Rio+20 : du radicalisme du Sommet des Peuples au consensus mou de l’ONU, les héros sont fatigués…

Les conférences de Rio sont donc terminées. Celle des Nations Unies, le Sommet des Peuples et tous les événements périphériques organisés par les associations ou groupes de pression qui viennent profiter d’une exceptionnelle concentration de journalistes venus du monde entier. Pour tous, le bilan, version écologiquement et politiquement correcte, est très mitigé.

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par Claude-Marie Vadrot

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Le Sommet des Peuples, en dehors de quelques débats dont celui sur la déforestation de l’Amazonie, a souvent ressemblé à un bazar artisanal où se vendaient plus de colifichets indiens que d’idées nouvelles. Sympathique, certes, mais n’apportant pas beaucoup d’idées neuves face à la somnolence de la conférence officielle. D’ailleurs, avoir seulement réuni une cinquantaine de milliers de personnes dans les rues de Rio pour la manifestation du mercredi d’ouverture de la conférence dans une ville d’au moins cinq millions d’habitants, ne témoigne pas d’un grand indice de mobilisation.

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Une impression illustrée par la difficulté des organisations présentes à ce Sommet des Peuples à rédiger une déclaration finale commune qui n’a finalement été publiée que très tard dans la soirée de vendredi sans que la presse en soit informée pour la répercuter. Ceci à la fin d’un bras de fer entre le radicalisme des étrangers et la prudence des Brésiliens.

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Donc il semble que comme les grandes associations (1), cette partie de la société civile qui se veut plus progressiste, plus offensive, plus radicale commence à se chercher un nouveau souffle et de nouvelles idées de changement et de luttes. Comme le montre, dans un domaine contigu mais différent ,la baisse de régime et d’idées des forums sociaux. Qu’ils soient mondiaux ou régionaux.

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Comme si les expériences locales réussies ne parvenaient pas ou plus à trouver une cohérence politique ou idéologique, comme si aussi –ce n’est qu’un exemple- Attac avait fait son temps après avoir joué un rôle considérable avant de découvrir, comme les Forums, que les questions écologiques et environnementales existaient. L’aile radicale de la contestation de la gestion des ressources naturelles, au sens le plus large du terme, doit manifestement se renouveler.

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Inutile de revenir sur l’échec de la force de conviction et de négociations des grandes associations (1) puisqu’elles ont elle-même avoué qu’elles avaient été impuissantes à peser sur la Déclaration finale qui avait été bouclée avant même que se tienne Rio+20.

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Déclaration qui n’offre guère de perspective et qui règle aucune problème, et que les délégations n’ont pas eu le droit de modifier en séance plénière. Ne restait que la litanie des déclarations inutiles qui ne pouvaient plus changer le fade contenu de la déclaration finale de 60 pages adoptée sans enthousiasme vendredi 22 juin après avoir été « fermé » depuis plusieurs jours à tout amendement par le gouvernement brésilien.

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Ce spectacle nouveau résume parfaitement la tonalité d’une conférence qui n’a rien résolu des malheurs écologiques de la planète parce qu’il ne fallait braquer personne. Vendredi soir, de nombreux délégués avouaient leurs déceptions et leurs frustrations en traînant leurs valises à roulettes dans les couloirs du Rio Centro. En oubliant que beaucoup d’entre eux sont responsables, à des degrés divers et au nom de leurs pays, de l’échec d’une conférence dont l’enfer n’a été pavé que de quelques bonnes intentions dont il ne reste pas grand chose en dehors de la promesse… de continuer.

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Certes, l’économie verte a été remise in extremis à sa juste place, certes le Programme des Nations Unies pour l’Environnement sera renforcé (un jour…) ; et évidement, l’écrire ne coûte rien, le rapport final affirme vouloir lutter contre la pauvreté, pour l’eau et l’assainissement accessible à tout le monde ; bien sûr, la question sociale est évoquée et les objectifs de développement durables ont été précisés et… confiés à une groupe de travail. Mais le bilan des avancées ou des reculs par rapport à la première conférence de Rio de 1992 n’a pas été fait, parce qu’il pouvait fâcher. Notamment sur le question de la biodiversité, passée à la trappe. Et les « financements innovants », donc les moyens financiers pour aider au développement et à la défense de l’environnement, sont remis à plus tard, à une autre conférence peut-être. La montagne onusienne a accouché d’une souris qui n’est même pas verte ; aboutissant à ce que la députée européenne des Verts Sandrine Bélier a appelé un « sommet de la déception ».

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Dans le fond, Rio+20 n’est pas un échec puisque les délégués, la société civile et les délégués de la majorité des pays ont découvert en arrivant à Rio que les Nations Unies et le gouvernement brésilien, au lâche soulagement des Etats Unis, de la Chine, de la Russie et de certains pays européens, avaient parfaitement réussi leur coup : transformer une conférence en chambre d’enregistrement du « business as usual ».

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Ne reste que le souvenir d’une belle ville bien vivante où se déroulent partout des expériences communautaires passionnantes.

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Cet article a été publié sur le site de Politis.