Qui a donc tué l’écologie ?

..
..par Fabrice Nicolino

.

Sommes-nous prêts ? Serons-nous capables de faire face à l’incroyable crise écologique qui secoue la planète ? Est-il possible de combattre les phénomènes de dislocation des sociétés humaines, déjà à l’œuvre ? Rien n’est moins sûr, hélas.

.

C’est parce que je suis obsédé de longue date par ces questions que j’ai voulu interroger l’état des principales associations écologistes présentes en France. J’en ai fait un livre, qui déplaira à beaucoup, et qui permettra peut-être, et malgré tout, de débattre (*). Il s’agit d’une enquête, certes engagée, mais également documentée.

..

Je ne peux ici en révéler la teneur, mais il est certain que de nombreuses informations qu’elle contient donnent une image totalement différente des chromos habituels. Au fait, saviez-vous que le WWF siège dans une « table-ronde » avec Monsanto pour offrir aux industriels un label durable au soja, arme de destruction massive des écosystèmes et des communautés paysannes ? Ce n’est pas une polémique, c’est un fait.
Ceux que j’appelle désormais la « Bande des Quatre » – WWF, Greenpeace, Fondation Hulot, France Nature Environnement – ont accepté un pacte de dupes connu sous le nom de Grenelle de l’Environnement. Commencé en 2007, ce Grenelle n’aura été qu’une opération politicienne de plus. Le drame, c’est qu’elle a endormi l’opinion pendant des années en lui faisant croire que la question écologique pouvait être abordée dans le cadre dérisoire de la France. Le Grenelle, et pardon à tous ceux qui y croient encore, a été selon moi un ultime moment de confiance franchouillarde.

.

Et ce n’est pas tout : au moment même – la fin de l’été 2007 – où notre président Sarkozy vantait une soi-disant « révolution écologique », il négociait la vente d’un réacteur nucléaire au tyran de Tripoli Mouammar Kadhafi. Je sais que la mémoire est courte, mais tout de même !

.

Le fait est qu’en une quarantaine d’années, les associations officielles, jadis vives et combatives, sont devenues des petites institutions. On passe la rhubarbe, et l’on attend en retour le séné, sur fond d’embrassades, de petits-fours, de passages à la télé. Il s’agit d’une loi sociale, qui s’impose à tous : qui vieillit change.

.

Le grand malheur, c’est que tout change. En quarante ans, ce que nous prenions alors pour une crise maîtrisable, souvent localisée, est devenu un ensemble de collapsus écosystémiques, tous connectés les uns aux autres. La crise des océans renforce celle des forêts qui aggrave celle des sols, lesquels réclament une eau qui se fait rare et capricieuse pour la raison que le climat est déréglé. Or, nous le savons tous, il va falloir nourrir demain entre 9 et 10 milliards d’humains.

.

Les associations écologistes officielles ne seront pas au rendez-vous. Telle est en tout cas ma conclusion. Entre autres empêchements, elles n’osent même pas nommer notre adversaire principal, qui est évidemment le système industriel et ses surpuissantes transnationales. Amorales par définition, elles avanceront jusqu’au bout ultime de l’impasse.

.

Permettez-moi de vous dire que le père du « développement durable », formidable coup de force sémantique, s’appelle Maurice Strong. Ce Canadien aura tout fait. Patron de l’industrie pétrolière – en l’occurrence Petro-Canada -, il a été le premier secrétaire du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) et à ce titre, grand organisateur des Sommets de la terre de Stockholm (1972) et Rio (1992). Notre avenir commun est en de bonnes mains.

.
Qui a tué l’écologie, par Fabrice Nicolino, 300 pages 20,50 euros (Les Liens qui libèrent, LLL)

.

Fabrice Nicolino anime le blog Planète sans Visa http://fabrice-nicolino.com


Cet éditorial, comme tous ceux du site des JNE, n’engage que son auteur.