Chroniques Estivales 

Les vacances sous la tente ne sont plus ce qu’elles étaient. Un témoignage très subjectif…

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par Florence Faucompré

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Depuis les quinze années de camping sauvage ou sage, ambulatoire, passées avec mes parents dans toute la France, l’eau a coulé sous les ponts ….  D’ailleurs à présent, on ne dit plus camping mais  : « résidence hôtelière de plein air » avec les tarifs correspondants aux hôtels. On laisse une dizaine d’emplacements gazonnés, avec ou sans électricité, pour les désargentés. A savoir : les ados, amenés en voiture par leurs grands-parents, les jeunes couples en voyage de noces, les sportifs randonneurs avec podomètres pour mesurer la performance, les jeunes désoeuvrés…

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J’ai découvert cet été mes contemporains. A peine la tente plantée, les hommes sortent la cigarette, le ballon et la canette de bière. On joue aux cartes et on fume de gros pétards de haschich, les écouteurs sur les oreilles, toute la journée. Voilà pour les jeunes de quinze ans que les grands parents viennent rechercher à la fin de leur séjour avec tendresse, et inconscients.

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D’autres adultes arrivent et derechef s’enferment sous la tente, mais pas assez vite pour que je voie comment ils allument au briquet un gros morceau de shit. Les canettes de bière vont de pair,bien sûr.  Un jeune arrive avec son copain («des ados exemplaires », dira quelqu’un qui ne les a pas vus de près) et dès la tente plantée, sort … son narguilé !  J’ai noté que les hommes se saôulent à la Kronenbourg en canette, les filles, c’est au vin rosé, sans doute de Lidl. Le jeune couple, c’est une bouteille de whisky et deux bouteilles de vins rouges en une journée.

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Bref, de quoi faire une véritable étude sociologique de notre monde actuel. C’est sans doute le résultat des lois anti -tabac : le  « plein air » est devenu le dernier refuge des fumeurs, et synonyme de liberté. On se défoule aussi par le bruit : tondeuses à gazon, l’idole du monde moderne, tailleuse de haie, engins pour bondir sur l’eau, quads, « musique » techno à fond dans la voiture, sono du camping tous les soirs pour les loisirs organisés façon Club Med… Toutes les drogues sont bonnes ! Pourvu que l’électricité y participe.

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Fuir le silence, s’abrutir, se défouler. Las ! Je n’ai pas trouvé une seule personne amoureuse de la nature ici. Pire, les malheureuses hirondelles rustiques qui nichent sous le toit des sanitaires ne sont pas vues d’un bon œil. « Ca fait des saletés » ! Malgré la loi qui les protège, elles courent un réel danger à revenir fidèlement dans les campings hostiles.  Las ! Mes joies, je les ai trouvées auprès des pinsons, des accenteurs mouchets, des merles qui venaient me voir chaque jour. Et de mes plants de tomates qui fleurissent généreusement grâce aux fées des fleurs. Même les radis ont fleuri et ont fait de la rébellion : pas de légumes !

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Et côté poésie, j’ai eu mes petites bénédictions. Un soir, en revenant très tard dans le noir sur un chemin ancien, m’éclaira une lumière or et verte sur le bord, celle d’un ver luisant magique. Et juste après, alors que je déplorais le fait de ne pas voir vu d’étoiles filantes cette année au moment du passage des Perséides, j’ai eu la grâce de voir devant moi, telle une réponse immédiate, une étoile filante. Le temps de faire un vœu – que je garde secret bien sûr. Un été instructif – en tous les cas.

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Autre moment de grâce, alors que j’allais acheter une portion de frites le soir pour me réchauffer les doigts, un client jovial lance au vendeur qui parle d’ouragan : – Eh bien ! il faut bien partir un jour ! Nous sommes tous des oiseaux migrateurs, comme les hirondelles, un jour on rentre à la maison ! Pas vrai, madame ? me dit-il. Et je ne peux qu’aquiescer …

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