Protection de l’environnement: à quoi sert la loi ?

Dans une longue lettre publiée par plusieurs journaux, le Professeur Slim Benyacoub, de l’Université d’Annaba (Algérie), a tiré la sonnette d’alarme à propos du Parc national d’El-Kala, sur le littoral de l’extrême-est algérien.

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par M’hamed Rebah

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Le danger vient, également, du dédoublement de la RN 84A. « Cette voie unique et pittoresque, qui était à l’origine une départementale secondaire entre Annaba et El-Kala, le CW 109, explique-t-il, s’est vue propulsée au rang de route nationale à deux voies avant de devenir bientôt une « bonne 4 voies ».

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Cette RN traverse une des plus grandes zones sauvages du parc. Conséquence : la mortalité de la faune a été multipliée par 25. « En définitive, résume le Pr. Benyacoub, le Parc national sera à terme traversé dans une bande de moins de 10 km de large par 3 axes routiers parallèles : l’autoroute est-ouest, la RN 44 et la RN 84A ». « Grosse performance en matière d’aménagement d’une zone protégée!! », ironise-t-il.

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Les dunes ne sont pas à l’abri de cet aménagement « performant ». Le Pr. Benyacoub rappelle que « la région peut se vanter de posséder les plus longues plages d’Algérie bordées de dunes. Près de 25 km de plages dans un pays montagneux, c’est une performance géomorphologique ! 4 km sont localisées dans le Parc national, dont 1 km de plage vierge convoitée par les autorités locales, celles-là mêmes qui sont chargées de sa protection ».

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Le site est protégé par un statut et son littoral par une loi mais, signale-t-il, « les pouvoirs publics locaux se sont lancés sans projet clair à l’assaut de ce dernier refuge de la nature dans notre pays ».

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Il s’interroge si « les lois de la République ne sont qu’un discours creux tout juste destiné à orner nos recueils de textes officiels ? » Autre question pertinente qu’il soulève : « Faut-il également se faire à l’idée qu’il existe deux catégories de citoyens dans ce pays : ceux qui sont investis du pouvoir de décision et ceux qui les regardent décider, avec « profit » pour les uns et avec « perte » pour la grande majorité des autres… ? »

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Force est de constater que les lois ne sont pas égales entre elles. Comparons la loi sur le code de la route et la loi sur l’environnement : la célérité avec laquelle est mis un sabot pour immobiliser un véhicule en stationnement interdit et amener le conducteur à payer la contravention contraste avec la façon dont sont sanctionnées les nuisances sonores provoquées par ces mêmes véhicules, rigueur dans le premier cas, laxisme voire complaisance dans l’autre.

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Ne parlons pas des activités semi-officielles organisées sur la voie publique à grand renfort de sono poussée à fond. Pour poser des haut-parleurs sur la voie publique et diffuser de la musique, au milieu d’habitations, il faut une autorisation du wali et pour que cette autorisation soit accordée, il faut (c’est la loi qui le stipule) une étude d’impact de l’activité concernée sur l’environnement… sauf quand la population compte pour du beurre. Et, en général, elle compte pour du beurre comme le prouve la légèreté avec laquelle est traité le cadre juridique qui régit la pollution sonore quand il doit s’appliquer aux activités bruyantes (« autorisées ») sur la voie publique. A quoi sert la très bonne loi algérienne sur l’environnement puisqu’elle elle n’est pas respectée. Ou alors, faut-il l’amender ?

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Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Algérie) du samedi 11 juin 2011.

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