Bonne année 2014 … sans croissance !

 


par Olivier Nouaillas
vice-président des JNE

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Avez-vous vu les vœux pour 2014 de François Hollande à la télévision, le 31 décembre au soir ? Il y avait quelque chose à la fois d’incantatoire et de pathétique dans des propos présidentiels qu’on a entendu 1.000 fois depuis le premier choc pétrolier, en 1974 : « la crise s’est révélée plus longue et plus profonde que nous l’avions nous-mêmes prévu », « la tendance (de la baisse du chômage) s’améliore ». Des expressions toutes faites et creuses et qu’on entend depuis « le bout du tunnel », imprudemment annoncé déjà en … 1975 par un certain Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing !

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Cela ne nous rajeunit pas et montre à l’évidence, que gauche et droite productivistes confondues sont incapables d’imaginer un autre modèle économique que celui des Trente Glorieuses, qui, comme son nom l’indique, n’a duré que 30 ans. Une petite parenthèse si l’on considère que l’histoire de l’humanité dure tout de même depuis près de 3 millions d’années…

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Pourtant, le livre qui explique le plus l’année qui s’ouvre (et les autres à venir) est paru courant 2013. Il s’appelle La mystique de la croissance (éditions Flammarion, 17 euros) avec comme sous-titre Comment s’en libérer et il a été écrit par Dominique Méda, une sociologue réputée du travail. Dans ce livre d’environ 200 pages, tout est non seulement brillamment décrit, mais surtout mis en perspective : la crise écologique, notamment avec le réchauffement climatique, la fuite en avant du productivisme, la perte du sens des limites et l’absurdité du mode de calcul du PIB, le fameux et désormais de plus en plus introuvable Produit Intérieur Brut.

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A ce propos, connaissez-vous cette courte bande dessinée sur le PIB et publiée par Fakir, un journal alternatif basé à Amiens : «  Vous fumez…vous attrapez le cancer… ? Vous faites des radios, des chimios… votre famille achète un cercueil en chêne…C’est BIEN : vous relancez la croissance ! Vous cultivez votre jardin …, vous faites une tarte à la rhubarbe…, vous l’apportez à votre maman malade…, vous jouez au foot avec votre fils : c’est MAL, vous ne faites rien pour le PIB ! »

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Mais au -delà de cette critique de la croissance et du PIB, c’est surtout la seconde partie du livre de Dominique Méda, intitulée Changer, puis Mettre en œuvre, qui sont intéressantes. Car là se trouvent des pistes de solutions pour inventer un nouveau paradigme, écologiquement soutenable et, à mon avis, plus crédible que ces incantations présidentielles au retour de la croissance, aussi creuses qu’impuissantes. Je vous en cite quelques-unes, rassemblées par Dominique Méda : un nouvel indicateur de richesses pour remplacer le PIB, en finir avec le tout économie, redéfinir le bon usage de la nature, réconcilier la question écologique avec la question sociale, découpler les supposés liens entre croissance et emploi et, enfin, redéfinir la notion même de progrès … Vaste mais indispensable programme.

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A nous, journalistes des JNE, d’ éclairer ces chemins de traverse. Certains l’appellent « décroissance », d’autres « sobriété heureuse », « frugalité » ou encore « simplicité volontaire ». Peu importe les mots. L’essentiel est de faire notre deuil de cette croissance qui ne reviendra pas de sitôt et qui a déjà fait tant de dégâts à l’environnement. Dennis Meadows, l’un des fondateurs du Club de Rome, auteur du fameux rapport publié en 1972 sur « Les limites de la croissance », confiait en 2012 (1) : « Si votre seule politique est fondée sur la croissance, vous ne voulez pas entendre parler de la fin de la croissance. Parce que cela signifie que vous devez inventer quelque chose de nouveau ». Et visiblement, cette nouveauté fait peur à beaucoup d’hommes politiques.

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(1) Interview au Monde du 25 mai 2012.

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Retrouvez Olivier Nouaillas sur son blog en cliquant ici. Cet édito n’engage que son auteur.

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