etats-Unis en avaient fait autant en lançant, en août 1945, leurs deux bombes atomiques (le seul pays au monde à l’avoir fait) sur des gens sans armes, paisibles, des civils, à Hiroshima et Nagasaki, au Japon. L’opération d’Hiroshima avait été conduite, rapporte-t-on, comme une véritable «expérience scientifique ».

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Venu avec un message, Nicolas Hulot repartira avec un autre adressé à son Président : « ouvrez les archives sur les essais nucléaires en Algérie. Dites-nous tout sur ce qui s’est passé : combien d’explosions, où exactement, qui a été utilisé comme cobayes, où sont enfouis les déchets… ? »

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Ceci dit, Nicolas Hulot sera accueilli par les Algériens avec toute la sympathie qu’il mérite en tant que militant écologiste et défenseur de la planète. Son message à lui, il l’a rappelé il y a moins d’un mois à la réunion de la conférence de rédaction de l’Humanité Dimanche, hebdomadaire français, où il était invité : « l’humanité risque de ne pas survivre à une augmentation de 2 degrés de la température ». Il appelle les responsables politiques à imaginer un autre modèle économique à l’échelle mondiale, sinon « la crise que traverse le monde, sociale, économique, environnementale et démocratique, risque de s’approfondir », a-t-il dit en substance à ses confrères (il a toujours la casquette de journaliste) de l’hebdomadaire français. Il argumente en donnant l’exemple de « la précarité énergétique, liée aux impacts des extrêmes climatiques, qui a des conséquences directes sur les plus pauvres et classes populaires». Si rien ne change dans le modèle économique, il avertit que la rareté, notamment énergétique, deviendra pénurie. Ce qui, conclut-il, combiné à la crise climatique fera sauter « le vernis de la civilisation».
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Nicolas Hulot est un fervent opposant au gaz de schiste. Il estime que « la priorité est de ne rien faire qui aggrave la condition climatique». Pour lui, le gaz de schiste n’a rien à faire dans la transition énergétique.

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Il aura l’occasion d’exposer ses idées lors de sa conférence, mercredi 19 février à 17 h 30 à l’Institut français d’Alger, consacrée aux « enjeux universels de la protection de la planète ».
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Cet article est paru dans Reporters (quotidien algérien).

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