Consultations très chasse au ministère de l’Ecologie : chacun peut – et doit – s’exprimer !

Quatre nouveaux projets réglementaires sont actuellement en consultation sur le site du ministère de l’écologie. Arguments à l’appui, l’ASPAS déplore que trois de ces mesures soient exclusivement destinées à satisfaire aux désirs des chasseurs. Il est vrai qu’on en cherche les justifications scientifiques…

par Marc Giraud

 

Photo ASPAS

L’association invite donc les citoyens à s’exprimer dans le cadre de ces consultations en remplissant les formulaires mis en ligne par le ministère (liens pour chaque projet ci-après), en proposant l’argumentation ci-dessous. Attention à la date limite de consultation, fixée au 26 janvier 2013.

 

1 – Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 19 janvier 2009 relatif aux dates de fermeture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau

 

Modifications apportées par les textes :

Le projet d’arrêté autorise la chasse du pigeon ramier jusqu’au 20 février partout en France, alors que, sous la législation actuelle, cette espèce n’est chassée que jusqu’au 10 février dans une soixantaine de départements.

 

Commentaires de l’ASPAS :

Aucune raison scientifique ne vient justifier cette décision, si ce n’est le désir de satisfaire la demande de la Fédération nationale des chasseurs.

Cette décision autorise la chasse du pigeon ramier en début de période de migration prénuptiale, en totale contradiction avec la directive « Oiseaux ». Une confusion est possible avec les pigeons colombin et biset, dont la chasse n’est autorisée que jusqu’au 10 février.

 

Pour donner votre avis sur ce texte :

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/am-pigeon-poste-fixe-2012-12/survey/110960

 

2 – Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 23 décembre 2011 autorisant la chasse de la Bernache du Canada jusqu’en 2015

 

Modifications apportées par les textes :

Le projet d’arrêté autorise la chasse à la passée de la Bernache du Canada (qui commence 2 heures avant le levée du soleil et 2 heures après son coucher) et la chasse de nuit à partir de poste fixe dans 7 départements.

 

Commentaires de l’ASPAS :

Alors que la France détenait déjà le record européen du nombre d’espèces chassables, la Bernache du Canada est devenue chassable en 2011, et espèce « nuisible » en 2012. La population française est aujourd’hui estimée à 5 000 individus. C’est donc une véritable éradication de l’espèce qui est envisagée.

Cette décision étend les périodes de chasse de cette espèce, ce qui a pour unique but de complaire aux chasseurs, au détriment des autres usagers de la nature. Rappelons que cette espèce a été introduite en France à des fins principalement cynégétiques… Il serait temps de ne plus laisser les seuls intérêts cynégétiques orienter les décisions relatives à la faune sauvage.

 

Pour donner votre avis sur ce texte :

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/am-bernache-2012-12/survey/110950

 

3 –  Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 4 novembre 2003 relatif à l’usage des appeaux et des appelants pour la chasse des oiseaux de passage et du gibier d’eau et pour la destruction des animaux nuisibles.

 

Modifications apportées par les textes :

Le projet d’arrêté porte à 70 le nombre de départements dans lesquels l’utilisation d’appelants vivants de pigeons domestiques et ramiers est autorisée. De plus, le projet autorise l’utilisation d’appelants vivants de pigeons colombins dans 13 départements du Sud-Ouest, alors que cette utilisation est actuellement interdite en France.

 

Commentaires de l’ASPAS :

Cette décision, qui facilite et favorise encore la chasse à la « palombe », ne vise qu’à complaire aux adeptes de cette pratique. En autorisant l’utilisation du pigeon colombin comme appelant vivant dans les régions du sud-ouest, cette décision encourage la chasse dite traditionnelle de cette espèce. Ces régions détiennent déjà le record des tableaux de chasse des colombidés en France.

Les populations migratrices de pigeons colombins sont considérées comme en déclin en France. Cette espèce est principalement menacée par les pratiques sylvicoles (disparition des arbres creux et arbres têtards, plantation de résineux) et par l’emploi des pesticides. Toute augmentation de la pression sur cette espèce est à proscrire absolument. Le pigeon colombin devrait au contraire faire l’objet d’un moratoire concernant sa chasse.

Enfin, l’autorisation d’utiliser une espèce comme appelant vivant engendre un commerce souvent incompatible avec la détention de cette espèce dans des conditions conformes à ses besoins biologiques.

 

Pour donner votre avis sur ce texte :

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/am-appelants-2012-12/survey/110946

 

4 – Projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 3 avril 2012 pris pour l’application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement et fixant la liste, les périodes et les modalités de destruction des animaux d’espèces classées nuisibles sur l’ensemble du territoire métropolitain du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013.

 

Modifications notables apportées par les textes et commentaires de l’ASPAS  :

L’actuelle législation interdit l’usage des pièges de catégorie 2 (pièges tuants) sur les abords des zones humides (cours d’eaux et bras morts, marais, canaux, plans d’eaux et étangs) dans les secteurs à loutres, castors et visons d’Europe. Ce projet prévoit une exception à cette interdiction en autorisant les pièges à œuf placés dans une enceinte présentant une ouverture de 11 cm sur 11 cm. Cette exception est catastrophique pour la faune sauvage : cela empêche toute colonisation de nouveaux départements par le vison d’Europe, le putois est une espèce semi-aquatique qui sera susceptible d’être attiré par ce type de piège, tout comme les martre, fouine, chats sauvage et domestique, etc.

Ce projet étend cette interdiction aux pièges de catégorie 5 (pièges tuants par noyade). L’interdiction des pièges tuants de catégorie 5 dans certaines zones est une avancée majeure en matière de protection de la faune.

Ce projet prévoit que les secteurs à loutres et castors seront identifiés par arrêté préfectoral. Il s’agit également d’une réelle avancée puisque l’arrêté d’origine ne prévoit pas l’identification précise de ces secteurs, favorisant les décisions arbitraires. Cependant, en interdisant les pièges tuants dans les seuls secteurs à loutres et castors, toute possibilité de colonisation de nouvelles zones favorables à la présence de ces espèces est anéantie. L’interdiction de ces pièges tuants (catégories 2 et 5) démontre surtout que la non sélectivité de ces pièges est aujourd’hui acquise. Ces pièges devraient donc être totalement interdits, ou du moins interdits aux abords de toutes les zones humides et non dans les seules zones à loutres, castors et visons d’Europe.

D’un point de vue de pure forme, ces dispositions devraient être intégrées à l’arrêté du 29 janvier 2007 relatif au piégeage des espèces nuisibles. En dispersant les règles d’utilisation de ces pièges, on augmente les risques d’une méconnaissance de la réglementation et d’une atteinte grave et illégale à la faune.

Dans les départements où la présence du vison d’Europe est avérée :

– dans le cadre de l’activité de piégeage, il existe des risques de confusion entre le putois, le vison d’Europe et le vison d’Amérique (seul classé « nuisible »). Ce projet prévoit l’adoption par arrêté préfectoral d’une liste d’experts qualifiés pour identifier l’espèce capturée.

L’appréciation de la destruction n’est donc plus laissée aux seuls piégeurs, ce qui constitue une avancée. Cependant, il aurait été préférable que cette consultation d’expert soit une obligation et non une simple faculté pour les piégeurs. En outre, l’indépendance de ces experts, notamment vis-à-vis de toute instance cynégétique (très souvent récalcitrante à la présence des prédateurs naturels), est indispensable et devrait être rappelée dans l’arrêté modificatif.

–  Ce projet interdit la destruction par tir du putois aux seuls abords des zones humides, alors que cette destruction est interdite sur l’ensemble des départements dans l’actuelle législation. Prévoir des modalités de destruction à tir du putois est une absurdité étant donné que cette espèce n’est pas classée nuisible en France.

De plus, d’un point de vue de pure forme, cette disposition devrait être insérée dans l’arrêté relatif au putois (du 2 août 2012), conformément à l’article R. 427-6 du code de l’environnement. Ici encore, il s’agit d’améliorer la compréhension et donc l’application de la réglementation relative au piégeage.

– Le projet précise que la destruction à tir du vison d’Amérique est interdite sur l’ensemble du territoire des départements, ce qui ne modifie pas l’actuelle législation.

Si ces dispositions visent à empêcher la destruction accidentelle de visons d’Europe, cela signifie que ces derniers sont considérés comme présents sur l’ensemble du territoire du département, ce qui est un argument supplémentaire en faveur de l’interdiction des pièges tuants (catégories 2 et 5) en tout lieu et non aux seuls abords des zones humides.

De plus, ces dispositions sont incohérentes avec celles concernant la destruction à tir du putois : étant donné les risques de confusion entre vison d’Europe, vison d’Amérique et putois, l’interdiction de tir doit être la même pour ces 3 espèces. D’un point de vue de pure forme, une référence à l’interdiction de destruction à tir du vison d’Amérique devrait apparaître dans l’article 1 de l’arrêté modifié (par la formule « sous réserve des dispositions de l’article 2 concernant le vison d’Amérique » par exemple).

 

Pour donner votre avis sur ce texte :

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/devl1233453a-am-nuisibles-g1/survey/110956